Propriétés de transport électronique de nanotubes de carbone
Nanotubes de carbone remplis de cobalt (Co@SWNTs)
Caractéristiques des échantillons mesurés
Après avoir présenté quelques résultats de mesures typiques obtenus sur les SWNTs avant remplissage, intéressons-nous dans cette section aux propriétés de ces mêmes nanotubes remplis ultérieurement avec du Co. Nous avons étudié à la fois des SWNTs individuels mais surtout des fagots dont les diamètres étaient généralement compris entre 2 et 5 nm. Le remplissage était toujours partiel et composé de particules encapsulées dans les SWNTs d’un diamètre typique de 1 nm et d’une longueur maximale pouvant aller jusqu’à une centaine de nanomètres. Les mesures présentées dans cette section étaient effectuées en connectant les nanotubes sur des substrats non compatibles avec l’observation TEM. Il n’était donc pas possible d’observer la présence éventuelle d’un remplissage dans les SWNTs mesurés. La distance entre les électrodes métalliques de contact était généralement comprise entre 300 et 400 nm et donc toujours supérieure à la longueur du remplissage. Les mesures présentées dans cette section ne sont donc pas attribuables au transport électronique à travers un seul fil de cobalt mais plutôt au comportement d’un fil ou d’une particule de cobalt plus petite couplée avec le transport électronique à travers un ou plusieurs SWNTs vides connectés au sein d’un fagot. Parmi l’ensemble des nanotubes connectés, nous n’avons mesuré à basses températures que les SWNTs les mieux connectés, dont la résistance à deux pointes était inférieure à 50 kΩ à température ambiante. Nous ne présentons ici que des résultats obtenus sur des petits fagots de SWNTs. En effet, nous n’avons pas observé de signature magnétique du remplissage sur SWNTs individuels, probablement à cause des taux de remplissage assez faibles.
Mesures de la conductance en fonction de H et de Vg
La plupart des mesures présentées dans ce paragraphe ont été obtenues sur un fagot de SWNTs de 4 nm de diamètre connecté à des électrodes métalliques distantes d’environ 300 nm. Cet échantillon a donné les meilleurs résultats mais nous avons également observé des résultats comparables sur cinq autres fagots. Afin de caractériser les propriétés de transport électronique de l’échantillon connecté, nous avons effectué des mesures courant-tension à très basses températures en fonction du champ magnétique appliqué à différentes valeurs de la tension de grille en face arrière Vg. L’échantillon est resté pendant environ 3 mois à la température la plus basse du cryostat (T=40 mK) et un grand nombre de mesures a ainsi été effectué. Nous ne présentons ici que quelques résultats parmi les plus caractéristiques. La figure 4.4 représente une carte de la conductance différentielle G = dI/dV mesurée sur une plage de tensions de grille Vg variant de -3.5 V à -0.5 V. On remarque que l’allure de la carte est très complexe, à la manière de la carte de conductance obtenue pour des nanotubes n’ayant pas subit l’étape de remplissage (Fig. 4.2). La conductance varie de manière désordonnée entre des valeurs de faibles conductances (en bleu) et des valeurs de conductance plus élevées. On remarque également que la valeur de la conductance peut, pour certaines tensions de grille Vg, dépasser la valeur maximale théorique G = 4G0 de la conductance d’un SWNT individuel (régions en rouge foncé). Le transport électronique dans le fagot de SWNT mesuré ici se fait donc probablement à travers plusieurs nanotubes en parallèle. Une contribution éventuelle d’un remplissage métallique au transport électronique pourrait, peut-être, être partiellement responsable de la valeur élevée de la conductance maximale (Gmax ≈ 6 G0). Malgré la complexité des caractéristiques G(Isd, Vg) de la figure 4.4, nous avons poursuivi les mesures afin d’étudier les variations de conductance sous champ magnétique. Notre objectif était de révéler d’éventuelles variations hystérétiques de la conductance sous champ magnétique, permettant de mettre en évidence et d’étudier l’influence d’une particule de cobalt, encapsulée dans les SWNTs, sur les propriétés de transport électronique du dispositif. La figure 4.5 présente des résultats de mesures de la conductance en fonction du champ magnétique appliqué à différentes tensions de grille Vg. Dans ces mesures, le champ magnétique est balayé dans le plan de l’échantillon, à 25◦ par rapport à l’axe du fagot de nanotubes et à une vitesse constante de 70 mT/s. La conductance varie en fonction du champ magnétique et en particulier pour certaines tensions de grille, elle subit des variations brutales pour un champ magnétique bien défini. En partant de la situation en champ positif où µ0H = 2.5 T sur la figure 4.5.a (Vg = −4.295 V), la diminution de l’intensité du champ magnétique engendre vers les champs négatifs une augmentation de la conductance suivie d’un saut à −µ0Hsw ≈ −1.28 T. Un comportement analogue est observé dans l’autre sens de balayage du champ pour la même valeur de champ magnétique Hsw. Cette variation hystérétique brutale de la conductance en fonction du champ magnétique appliqué n’était pas observée pour les nanotubes vides (Fig. 4.3) et est attribuée au retournement de l’aimantation d’une particule de cobalt encapsulée. L’aimantation de la particule s’oriente suivant le champ magnétique en champ fort (µ0H > 2 T) et lorsque le champ appliqué s’annule puis s’inverse, l’aimantation a tendance à s’orienter selon le champ et se retourne brutalement à une valeur de champ magnétique bien définie Hsw dans le sens d’application du champ. Ce champ magnétique où la conductance passe brutalement de 3.2 G0 à 3.1 G0 sur la figure 4.5.a est attribué au champ de retournement de la particule de cobalt. On note ici la valeur importante de Hsw qui est de l’ordre du Tesla. Un comportement analogue est observé sur la figure 4.5.b, sauf qu’à la tension de grille considérée (Vg = −3.865 V), la variation brutale de conductance entraîne une augmentation de la conductance à ±µ0Hsw dans les deux sens de balayage du champ. La variation de conductance est ici opposée à celle observée à Vg = −4.295 V sur la figure 4.5.a qui conduisait à une diminution de la conductance au niveau du saut. Sur les figures 4.5.a et 4.5.b, les sauts de conductance au champ de retournement Hsw correspondent respectivement à des variations de conductance ∆G/G au niveau du saut d’environ 3% (∆G ≈ 0.1G0) et 2% (∆G ≈ 0.07G0). Pour les tensions de grille considérées (Vg = −4.295 V et Vg = −3.865 V), ces sauts de conductance ne représentent donc que des variations relativement faibles de la conductance, de l’ordre de quelques %.
Introduction générale |