Propriétés des émissions d’un miroir plasma
Emission d’impulsions attosecondes
La génération d’harmoniques dans les cristaux provient de la réponse des électrons à l’oscillation imposée par le champ laser. L’oscillation des électrons est la somme d’une oscillation à la fréquence du laser ω0 (majoritaire) et d’oscillations aux fréquences harmoniques nω0, n ≥ 2 : x(t) = α1E0 cos(ω0t) + α2E 2 0 cos(2ω0t) + α3E 3 0 cos(3ω0t) + … (4.1) où x(t) est la position de l’électron, E0 est l’amplitude du champ laser et αi les constantes de réponse du milieu. Les électrons émettent alors un nouveau champ électromagnétique aux différentes fréquences harmoniques. Pour des raisons de non-linéarité, le champ est émis sous la forme d’une impulsion plus courte que l’impulsion laser de départ, le rapport entre les deux durées d’impulsion est √ n, où n est l’ordre harmonique émis. Dans le cas de génération d’harmoniques dans les milieux ionisés (gaz, solides), les nouvelles fréquences ne sont pas émises continument 1 mais localement au sein du cycle optique du laser : les électrons sont arrachés du milieu par le champ électrique, puis retournent dans le milieu quand le champ électrique s’inverse (Fig. 4.1). C’est l’interaction entre les électrons et le milieu ionisé en milieu de cycle (cas des harmoniques gaz et CWE, Fig. 4.1 (a) et (c)) ou le mouvement des électrons en début de cycle (cas des ROM, Fig. 4.1 (b)) qui conduit à l’émission de nouvelles fréquences. Cette émission a ainsi lieu durant une fraction du cycle optique du laser : ce sont des impulsions attosecondes. Plasma dense e- Atome eeeHHG HHG HHG (a) Gaz (b) ROM (c) CWE Figure 4.1 – Les différents mécanismes de génération d’harmoniques d’ordre élevé (HHG) dans un milieu ionisé, les mouvement des électrons sous l’effet du champ laser oscillant est représenté en vert. Le spectre de ces impulsions attosecondes est continu. Cependant, le phénomène d’émission d’une impulsion attoseconde a lieu une fois (HHG plasma dense) ou deux fois (HHG gaz) pour chaque cycle optique. Dans le cas d’une impulsion laser de plusieurs cycles optiques (cas général), cela conduit à l’émission d’un train d’impulsions attosecondes (voir Fig. 4.2). Si on regarde désormais le spectre de ce train (ce qu’on observe expérimentalement) – il s’agit de la somme cohérente des spectres de chacune des impulsions attosecondes – on obtient un peigne de fréquence dont les pics sont centrés sur les fréquences harmoniques du laser (HHG plasma dense) ou seulement sur les fréquences harmoniques impaires (HHG gaz). C’est pour cette raison qu’on parle de génération d’harmoniques d’ordre élevé bien que chaque impulsion corresponde à un continuum dans le domaine spectral. Nous allons étudier ici uniquement la génération d’harmoniques par réflexion sur un plasma surdense, appelé aussi miroir plasma.
Principe du miroir plasma
Quand une impulsion laser est focalisée sur une cible solide à une intensité supérieure à ≈ 1013 W.cm−2 , le solide est ionisé, un plasma se forme à sa surface (voir Fig. 4.3). Un plasma réfléchit les ondes électromagnétiques à la manière d’une surface métallique, car il contient des charges libres, c’est pour cette raison qu’on parle de miroir plasma [14, 15]. Ainsi, l’impulsion laser est réfléchie au niveau de la surface du plasma. Il faut une densité électronique suffisante – appelée densité critique Nc – pour que l’impulsion laser soit effectivement réfléchie. Cette densité critique dépend de la fréquence du laser ω0. En effet, un plasma possède une fréquence propre d’oscillation électronique ωp [16] : ωp = s Ne2 me0 (4.2) où N est la densité électronique, me et e la masse et la charge de l’électron, 0 est la permittivité diélectrique du vide. La réflexion du laser a lieu quand ωp = ω0 (en incidence normale) : le laser est résonant avec le plasma. Pour un laser à 800 nm, la densité critique est Nc = 1.75 × 1021 cm−3 . Un plasma dont la fréquence d’oscillation est supérieure à la fréquence 94 Propriétés des émissions d’un miroir plasma laser est un plasma sur-dense ou sur-cirtique à la fréquence ω0. La densité plasma maximale Nmax d’un solide est égale à sa densité électronique (le solide est alors entièrement ionisé) : Nmax = Z Ma ρNA (4.3) où Z est le numéro atomique, Ma la masse atomique, ρ la masse volumique du solide et NA le nombre d’Avogadro. Pour les cibles solides usuelles (plastique, verre, métal), Nmax est de l’ordre de quelques centaines de Nc. On a ainsi toujours formation d’un miroir plasma si le solide est beaucoup ionisé. Dans le cas d’une interaction laser-plasma à très haute intensité, l’ionisation de la cible solide a lieu avant le maximum de l’impulsion. En effet, une impulsion laser usuelle possède un piédestal (voir Fig. 4.4) dont l’intensité, relativement faible, peut être suffisante pour ioniser la cible. L’instant de création du plasma dépend ainsi du contraste du laser (ratio entre le maximum de l’impulsion et le maximum du piédestal, 107 sur la Fig. 4.4).
Génération d’harmoniques sur miroir plasma
Dans les expériences de génération d’harmoniques sur miroir plasma, les intensités requises sont telles que le plasma se forme avant l’arrivée du pic principal de l’impulsion. C’est le front montant de l’impulsion laser qui crée le plasma, l’interaction en elle-même a lieu plus tard, au voisinage du maximum d’intensité. Nous verrons que le délai entre la création du plasma et l’interaction laser-plasma proprement dite est un élément crucial dans la génération d’harmoniques. Deux mécanismes de génération d’harmoniques d’ordre élevé sur miroir plasma ont été identifiés. Il s’agit du miroir oscillant relativiste (Relativistic Oscillating Mirror, ROM) [12] et de l’émission cohérente de sillage (Coherent Wake Emission, CWE) [10]. Le premier a 4.3 Génération d’harmoniques sur miroir plasma 95 lieu pour des intensités supérieures à 1018 W.cm−2 , le second à partir de 1015 W.cm−2 . Ces deux mécanismes ne sont pas en concurrence, les émissions ROM et CWE n’ont pas lieu au même endroit et peuvent être observés simultanément dans des conditions bien précises. Cependant, il proviennent du même phénomène : à la surface du plasma dense, des électrons sont arrachés vers le vide puis renvoyés vers le plasma par le champ laser oscillant (voir Fig. 4.1(b) et (c)). Ce phénomène a été décrit pour la première fois par Brunel [17] pour expliquer l’absorption non résonante d’énergie dans l’interaction laser-plasma avec un laser en incidence oblique polarisé P. Les électrons arrachés par la composante normale du laser sont ainsi appelés électrons de Brunel. En incidence normale ou en polarisation S, il n’y a pas de champ électrique normal à la surface et donc pas d’électrons de Brunel.