Contexte des mesures compensatoires
Les impacts liés aux aménagements réalisés sur le site de construction d’ITER à Cadarache ont été évalués et intégrés dans le dossier d’approbation des modalités de défrichements soumis au Ministre de l’Agriculture et de la Pêche en 2006. Des études complémentaires (d’expertise et de suivi des espèces protégées) ont conduit à mettre en œuvre des mesures de préservation de l’environnement et de limitation des impacts dans le cadre d’une demande de dérogation à l’interdiction de destructions d’espèces protégées.
Au regard des impacts résiduels générés sur le site, un programme de mesures compensatoires a été prescrit par l’arrêté préfectoral du 3 mars 2008, en application du code de l’Environnement.
Ce programme concerne quatre volets :
– des acquisitions d’espaces forestiers (480 hectares soit 5 fois la surface défrichée), et leur mise en préservation pour une durée de 20 ans,
– la mise en place d’un plan d’actions sur 20 ans pour préserver la biodiversité à Cadarache sur 1200 hectares,
– la thèse « les mesures compensatoires pour la biodiversité, conception et perspectives d’application » soutenue par Baptiste Regnery qui a reçu la plus haute mention le 23 septembre 2013,
– le programme de sensibilisation du public aux enjeux de la biodiversité qui, jusqu’à maintenant, a touché plus de 80 000 personnes, principalement des écoliers et collégiens.
Afin de répondre à la première mesure de ce programme, des espaces naturels ont été acquis à partir de 2011 par le CEA :
‐ 118 hectares répartis sur la commune de Val Buëch‐Méouge (anciennement Ribiers dans les Hautes Alpes), appelés « les Hauts de Ribiers »,
‐ 170 hectares répartis sur la commune de Saint Vincent sur Jabron (Alpes de Haute Provence),
‐ 105 hectares répartis sur la commune de Mazaugues (Var).
Les surfaces indiquées ci‐dessus représentent l’état des propriétés à la date de rédaction du présent mémoire. Des acquisitions complémentaires sont en cours sur et exclusivement sur ces trois sites. A terme, la surface totale pour l’ensemble des trois sites sera de 480 hectares selon les prescriptions de l’arrêté préfectoral.
Des plans de gestion sont ou devront être mis en place pour chacun de ces sites. Ils visent à préserver la richesse de la biodiversité du site, et ce, avec les contextes sociaux-économiques locaux. Les actions qui reposent sur des études ont pour objectif de renforcer la sauvegarde des espèces patrimoniales et de leurs habitats ainsi que la restauration de fonctionnalités écologiques sur les zones plus sensibles
Etude statistique des accidents du travail en milieu forestier
Les interventions réalisées sur ces sites de mesures compensatoires ainsi que l’environnement de travail sont très différents des activités que l’on peut retrouver sur le centre du CEA de Cadarache. Le retour d’expérience pour ce genre d’intervention est donc très faible au sein du CEA.
En matière de prévention des risques professionnels, dès lors qu’il n’y a pas de référence existante, l’objectif est de rechercher et de rassembler l’ensemble des données disponibles afin d’établir un état des lieux.
Les salariés effectuant des travaux forestiers sont rattachés au régime agricole. De ce fait, les statistiques proviennent des déclarations d’accidents du travail et de maladies professionnelles des salariés de la MSA (Mutualité Sociale Agricole) et des enquêtes sur les accidents mortels réalisées au sein des services de « prévention des risques professionnels » et de « santé au travail» des caisses de la MSA. Les principaux indicateurs pouvant être analysés sont les suivants : les indices de fréquence et de gravité ainsi que les taux de fréquence et de gravité dans le secteur d’activité concerné.
En 2015, le nombre d’accidents avec arrêt de travail s’établit à 37 500 avec, sur la période 2011 à 2015, une diminution moyenne de 1,0 % par an. Le secteur d’activité des travaux forestiers représentent 6,5% de ces accidents comme le montre le graphique ci-dessous.
Le taux de fréquence correspond au nombre d’accidents avec arrêt par millions d’heures travaillées de la période considérée. Ce dernier, tous secteurs confondus, qui baissait continuellement depuis dix ans, est encore en hausse en 2015 avec 29,5 accidents avec arrêt par million d’heures travaillées, contre 29,3 en 2014 comme le montre le graphique ci-dessous. On note que d’autres activités agricoles sont prises en compte pour la réalisation de la courbe moyenne (en rouge ci-dessous) et que seules les activités ayant un taux de fréquence élevé sont représentées.
Mise en place d’un cadre sécurité
Suite à la mise en place de ce plan de gestion et des risques découlant du travail en milieu forestier, il convenait d’encadrer les différentes activités sur ces trois sites du point de vue de la sécurité du travail.
Le référentiel sécurité CEA ne pouvait pas « officiellement » se décliner sur ces sites car ces derniers n’avaient pas d’Instruction Générale de Sécurité (IGS) qui leur était propre et n’étaient donc pas assimilés à des installations du CEA.
Cet aspect a fait l’objet de quelques échanges avec la Direction Juridique et du Contentieux (DJC) et la Cellule Qualité Sécurité Environnement (CQSE) de Cadarache. Bien que situées à une heure de route environ de Cadarache, il apparaît comme normal de considérer que ces propriétés relèvent de l’établissement « CEA de Cadarache » pour au moins trois raisons :
‐ Ces sites ont été acquis en compensation des travaux d’aménagement réalisés à Cadarache pour l’aménagement du site ITER,
‐ Ces trois sites sont gérés par l’Agence ITER France, basée à Cadarache,
‐ De tous les centres CEA, celui de Cadarache est le plus proche de ces trois sites.
Les trois sites font et feront l’objet d’activités similaires. Néanmoins, ils sont géographiquement distants et il n’est pas envisagé d’activité ou de travaux qui puissent être communs et simultanés sur les trois sites. Il était alors logique d’envisager la création de trois IGS différentes, une pour chaque site.
Sur l’établissement CEA de Cadarache (la totalité du périmètre de la propriété), toute opération nouvelle susceptible d’avoir des incidences notables en matière de sécurité ou d’environnement relève d’une autorisation du Directeur de l’Etablissement.
Elle requiert la saisine de la Commission Locale de Sécurité (CLS) sur la base d’un dossier montrant que les exigences dans les différents domaines de la sécurité et de l’environnement ont été prises en compte et que l’ensemble des risques est correctement identifié, évalué et maîtrisé.
Selon le titre B du Manuel d’Aide à la Décision (MAD) des chefs d’installation, la création d’IGS s’insère dans la rubrique « expérimentation ou mise en place d’activités nouvelles présentant des risques pour les personnes, les bien ou l’environnement ».
Pour l’analyse d’un projet faisant appel à la sous-traitance, la CLS s’attache plus particulièrement à valider l’organisation mise en place entre le CEA et les différents acteurs. Elle prend connaissance de l’analyse des risques associés au cœur de métier des entreprises intervenantes et vérifie la bonne prise en compte des risques en interface c’est-à-dire les risques de co-activités.
En ce qui concerne le déroulement, le CI propose une CLS à la Direction par le biais d’un document de saisine explicitant l’objet de la demande. Pour déclencher le processus de la CLS, il doit envoyer ce document renseigné à la Cellule Qualité Sécurité Environnement qui décidera de la recevabilité de cette demande.
Une fois que la demande est recevable, le CI est en charge de la rédaction du dossier de CLS.
L’annexe 3 du titre B du manuel d’aide à la décision des CI prévoit un plan type à utiliser. Il comprend notamment une première partie de présentation globale du projet, une seconde partie présentant une description détaillée et enfin une dernière partie relative à l’analyse des risques.
Ce plan type peut être adapté de façon exceptionnelle, sur demande motivée de l’installation, et après accord formel de la CQSE.
La CLS réalisée pour la création de trois IGS « forestières » a notamment détaillée l’environnement forestier et le type d’interventions prévues sur ces sites dans le cadre des mesures compensatoires. Ce genre de travaux et cet environnement de travail ne sont pas des situations habituellement présentées en CLS, il était donc nécessaire de décrire ces aspects-là.
Comme le demande le MAD relatif à la CLS, une analyse des risques a été faite en détaillant pour chacun d’entre eux, les moyens de prévention et de protection à mettre en place. Les risques généraux liés à l’environnement de travail ont été pris en compte :
– Risques liés aux incendies
– Risque liés aux intempéries et notamment à la foudre
– Risques sanitaires (présence d’animaux sauvages sur les trois sites forestiers)
– Risques liés au travailleur isolé
– Risques de co-activité
– Risques liés à la circulation
Afin d’avoir un aperçu de cette analyse des risques, se référer à l’annexe n°2.
Les risques spécifiques à une intervention de travail, par exemple les risques liés à l’utilisation d’une débroussailleuse, ne sont pas pris en compte pour la CLS. En effet, ce niveau de détail sera pris en compte par le donneur d’ordre (ligne d’action comme précisé précédemment dans ce mémoire).
Dans la partie relative à l’analyse des risques, la CLS impose aussi l’identification et le traitement d’un scénario d’urgence. L’objectif est :
– d’identifier les situations d’urgence potentielles pouvant avoir des impacts indésirables sur la santé/sécurité au travail, et/ou sur l’environnement,
– de rappeler les moyens de prévention en place et les conduites à tenir.
Dans cette situation, le scénario d’un feu de forêt a été imaginé et traité. C’est un accident qui a des conséquences environnementales mais aussi humaines si des personnes travaillent en environnement forestier, ce qui est le cas pour les trois sites de mesures compensatoires.
Les risques résiduels, c’est-à-dire les risques qui subsistent après que toutes les mesures de prévention et de protection aient été appliquées, sont aussi pris en compte. Dans ce cas-là, le dossier de CLS explique les conduites à tenir en cas d’accident.
Une fois ce dossier transmis à la CQSE, la CLS se déroule de la manière suivante
– Présentation du dossier par le CI ou par un représentant désigné par lui,
– Analyse par les membres (le chef de la CQSE et/ou son représentant, le chef du SA2S et/ou son représentant, le chef de la FLS et/ou son représentant, le chef du STL et/ou son représentant, le responsable environnement, ou son représentant, l’ingénieur sécurité d’installation, les experts nécessaires, sollicités par le président de la commission),
– Réponses aux demandes des membres,
– Recensement des avis des membres,
– Visite de terrain (le cas échéant),
– Relevé des décisions et propositions de prescriptions techniques le cas échéant.
A réception du dossier mis à jour et après vérification de la réalisation par l’unité des demandes et observations formulées lors de la CLS, la CQSE propose au Directeur une note d’autorisation. Le directeur notifie au CI l’autorisation éventuellement assortie des prescriptions techniques et/ou de recommandations, et informe les membres de la CLS.
Cette CLS permet ainsi de démontrer que l’ensemble des risques liés à l’environnement de travail ont été identifiés et que des mesures de prévention et de protection sont en place.
Une fois l’autorisation reçue, ce qui a été le cas pour la création de ces trois IGS « forestières », il est de la responsabilité du donneur d’ordre d’assurer la sécurité des interventions.
Gestion de la sécurité des interventions
Sur les trois sites acquis par le CEA, l’Agence ITER France a le rôle de donneur d’ordre. Les sites dont les caractéristiques correspondent aux prescriptions de l’arrêté préfectoral sont essentiellement forestiers. En tant que propriété forestière, appartenant à un établissement public et devant faire l’objet de mesures de protection environnementales, ils ont été soumis au Régime Forestier. L’Office Nationale des Forêt (ONF) y est donc très présent et il assure deux missions :
– d’une part la gestion courante du site, la gouvernance et le suivi administratif dans le cadre du régime forestier. Il s’agit des missions régaliennes qu’assure l’ONF sur tout site, public ou privé, soumis au régime forestier. Ces missions sont définies au niveau réglementaire et financées en interne par l’ONF et ses tutelles.
– et d’autre part, dans un cadre contractuel, l’Assistance Technique au Donneur d’Ordre (ATDO) auprès de l’AIF pour l’encadrement technique et scientifique des actions.
L’aspect ATDO est un aspect contractuel. L’ONF apparaît comme incontournable ne serait‐ce que par synergie avec ses missions dans le cadre du régime forestier.
Ces trois sites étant considérés comme des installations, la gestion des entreprises intervenantes en matière de sécurité se fait de la même façon que sur le site du CEA, au titre du décret n°92-158 du 20 février 1992 complété par les articles R. 4511.1 et suivants du code du travail relatifs aux travaux réalisés dans un établissement par une entreprise extérieure.
L’AIF établie donc une Demande d’Ouverture des Travaux (DOT) faisant référence au lien contractuel c’est-à-dire à la commande entre le CEA et l’entreprise extérieure. Cette DOT donne ensuite le « numéro souche » des documents de prévention des risques (dont le Plan de Prévention).
Avant la rédaction et la signature du Plan de Prévention des risques (PDP), une Inspection Préalable Commune (IPC) est obligatoire sur site. Cette IPC permet surtout de parler des modes opératoires ou des analyses de sécurité relatives aux opérations à réaliser, et de noter la prévention des risques à mettre en place de façon à diminuer l’occurrence et la gravité des accidents. Sous le numéro de DOT, un Plan de Prévention (PDP) sera ainsi finalisé avec les entreprises intervenantes.
Le référentiel du CEA est donc respecté mais certaines adaptations sont nécessaires pour faire face aux spécificités des sites et de la nature des interventions à réaliser.
Par exemple, étant donné la localisation de ces sites par rapport au centre de Cadarache, il a été décidé que l’accueil sécurité se ferait lors de l’IPC et de l’établissement du PDP.
Il a aussi été nécessaire de définir une conduite à tenir en cas d’accident. En effet, celle-ci sera forcément différente en fonction de si l’on se trouve sur le site du CEA de Cadarache ou sur un site forestier de mesures compensatoires.
L’ensemble de ses spécificités ont été détaillé dans un Dossier de Sécurité de Site. Ce dossier est communiqué aux intervenants et présente l’organisation en matière de gestion de la sécurité, l’analyse des risques généraux liés à l’environnement de travail ainsi que les moyens de prévention et de protection.
A travers ce projet de gestion des mesures compensatoires, on s’aperçoit que des activités comme les travaux forestiers, qui en apparence peuvent paraitre comme des activités « banales » en termes de risques professionnels, s’avèrent en réalité très accidentogènes.
Il était donc nécessaire de mettre en place le référentiel sécurité du CEA, or celui-ci s’applique seulement pour des installations et jusqu’à maintenant les trois sites de mesures compensatoires n’avaient pas ce statut-là. La création de trois installations a dû faire l’objet d’une CLS. Ce projet, d’un point de vue de la gestion des risques professionnels a bien été accueilli par la direction du centre et n’a pas été traité à la légère. Suite à l’autorisation de la création des trois installations pour les trois sites de mesures compensatoires, l’AIF a pu appliquer le référentiel du CEA.
On note tout de même que le référentiel n’a pas pu être appliqué exactement de la même manière que sur le centre de Cadarache. En effet, les particularités du projet comme par exemple la distance des trois sites vis-à-vis du CEA, ont dû être prises en compte. De ce fait, certaines adaptations ont été nécessaires (rédaction du PDP en même temps que l’IPC, adaptation des consignes en cas d’accident, etc.). Les objectifs de prévention des accidents du travail fixés par le référentiel du CEA restent atteints.