Pronostic des infarctus cérébraux traités par recanalisation (thrombolyse et/ou thrombectomie) entre 2013 et 2017 en Normandie Occidentale
Epidémiologie générale des accidents vasculaires cérébraux
Les accidents vasculaires cérébraux (AVC), incluant les infarctus cérébraux (IC), les accidents ischémiques transitoires (AIT), les hémorragies parenchymateuses et sous-arachnoïdiennes, sont une question majeure de santé publique. Dans le monde, l’incidence des AVC est estimée à 17 millions de nouveaux cas par an, dont 13 millions d’IC (76%) et 6,2 millions (36%) décèderont des complications liés à l’AVC (1). En plus de ces décès, l’AVC est une des premières causes de handicap acquis au niveau mondial (2). Sur le plan sociétal, les coûts directs et indirects liés à l’AVC sont très élevés (3) (4). En Europe, l’incidence des AVC est d’environ de 1,1 million de nouveaux cas par an. La mortalité dans les 30 jours suivants un IC varie entre 9 et 19% (5). En France, on estime à 140 000 le nombre de personnes avec un AVC par an, parmi lesquels un peu moins de 80 000 (57%) sont des IC et environ 33000 (26%) sont des AIT. Neuf pourcents des patients avec un IC décèderont durant leur hospitalisation
Evolution des traitements et du pronostic 2
Le pronostic des patients ayant un IC a évolué au cours de ces dernières années avec l’amélioration de la prise en charge à la phase aiguë. D’une part, la prise en charge des patients ayant un AVC dans des Unités Neuro-Vasculaires (UNV) a montré une diminution de la mortalité et du handicap de 20% comparativement à une hospitalisation en secteur conventionnel (7). D’autre part, les thérapeutiques de reperfusion artérielle de l’IC sont apparues plus récemment, et ont permis de continuer à améliorer le pronostic de ces patients. La thrombolyse intra-veineuse (TIV) par activateur tissulaire recombinant du plasminogène (rt-PA) injectée dans les 3 heures après le début des symptômes initialement (8), puis jusqu’à 4h30 à partir de 2008 (9), a prouvé un bénéfice sur le pronostic fonctionnel des patients, confirmé ultérieurement par plusieurs essais randomisés de grande envergure, méta-analyses et registre d’utilisation du rt-PA, (10), (11). En 2015, 5 essais randomisés ont démontré l’efficacité de la thrombectomie mécanique (TM) dans les 6 heures suivant le début des symptômes en cas d’IC secondaire à l’occlusion proximale d’une artère intracrânienne, par rapport au traitement médical seul (12) (13) (14) (15) (16). Ces données sont confirmées l’année suivante par l’essai français THRACE (17). Enfin, en 2017, deux autres essais prouvent l’intérêt d’une revascularisation tardive (jusqu’à 24 heures) par TM dans certaines conditions de mismatch radio-clinique (18,19).
Inégalité d’accès aux traitements de reperfusion
Les thérapeutiques de reperfusion ont un bénéfice sur la récupération fonctionnelle d’autant plus important qu’elles sont réalisées précocement après le début des symptômes (20). Ainsi, il devient primordial de raccourcir les délais de transports vers les centres spécialisés de neurovasculaire, où peuvent être délivrées les thérapeutiques de reperfusion artérielle. Cependant, il existe des disparités régionales importantes d’accès à ces centres spécialisées. En France, la région Franche-Comté affichait un taux de TIV de 9,9% en 2015 (22). Il était de 12,9% dans un hôpital parisien (21), et estimé à 16,5% en 2012 dans la région Nord-Pas-de-Calais (23). Ces disparités de taux peuvent s’expliquer par différents facteurs : arrivée des patients à l’hôpital trop tardive, manque de reconnaissance de l’AVC par les équipes soignantes, absence de spécialistes en pathologie neurovasculaire dans la structure d’accueil du patient, crainte des effets indésirables du traitement. En France, la TIV ne peut être administrée qu’après évaluation et accord d’un neurologue ou d’un spécialiste en pathologie neurovasculaire. De tels spécialistes ne sont pas présents dans tous les centres hospitaliers, pouvant rendre l’accès au traitement difficile. Afin d’améliorer le pronostic des IC, une prise en charge globale du patient à tous les stades de la maladie (prévention, phase aiguë et post-aiguë) est nécessaire. C’était le but du plan d’action « AVC 2010-2014 » lancé par le ministère de la santé français (24). Ce plan s’organise en 4 axes : améliorer la prévention et l’information à la population, améliorer les filières de prise en charge, assurer l’information et la formation des professionnels de santé et veiller à l’équilibre démographique. Le développement de la télé-médecine pour les TIV et l’accroissement du nombre 4 d’UNV sur le territoire s’inscrivent dans ce dernier axe d’amélioration. La télémédecine permet à des patients souffrant d’un IC aigu et arrivant dans un centre dépourvu d’UNV de bénéficier d’une expertise spécialisée neurovasculaire et des thérapeutiques de reperfusion s’ils sont éligibles. 4. Rôle des facteurs socio-économiques Les facteurs socio-économiques semblent jouer un rôle sur le risque de survenue d’IC. L’analyse du registre national de soins des 48 millions habitants d’Angleterre a montré que l’incidence des IC augmentait avec le statut socioéconomique défavorisé. Elle était deux fois plus élevée dans le sous-groupe avec le décile de niveau socio-économique le plus bas, comparé à ceux avec le décile le plus haut (25). L’étude collaborative de 48 cohortes européennes de patients sans antécédent d’AVC (étude MORGAM) a montré qu’un niveau socio-économique bas était associé à une augmentation de 50% du risque de développer un AVC au cours du suivi, après ajustement sur l’âge (26). Par ailleurs, certaines données suggèrent que la gravité des AVC augmente avec la déprivation socio-économique (27). Dans les zones rurales, la morbi-mortalité est plus élevée (28), et les patients pourraient également ne pas bénéficier de soins optimaux (29). Si la littérature est assez abondante concernant le risque plus élevé d’événement neurovasculaire chez ces patients au niveau socio-économique bas, l’impact sur le pronostic est moins bien connu et les résultats diffèrent d’une étude à l’autre. Certaines études montrent des taux de mortalité intra-hospitalière plus élevés dans les hôpitaux ruraux (30), alors que d’autres ne retrouvent pas de différence 5 significative (31). De même, les différents résultats sur la mortalité à distance, le handicap, ou les réadmissions à l’hôpital ne sont pas unanimes. Une revue de la littérature récente (32) résume bien ces données. Dans les 12 études retenues, dont 10 proviennent de pays occidentaux (Etats-Unis, Canada et Australie), les taux de mortalité intra-hospitaliers n’étaient pas différents entre les hôpitaux ruraux et urbains dans 7 études. Trois autres études de cette méta-analyse rapportaient des taux de mortalité intra-hospitalier plus élevés dans les hôpitaux ruraux. Il n’y avait pas de différence sur le taux de réadmission à l’hôpital dans le mois suivant. Cependant, le lieu d’hospitalisation n’est probablement pas le meilleur marqueur du milieu socioéconomique du patient. Par ailleurs l’obtention de données précises à l’échelle individuelle n’est pas toujours possible. Il est généralement admis que le lieu de résidence est un bon marqueur socio-économique (33). Les objectifs de ce travail étaient : – 1 : d’estimer le pronostic fonctionnel des patients avec un infarctus cérébral et traités par un traitement de reperfusion artérielle en Normandie Occidentale entre janvier 2013 et décembre 2017 – 2 : évaluer s’il existait des variations du pronostic fonctionnel après traitement en fonction d’indicateurs socio-économiques.
I. Introduction
|