Propositions pour un programme prioritaire de
recherche
Méthode de construction du projet scientifique du PPR
Le projet scientifique présenté dans ce document repose, à partir d’un cadre initial proposé par le MESRI, sur une réflexion conduite d’octobre à décembre 2018 par un comité d’animation composé de 19 personnes d’origines institutionnelles diverses : des scientifiques (INRA, Universités et Etablissements d’enseignement supérieur agronomique, CNRS, INRIA, IRSTEA) et des professionnels (ACTA, UFS, Agrauxine, ITAB), sous la coordination de Florence Jacquet et de Christian Huyghe. Des experts extérieurs au comité ont également été consultés et la réflexion s’est nourrie d’interactions avec différentes instances de réflexion et d’action concernées par le sujet des pesticides. Le travail de construction collective a été organisé de deux manières, d’une part par une réflexion approfondie en petits groupes autour d’objectifs appelés « défis » et identifiés comme les leviers permettant la transition visée et d’autre part par des discussions au sein du comité dans son ensemble sur les transversalités et interactions entre ces défis pour dégager les priorités de recherche. Les six défis qui ont structuré la discussion sont les suivants : • Connaître l’exposome chimique • Favoriser la transition des systèmes de culture pour renforcer la prophylaxie, réduire l’impact des bioagresseurs et l’utilisation des pesticides • Développer des espèces et variétés permettant la reconception des systèmes et la transition agro-écologique • Accélérer le développement de solutions de biocontrôle et leur déploiement par l’acquisition de connaissances nouvelles • Mobiliser l’agriculture numérique et les agroéquipements pour l’agroécologie et la réduction de l’usage des pesticides • Encourager le changement en mobilisant les leviers économiques et réglementaires, privés et publics. Le comité s’est réuni à quatre reprises, le 1er octobre, 6 novembre, 28 novembre 2018 et 9 janvier 2019. La réflexion a été appuyée également par une analyse des projets de recherche financés ces dix dernières années sur les thématiques du futur PPR, à la fois au niveau national (par l’ANR, Ecophyto et le CASDAR) et au niveau européen (FP7 et H2020)
Etat de lieux des financements de recherche sur les thématiques du PPR
De nombreux dispositifs de financement de la recherche existent déjà qui soutiennent des projets de recherche en lien avec les thématiques du futur PPR. Au niveau national, l’ANR a financé depuis 2008, 148 projets4 en lien plus ou moins étroit avec les défis du PPR, pour un budget total de 66 millions d’euros. Ces projets ont été financés jusqu’en 2013 dans le cadre des appels à projets thématiques (Systerra, 4 Recherche sur la base de données ANR accessible en ligne par mots clefs:pesticides, herbicides, fongicides, insecticides, agro-écologie, résistance des plantes, biocontrôle, lutte biologique 14 Agrobiosphere, CESA,etc.) et dans le cadre des appels à projets BLANC , puis à partir de 2014 dans le cadre de l’Appel à Projets Générique et d’appels internationaux. Il s’agit le plus souvent de projets visant à produire des connaissances fondamentales mais aussi de projets ciblés et finalisés sur la résolution de problèmes et de projets en partenariat avec des entreprises. Le Plan Ecophyto, via son axe Recherche, a financé depuis 2010, 158 projets directement liés à l’objectif de réduction des usages des pesticides, pour un montant total de 21 millions d’euros sur des appels dédiés ou en cofinancement d’appels lancés par d’autres organismes : ANSES, Ministère de l’écologie, etc. Ce sont des projets de recherche finalisés dont les thématiques répondent aux priorités définies dans Programme scientifique Recherche et Innovation du plan Ecophyto I puis dans la Stratégie Recherche et Innovation du plan Ecophyto II . Le budget Ecophyto Recherche a été en moyenne de 2,6 millions par an sur la période 2010-2017. Par ailleurs, le programme Ecophyto a recensé (données accessibles en ligne) les projets financés dans le cadre des appels à projet du Compte d’Affectation Spéciale du «Développement Agricole et Rural » (CASDAR) sur les thématiques en lien avec le Plan Ecophyto, et on dénombre au total 84 projets depuis 2010 pour un budget total de 23 millions d’euros. A ces financements, il conviendrait d’ajouter pour l’Innovation et la RechercheDéveloppement, les financements attribués par le Programme des Investissements d’Avenir (PIA) avec des montants importants consacrés à des projets de sélection variétale et au secteur du biocontrôle, ainsi que les financements attribués par le Fonds Unique Interministeriel (FUI) aux projets d’innovations, et les financements du Crédit Impôt Recherche (CIR) . Au niveau européen, en lien avec les thématiques du futur PPR, on a pu identifier dans le FP7 et H2020 (soit entre 2008 et 2018) 125 projets de recherche avec participation d’équipes françaises, pour un budget total de 64 millions attribués à ces équipes. Ce montant concerne tous les instruments du FP7 (projets collaboratifs, partenariat PME, bourses individuelles, etc.) et de H2020. Dans H2020, on note l’importance des projets qui s’inscrivent dans le Programme Européen d’Innovation Agriculture (PEI-Agri) sous la forme de projets de type « multi-actor approach » incitant à une participation d’acteurs non-académiques (entreprises, agriculteurs,…) Finalement, ce sont environ une cinquantaine de projets par an pour 15 millions d’euros environ qui ont depuis 10 ans produit des connaissances mobilisables.On peut distinguer dans cet ensemble, des projets plus orientés sur la production de connaissances et des projets visant la production d’innovation ou le développement, portés en partenariat avec des entreprises ou des organismes de RechercheDéveloppement. Dans la perspective d’appuyer la réflexion pour construire le PPR, les projets recensés ont été classés en 6 catégories correspondant aux thématiques retenues pour la réflexion : 1/1bis : Impacts des pesticides sur la santé et l’environnement 2 : Leviers agronomiques pour la réduction des pesticides 3 : Mécanismes de résistance ou tolérance des plantes aux bioagresseurs 4 : Connaissances pour le biocontrôle 5 : Capteurs/agroéquipements/épidemiosurveillance 6 : Analyses des dimensions sociologique, économiques, juridiques et politiques de l’usage et de la réduction de l’usage des pesticides. Dans le premier ensemble illustré par la figure 4 on voit l’importance des thématiques 3, 4 et 1. Pour l’ANR, cela concerne des projets qui ont porté sur : i) les mécanismes au niveau cellulaire des relations hôte/pathogène et les déterminismes de la résistance aux pathogènes des végétaux (thème 3) , ii) les mécanismes d’infection mis en œuvre par les espèces nuisibles pour détourner le métabolisme des plantes, et plus généralement les comportements des bio-agresseurs (thème 4) et iii) les impacts et risques sur la santé (thème 1) et l’environnement (thème 1bis), avec environ 40% de ces projets sur la santé humaine, principalement dans le cadre d’études épidémiologiques à partir de cohortes sur l’impact de différents contaminants, dont les pesticides . Au niveau Européen, les projets de recherche sont souvent plus intégrés, c’est à dire combinant, dans une visée de constructions de connaissances complémentaires sur une plante ou un système de culture, des travaux en génétique, agronomie et lutte biologique, destinés à permettre une réduction de l’usage des pesticides. Les projets se référant à la Protection Intégrée des Cultures sont ainsi très importants dans les financements européens, surtout dans le FP7, la participation de chaque équipe nationale pouvant porter sur une seule dimension du problème. Dans le second ensemble de projets (figure 5) on trouve des projets ANR, notamment des projets en partenariat industriel (TRL 5-7). Ainsi le programme « Labcom » (pour Laboratoires Communs) dont l’objectif est le soutien à des partenariats public-privé durables dans le cadre de recherches dont les résultats doivent être rapidement valorisables, a financé 3 projets sur la période 2014-2017, sur des thèmes relatifs au biocontrôle. En 2017, l’ANR a lancé, en cofinancement avec le Plan Ecophyto, le challenge ROSE « Robotique et capteurs au service d’Ecophyto » pour un montant total de 2,5 millions d’euros (thème 5). Dans cet ensemble de projets, on trouve aussi des projets visant à concevoir des systèmes agronomiques permettant la réduction de pesticides (thème 2) souvent en partenariat avec des organismes de recherche-développement (instituts techniques agricoles), économiques (coopératives, entreprises) ou professionnels (chambres d’agriculture). Sur le thème 3, il faut rajouter aux chiffres présentés dans la figure 3 les projets soutenus dans le cadre du programme « biotechnologies-bioressources » du PIA qui de 2011 à 2017 a financé pour un montant total de 40 millions € plusieurs projets sur la sélection de nouvelles variétés de plantes cultivées aux performances améliorées dans une perspective d’agriculture durable (betterave, maïs, blé, pois, colza et tournesol). Si la résistance aux maladies des plantes n’a pas souvent été prioritaire dans ces projets, elle a été abordée et par ailleurs, les ressources génétiques qu’ils ont permis de créer constituent un levier pour la suite. Au niveau européen, le Partenariat européen pour l’innovation (PEI) « pour une agriculture productive et durable » (PEI-Agri) est une initiative communautaire qui vise à combler le déficit d’innovation en incitant la constitution de partenariats multi-acteurs pour faciliter les échanges de connaissances et la prise en compte des connaissances issues de la pratique. Les projets du PEI peuvent bénéficier de différentes sources de financement, dont notamment le FEDER et Horizon 2020. Sur les thématiques qui nous intéressent, environ la moitié des projets financés dans le cadre de H2020 le sont dans ce dispositif. Ils concernent par exemple des projets de sélection participative (thème 3), de conceptions avec les acteurs de systèmes de culture innovants (thème 2), de mises au point de techniques de lutte biologique (thème 4) ou d’évolution du conseil aux agriculteurs dans la transition agro-écologique (thème 6)
1. Contexte et ambitions du PPR |