Nature de proximité
L’expression « nature de proximité » est de plus en plus utilisée de nos jours et, si sa définition semble évidente, des nuances existent et peuvent interroger sur son sens. En la décomposant mot par mot, il peut être constaté que les deux noms qui la composent sont en réalité plus ou moins complexes.
La «nature» d’une part, continue d’interroger philosophes, scientifiques, sociologues par sa définition. Dans ce contexte, c’est la biodiversité (spécifique et systémique) qu’englobe le terme «nature» qui semble émerger : les différents milieux, les espèces… C’est aussi l’approche paysagère du terme qui peut être interprétée. Aussi, au-delà de ce qui la compose, de ce qu’elle abrite, et du support qu’elle offre aux activités humaines, la nature s’exprime selon différentes représentations que l’Homme s’en fait. Ces représentations varient selon «les époques, les groupes sociaux et les cultures» (Le Floch & Eizner, 1997). Sa définition est donc propre à chaque domaine et individu.
Pour ce qui est de la « proximité », cela évoque une nature accessible physiquement, à faible distance de soi (sans pour autant avoir de distance précise) et donc du lieu de vie. Ainsi, cela signifierait que la nature de proximité diffère selon les lieux de vie. Par exemple, une personne vivant à New-York pourrait considérer comme nature de proximité Central Park et ses écureuils. A contrario, celle vivant à Marseille la définirait peut-être comme les calanques, les mouettes. Si ces exemples jouent en partie sur les représentations stéréotypées qui peuvent être faites d’un lieu, c’est aussi pour appuyer le propos que la nature de proximité est bien propre aux représentations que chacun se fait de la nature. Ce premier élément permet donc de démontrer qu’il n’y a pas une mais plusieurs natures de proximité et que la définition se rapproche ici d’une nature proche de l’Homme, de son lieu de vie et donc qui varie selon les individus .
Ainsi, la nature de proximité pourrait renvoyer à une nature «de tous les jours», terme qui est couramment repris chez les américains et les anglais à travers l’expression de «everyday nature» (Godet, 2010). Cette nature trouve son équivalent en France en tant que nature « ordinaire », celle qu’il est aisé d’observer car elle se situe dans un environnement proche et qui fait partie du quotidien. Dans le Dictionnaire de la pensée écologique, la définition de cette nature rejoint étroitement les premiers éléments apportés à savoir : « [la nature ordinaire, NDRL] est une nature dont les hommes font ou pourraient faire l’expérience au quotidien. C’est la nature des champs cultivés, des prairies, des jardins, des friches ou encore des bords de route et des lisières, c’est aussi la nature des villes. » (Beau, 2015). Cette définition pourrait alors se rapprocher de celle de la nature de proximité mais semble aussi apporter d’autres éléments car elle évoque une nature d’entre-deux : « ni tout à fait sauvage, ni tout à fait domestique » (Beau, 2015). Il serait alors question d’une nature entre l’urbain et le sauvage, le grandiose : une zone tampon .
La nature grandiose
Il existerait, à l’opposé, une nature extraordinaire, une nature grandiose. Cette nature s’apparente aux images et représentations de grands espaces vierges, où l’Homme ne se trouve pas et qui relève du fameux « wilderness » américain. Ce terme est d’ailleurs défini dans la Loi sur la protection de la nature (le Wilderness Act) : « an area where the earth and its community of life are untrammeled by man, where man himself is a visitor who does not remain » (Godet, 2010). Ainsi, cette interprétation de la nature grandiose relève bien des espaces éloignés de l’urbanisation et des activités humaines . Tout comme la nature de proximité, définir ce qu’est la nature grandiose repose sur les représentations de chaque domaine et individu. D’une façon générale, il s’agit de la nature carte postale, celle des fonds d’écran d’ordinateur qui amène à la rêverie et au voyage. Ce sont les éléments paysagers connus et reconnus par tous.
D’un point de vue biologique, une nature grandiose peut aussi s’assimiler à une nature remarquable, définit comme tel : « par la rareté ou la typicité de ses éléments, au niveau des populations, espèces, communautés et écosystèmes » (Ministère de l’Agriculture et de la Pêche, 2006). Au-delà du domaine biologique, elle intègre « des critères écologiques, sociologiques, économiques et juridiques. » . Elle peut donc relever d’un caractère patrimonial et bénéficier de statut de protection. Pourraient être cités les espaces comme les Parcs Nationaux, les Réserves naturelles, les zones Natura 2000 etc. Les espèces qui peuplent ces lieux sont souvent inscrites sur des listes officielles permettant d’une part, de reconnaitre l’importance du lieu (d’un point de vue écologique, paysager, patrimonial…), et d’autre part de le protéger en minimisant les impacts qui pourraient survenir avec tout de même l’idée d’une certaine « cohabitation » avec les pratiques humaines.
Dans son recueil de 1991, André Micoud, invite plusieurs auteurs à se positionner sur la définition, la caractérisation de ce qu’il nomme les « hauts-lieux ». Il n’est pas directement question de nature mais plutôt d’une vision générale de ce qu’est un haut-lieu. Ainsi, il y est indiqué que « l’élection d’un haut lieu suppose un auditoire, un public, un consensus très large, massif » (Micoud, 1991). En l’appliquant à la nature, cela reviendrait à dire que les sites naturels, les paysages grandioses répondent aux mêmes critères, et fait écho à l’idée qu’il s’agit d’une nature connue et reconnue par tous. Cela révèle également que si certains lieux sont élus, d’autres sont exclus il y a alors une distinction entre le haut-lieu et le reste et donc entre la nature grandiose et le reste.
Concernant les territoires de montagnes, cette nature paraît très présente à travers des paysages «esthétiques» comme la haute montagne, les glaciers, les forêts de sapin, les lacs d’altitudes ou encore les alpages. Cela comprend aussi les espèces animales et végétales emblématiques telles que le loup, le bouquetin, la marmotte, l’edelweiss, le génépi… Cette nature semble presque indissociable du territoire à tel point qu’évoquer le nom d’un massif renvoie directement à ces images. Ces représentations paysagères ont d’ailleurs permis aux territoires de se développer par le biais du tourisme.
L’évolution des représentations de la montagne : un élément déclencheur
Les territoires de montagne par leur paysages et milieux « naturels », et ce à travers le monde, ont d’abord été représentés comme le « domaine des croyances et des superstitions » (Rocher, 2016). Ces «hauts-lieux» (physiquement), étaient ceux des Dieux et c’est d’ailleurs en Grèce et en Asie que ces représentations étaient particulièrement marquées. Il est d’ailleurs intéressant de constater que la montagne a, en Asie, une forte valeur religieuse, spirituelle et esthétique (Debarbieux, 2001).
En Occident, la représentation de la montagne a fortement évolué à travers les siècles. Elle a d’abord été associée à des images sombres, cela s’explique en partie par une méconnaissance des lieux qui étaient jugés trop dangereux, difficiles d’accès et ainsi «peu compatible avec les visions du «beau»» de l’époque (Rocher, 2016). L’intérêt progressif des espaces alpins par la population, a commencé au XVIIIème siècle, celui des Lumières, qui, à travers la science et la littérature ont permis de faire « émerger un lieu nouveau du voyage poétique » (http://www.crlv.org). Le Romantisme (mouvement culturel) en est un bel exemple, en participant grandement au développement de cet intérêt, par le biais de descriptions des paysages montagnards et en les associant à la «sublimité du beau, du grandiose, où ils se subliment dans une rêverie extatique» (Le Scanff, 2007). Ces écrits ont d’ailleurs poussé de jeunes nobles anglais à venir visiter les Alpes lors de leur « Grand Tour », désigné comme le début du tourisme. C’est à partir de ce moment-là que le massif est apparu comme «ouvert» au monde. S’en sont suivies des représentations liées aux valeurs thérapeutiques et hygiénistes, basées sur l’idée que l’eau et l’air de la montagne recelaient des vertus bénéfiques (Debarbieux, 2001), puis sportives avec le développement de l’alpinisme et la conquête de sommets. Ainsi, depuis ce temps, les territoires de montagne ont suscité un intérêt certain, particulièrement pour l’élite qui avait les moyens de s’y rendre.
Plus récemment, au XXème siècle, en France, c’est le développement des sports d’hiver et notamment de stations de ski, encouragé par l’Etat, par le biais du Plan Neige (1964), qui a entrainé un raz-de-marée touristique dans les vallées et surtout hauteurs des montagnes. L’idée de moderniser la montagne en y construisant des stations dites « intégrées », permettant aux touristes de venir profiter d’espaces aménagés comme s’ils étaient chez eux (c.-à-d. en ville) tout en bénéficiant du cadre propice à la pratique du ski, snowboard etc. a largement participé à l’évolution des représentations de ces territoires.
Mieux connaitre la nature de proximité… pour mieux la préserver
La découverte de la nature de proximité passe donc par plusieurs étapes, évoquées précédemment. Il faut faire prendre conscience de son existence, la faire assimiler comme réel patrimoine pour susciter l’envie de venir la découvrir puis sensibiliser, la présenter, la décrire pour en saisir tous les enjeux. En effet, il ne s’agit pas «seulement» de la faire expérimenter en tant que telle mais pousser à sa découverte, pour mieux la connaitre, savoir de quoi elle se compose, qui elle abrite, pourquoi la protéger etc. Ainsi, le fait, à travers la rédaction des pages web, de décrire cette biodiversité, de l’expliquer, de dire si elle est rare, protégée ou plutôt commune peut offrir une nouvelle façon d’expérimenter la nature : profiter de la nature pour se ressourcer tout en apprenant sur elle. En portant à connaissance ses caractéristiques, il sera alors peut-être possible de mieux comprendre les enjeux de préservation de ce patrimoine et ainsi mieux le préserver. Il s’agit donc d’un véritable processus qui part de la « simple » prise de conscience de l’existence de cette nature à l’envie de la préserver grâce à la connaissance : « Il me semble que les savoyards se doivent de connaitre mieux leur patrimoine de proximité pour mieux le préserver » (Elue CDS).
C’est dans cette démarche qu’ont été réalisées les pages web du PP pour promouvoir la nature de proximité. Ainsi les informations partagées à travers ces pages ne se résument pas à présenter le site brièvement, à proposer des itinéraires et inclure quelques photos mais véritablement de transmettre des informations, tout en restant accessibles, visant à faire découvrir et à mieux comprendre les caractéristiques naturelles des sites. C’est bien à travers cette idée qu’a été pensée la rédaction des pages en mettant en avant des informations sur les paysages, les milieux naturels ou encore la faune et la flore du site .
Dans la partie «Découvrir» des pages web, une présentation des milieux naturels du SN permet de comprendre ce qu’ils sont, quelles espèces s’y trouvent et pourquoi, et ainsi expliquer la relation entre milieu et espèce. Dans cette partie, le public découvre donc et apprend à identifier les milieux, à les situer sur le site, à savoir quelles espèces végétales y poussent, quelles espèces animales y vivent, comment, pourquoi ? Dans la partie «Comprendre», d’autres notions sont abordées comme par exemple des concepts en rapport avec le site ou les espèces présentées. Cela permet d’approfondir certains sujets comme, pour donner quelques exemples, : les relations entre animal et plante hôte, les corridors écologiques, les rôles des tourbières ou encore l’importance du bois mort en forêt .
Table des matières
Introduction
I. Entre nature de proximité et nature grandiose : plusieurs natures, quelle promotion ?
I.I Eléments de définition
I.I.I Nature de proximité
I.I.II La nature grandiose
I.II Regards croisés entre nature de proximité et nature grandiose
I.II.I Des natures qui présentent des similitudes
I.II.II … marquées par des différences : entre le local et le touristique ?
I.III Quelle promotion de la nature en montagne ?
I.III.I L’évolution des représentations de la montagne : un élément déclencheur
I.III.II Une promotion forte sur la nature grandiose
II. Promouvoir la nature de proximité : le cas de la Savoie
II.I D’une politique départementale à la création du « Portail Patrimoines »
II.I.I Présentation et évolution de la politique en faveur des Espaces et Paysages
II.I.II Premiers éléments de travail autour « Portail Patrimoines »
II.II Comment choisir les sites naturels de proximité et que mettre en avant ?
II.II.I La sélection des sites
II.II.II Quelles informations valoriser ?
III. Entre enjeux environnementaux et touristiques
« Mieux connaitre pour mieux préserver et mieux le partager… »
III.I Pour une meilleure connaissance et préservation de la nature de proximité savoyarde ?
III.I.I La volonté de faire connaître une nature à côté de chez soi
III.I.II Connecter les savoyards à leur patrimoine naturel
III.I.III Faire découvrir (aux savoyards), une nature différente et variée
III.I.IV Mieux connaitre la nature de proximité… pour mieux la préserver
III.II Partager pour mieux répartir : la nature de proximité, une plus-value touristique
III.II.I Faire des savoyards les ambassadeurs de leur nature de proximité
III.II.II Pour une meilleure répartition du tourisme sur le territoire savoyard ?
III.II.III Promouvoir la nature de proximité : une politique environnementale ou touristique ?
Conclusion
BIBLIOGRAPHIE
SITOGRAPHIE
ANNEXES
ANNEXE I : CARTE ENTITES PAYSAGERES HAUTE-SAVOIE & CARTE UNITES PAYSAGERES DES HAUTES-PYRENEES
ANNEXE II : FICHE ACTION 19
ANNEXE III : PRINIPALES INFORMATIONS BASE DE DONNES 280 SITES
ANNEXE IV : CARTE TERRITOIRES DE CONTRACTUALISATION SAVOIE
ANNEXE V : SELECTION DES 50 SITES
ANNEXE VI : GRILLE ENTRETIEN SEMI-DIRECTIF
ANNEXE VII : FREQUENTATION PARC DE LA VANOISE SEPTEMBRE ET OCTOBRE 2017
ANNEXE VIII : PUBLICATIONS FACEBOOK ET CONTENU WEB DEPARTEMENT DE LA SAVOIE
ANNEXE IX : TEXTE POUR LA PAGE WEB DU SITE : FERME GIGOT
RESUMES