PROGRAMME ALIMENTAIRE MONDIAL DANS LE GOLFE DE GUINEE

PROGRAMME ALIMENTAIRE MONDIAL DANS LE GOLFE DE GUINEE

REVUE CRITIQUE DES SOURCES OU DE LA LITTERATURE EXISTANTE ET LA METHODOLOGIE 

Toute œuvre de recherche est basée principalement sur des documents. Ils forment des sources incontournables pour effectuer un travail rigoureux. Ces hypothèses émises, vérifiées par leur canal, analysées et synthétisées, constituent le fruit de la recherche. Ainsi, pour ce travail, les sources se présentent sous quatre formes : sources archivistiques, orales, webographiques et documents imprimés. L’activité de recherche sur le phénomène de la faim est assez délicate et dangereuse. Elle l’est à tel point qu’elle est devenue un des sujets tabous auxquels les chercheurs et les écrivains ont accordé peu d’intérêt. Cependant, il parait illusoire et regrettable, que, dans un monde comme le nôtre, où la faim fait de victimes au quotidien, on ait jusqu’à ce jour si peu écrit sur le problème de la faim dans ses diverses manifestations. Que l’on consulte un volume considérable de bibliographie autour de ce thème, et l’on pourra constater qu’elle est extrêmement réduite, si l’on considère le foisonnement d’études consacrées à des sujets de bien moindre porté. Néanmoins, quelques intellectuels ont pu aborder d’une manière ou d’une autre cette question dont les activités se présentent sous forme d’ouvrages, d’articles de revues, de mémoires de maitrise et des rapports annuels. En effet, nous avons pu avoir accès à quelques rapports annuels auprès du Bureau Régional pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre du PAM et de la FAO. Certaines documentations ont été consultées à l’Institut de Technologie Alimentaire (ITA), aux Archives nationales et à la bibliothèque centrale de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Nos entreprises de recherche nous ont conduits également en Guinée où nous nous sommes rendus au Bureau pays du Programme Alimentaire Mondial, au Ministère de l’Agriculture, au Ministère de la Sante et de l’Hygiène Publique, au Ministère de l’Education, au Ministère de l’Energie et de l’Hydraulique, au Ministère de l’Action Sociale de la Promotion Féminine et de l’Enfance, au Ministère de l’Economie et des Finances, au Ministère des Transports ainsi qu’au Ministère de la Sécurité. Dans ces endroits, une panoplie de documents de grande portée ont été mis à notre disposition. En outre, quelques sites internet ont fait également l’objet de consultation. Toutefois, l’une des particularités de notre mémoire est la prise en compte de résultats issus des enquêtes de terrain. Il s’agit de la vision d’un nombre considérable de personnes allant des chefs de ménages, aux responsables des institutions engagées dans le combat contre le phénomène de la faim en Guinée. Parmi ceux-ci, nous avons Oumou Thiam, Directrice des Ressources Humaines du PAM-Guinée, Joseph Guilavogui, Younoussa Camara, Aissatou Kindy Diallo, Mariama Somparé, Alhassane Bangoura, etc. Ces personnes rencontrées nous ont fait preuve de générosité en nous accordant un long entretien qui nous a permis de cerner davantage notre objet d’étude et comprendre l’ampleur 9 de la question de la faim. La méthode utilisée est celle qualitative d’investigation qui repose sur des interviews des différents acteurs, ce qui donne l’avantage et la possibilité d’échanger avec eux, de discuter des points de vue contradictoires, d’apprécier leur perception par rapport au sujet et d’aborder des problèmes spécifiques permettant d’avoir une vision systématique des réalités. L’enquête étant essentiellement qualitative, un guide général d’entretien a été élaboré et utilisé pour permettre de recueillir les informations auprès des acteurs locaux, des organisations en charge de la question alimentaire. Ce guide consigne les sujets en rapport avec le thème du mémoire et était censé couvrir toutes les questions permettant d’apprécier la contribution du PAM, de l’Etat et des populations dans la lutte contre la faim en Guinée. De ce fait, d’énormes difficultés ont été rencontrées dans la réalisation de ce travail. Au Bureau Régional pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre du PAM et de la FAO notamment avec l’interdiction d’accès au corps étranger qui a ralenti nos recherches. Néanmoins, la demande adressée aux Directeurs Régionaux nous a permis d’accéder à certaines documentations. En dépit du volume considérable de la documentation existante, les documents qui traitent spécifiquement la question de la faim sur la Guinée y sont rares. Ainsi, le recours aux rapports annuels du PAM et de la FAO nous a permis de franchir cet obstacle. Parmi ces rapports, certains traitent la question de la sécurité alimentaire, la vulnérabilité, d’autres exposent la vision du PAM pour le pays, notamment : « Aperçus nutritionnels par pays-Guinée », « Lutter contre la faim à l’échelle mondiale : document de stratégie pays 2013 – 2017 », « Enquête nationale de la sécurité alimentaire et de la vulnérabilité », « Rapport national de suivi des objectifs du millénaire pour le développement en Guinée », « Evaluation approfondie de la sécurité alimentaire en situation d’urgence ». Par ailleurs, l’accès à des documents de premières mains constitue un avantage considérable malgré qu’ils regorgent aussi des manquements. Un avantage, dans la mesure où ce sont des documents qui émanent des institutions qui ont pour véritable mission de lutter contre la faim et veiller sur la sécurité alimentaire nationale et internationale. Ceux-ci constituent donc une source crédible car les informations sont fiables. Toutefois, les faits marquants des institutions sont souvent élogieux. L’étude critique des auteurs est presque inexistante. L’ouvrage de Latham (M.C.), Nutrition dans les pays en développement analyse minutieusement des problèmes nutritionnels dans les pays en développement. Il propose des programmes et politiques appropriés pour y faire face. L’auteur apporte des informations scientifiques rationnelles sur l’alimentation, les nutriments, les causes de la malnutrition, les 10 troubles nutritionnels et leur prévention. Il met l’accent sur les trois points préalables pour une alimentation saine que sont la sécurité alimentaire, la santé et l’accès à des soins appropriés. Latham insiste sur les démarches pluridisciplinaires pour combattre la faim. Il met en exergue le recours aux approches alimentaires comme étant le seul moyen durable d’améliorer l’état nutritionnel de tous. Par conséquent, le travail de Latham (M.C.) nous a été d’un apport remarquable. Toutefois, il aurait dû également apporter des informations sur les effets de la dénutrition, sur la capacité de production pour mieux équilibrer son analyse.

 LES FACTEURS HISTORIQUES DE LA FAIM 

Les politiques agricoles menées dans les pays du golfe de Guinée en général et en Guinée – Conakry en particulier ne sont pas parvenues à éradiquer le phénomène de la faim en dépit de tous les efforts consentis par l’Etat. La Guinée est encore dépendante des importations (300 000 tonnes) importées par an en moyenne correspondant à environ 25% des besoins de la population15 . En effet, l’évaluation de la sécurité alimentaire mondiale réalisée à la faveur du Sommet Mondial de l’Alimentation de 1996, a classé la Guinée dans la catégorie 4 avec un taux de malnutrition atteignant les 34% de la population

IMPACT DE LA COLONISATION SUR LA CULTURE DES COLONIES.

 Introduction de cultures de rente

 L’introduction de culture d’exportation par les puissances coloniales, a désorganisé un système agricole visant à satisfaire exclusivement les besoins alimentaires des populations locales en Afrique. En effet, les empires coloniaux ont introduit un nouveau modèle, en utilisant les colonies pour produire des cultures de rente qui alimentaient leur propre développement industriel. Ils devinrent ainsi les architectes de systèmes alimentaires radicalement différents et transformèrent l’environnement dans des proportions gigantesques. Les autorités coloniales ont adapté des attitudes visant à considérer que la production vivrière allait de soi ; en faisant croire que les terres africaines n’étaient bonnes qu’à produire des cultures de rente. Ainsi, après avoir clairement reconnu la pénurie des ressources, les populations donnaient la priorité aux cultures d’exportation suffisamment rentable pour permettre de payer les importations alimentaires. Toutefois, les colonies vont se spécialiser dans les cultures d’exportations : café, cacao, arachide, caoutchouc, coprah, cultures tropicale pour la plupart, au détriment des cultures vivrières. Par ailleurs, ceci les rendait dépendantes des cours de ces produits et des importations d’aliments de base. Priorité est donnée aux cultures d’exportations. Les cultures de rente faisaient l’objet de recherches. Des variétés plus performantes étaient obtenues, ce fut le cas pour la recherche du coton, en Afrique occidentale française. En revanche, les aliments de base n’ont jamais bénéficié d’attentions comparables ni en matière de recherche, ni en ce qui concerne les conseils techniques, les crédits et plus encore les garanties d’écoulement. Afin d’obliger la main d’œuvre locale à s’engager dans la production de cultures d’exportations, il fallait que la production vivrière se détériore de manière à ne plus pouvoir répondre aux besoins de revenus monétaires17 . Par ailleurs, le système d’introduction des cultures d’exportation variait selon les produits et les régions. En Guinée, durant la période coloniale (1898-1958), le choix et les interventions de l’agriculture visaient en priorité la satisfaction des besoins de la métropole en matières premières pour les industries de transformation. Les cultures vivrières destinées à l’alimentation des populations indigènes étaient reléguées au second plan. Toutefois, l’agriculture a été marquée au cours de cette période par quatre étapes principales18 . – Les années 1900-1910, étaient dominées par la production et le commerce de caoutchouc. L’administration coloniale institua à cette période des marchés obligatoires pour faciliter la collecte et la mobilisation des produits agricoles vers les centres de stockage et d’expédition. Ces marchés étaient pour des Européens et des Libano-syriens, les Guinéens étant commis au commerce en détail de produits marginaux comme le bétail et le cola. – Les années 1920, marquées par l’effondrement du caoutchouc, à cause de l’entrée en production des plantations d’hévéa d’Extrême Orient qui produisaient un caoutchouc de bien meilleure qualité que celui des colonies africaines. Par ailleurs, cette période marque aussi l’abandon progressif de cette spéculation. Les opérateurs s’orientèrent sur des produits locaux de moindre importance comme le miel, la cire, le palmiste, la gomme et les peaux de bœuf, avec le dessin avoué de l’administration coloniale d’accroitre sa présence sur les marchés de produits locaux. – Les années 1930-1940, qui voient l’émergence de grandes plantations de bananes, d’ananas en Basse Guinée et dans les régions centrales du fouta Djalon, avec le soutien de la caisse centrale de crédit agricole. Les paysans locaux s’orientent dans le même temps, en plus des cultures vivrières traditionnelles, sur les cultures de café, de thé, de quinquina. Des cultures qui représentaient, dans une économie en voie de monétarisation, un supplément de revenu à l’agriculture de subsistance. – Les années 1950, au cours de cette dernière décennie de la colonisation, la métropole a élaboré d’importants programmes de valorisation des potentialités de la Guinée tant agricoles que minières à travers : la poursuite du développement des grandes plantations de bananes et « Contributions des instruments de politique publique dans le fonctionnement des marchés agricoles en Guinée : cas des infrastructures rurales et du système d’information sur le marché de la pomme de terre au Fouta », Mémoire de Master II, Institut agricole méditerranéen de Montpellier, 2009, p.27. 16 le commerce de produits agricoles. La réhabilitation de quelques infrastructures portuaires pour faciliter l’expédition des produits agricoles vers la métropole. En effet, au cours de cette étape coloniale, on peut noter que les instruments utilisés par l’administration coloniale ont limité strictement le rôle du secteur agricole à un simple pourvoyeur de matières premières de la métropole. Les interventions les plus importantes menées au cours de cette période ont porté sur les cultures d’exportation comme la banane dont la Guinée était un des premiers exportateurs africains au début des années 1960. Par ailleurs, afin de faciliter la circulation des biens et des hommes et de mieux contrôler les circuits commerciaux, l’administration coloniale les réorganisent en se dotant d’une politique d’infrastructures routières et ferroviaires. La ligne de chemin de fer joignant Conakry et Kankan (ligne dite Conakry-Niger). Cette réorganisation est pensée à l’échelle nationale afin d’acheminer les denrées collectées jusqu’à la capitale, mais aussi à l’échelle de l’A.O.F., au sein de laquelle la Guinée doit jouer un rôle de zone tampon vis-à-vis des possessions anglaises du Sierra Leone .

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Le changement des habitudes alimentaires 

La colonisation n’a pas seulement bouleversé le système cultural des pays, elle a aussi entrainé la modification des habitudes alimentaires des habitants. Au Sénégal, le régime alimentaire traditionnel à base de mil a subi des changements liés à la combinaison et à l’influence de plusieurs facteurs dont l’introduction des cultures d’exploitation. De ce fait, la rareté du mil dans les grandes villes occasionnée par l’absence de surplus dans les campagnes à causes du développement de la culture arachidière a engendré des transformations au niveau des habitudes alimentaires. Le riz qui n’était consommé qu’à l’occasion de quelques cérémonies, va progressivement entrer dans l’alimentation populaire et constituer la principale nourriture des masses. Par ailleurs, avec les progrès réalisés par la culture arachidière, les importations de riz ne cessèrent d’augmenter, creusant davantage l’insuffisance alimentaire du Sénégal20. Par conséquent, les sociétés qui souffrent actuellement d’une pénurie de denrées alimentaires sont, dans l’ensemble, des sociétés qui n’ont jamais connu ce genre de situation avant la colonisation. Dr Moises Behar cité par Susan George disait que « les Mayas, avant la conquête par les espagnols, ne connaissaient aucun problème nutritionnel sérieux. Ils mangeaient du maïs, des haricots, des fruits, des légumes et du gibier ; ils défrichaient une terre, la cultivaient quelques temps puis la laissaient retourner à l’état sauvage, préservant ainsi les équilibres écologiques et la fertilité du sol »21 . Avec la conquête est apparue la malnutrition non seulement parce que les espagnols se sont emparées des récoltes pour les revendre aux indiens contre l’or, mais aussi parce qu’ils les ont forcés à défricher des terres pour y faire pousser du coton, du sucre et du café. Dans la même dynamique, les voyageurs européens qui sont passés en Afrique au 16eme, 17eme et 18eme siècle ont souvent signalé la prospérité de l’agriculture africaine. Ainsi, l’un d’entre eux a relevé la réaction d’un paysan éthiopien, alors qu’il s’émerveillait de l’abondance de nourriture, « hôte honoré, ne sois pas si étonné, s’il n’y avait parfois l’invasion des sauterelles et la grêle, nous ne sèmerions pas la moitié de ce que nous semons, tant ce qui nous reste est incroyable, même si tous ces s’abattaient sur nous en même temps, il y aurait des réserves de nourriture, nous ne connaissons pas la pénurie »22 . Tout comme les méthodes espagnoles, les méthodes françaises avaient les mêmes résultats destructeurs pour les systèmes alimentaires locaux. La taxation était le principal moyen de coercition employé. Les paysans n’avaient enfin de compte d’autre choix que de produire des arachides, des caoutchoucs ou du coton pour les vendre aux compagnies françaises. Les taxes étaient exigées même en période de famine grave. Toutefois, l’adoption du système alimentaire dominant a poussé les pays africains vers le même type d’homogénéité qui prévaut dans les pays développés. La monoculture hyperspécialisée et l’appauvrissement génétique des variétés, ainsi que des habitudes alimentaires commercialement induites encourageant la consommation de produits identiques partout en Afrique. Dans certains pays, les pratiques locales ont été complètement éliminées au profit des cultures commerciales locales. A ces contraintes coloniales qui constituent en elles-mêmes un lourd handicap s’ajoute les défaillances des politiques agricoles après l’indépendance.

Table des matières

Dédicaces
Remerciements
Sigles et abréviations
SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : APPROCHE HISTORIQUE ET REPRESENTATIONS SOCIALES DU PHENOMENE DE LA FAIM
CHAPITRE I : Facteurs historiques de la faim
CHAPITRE II : La construction de la connaissance sociale sur les causes et les conséquences de la faim
CHAPITRE III : La catégorisation des principales victimes de la faim
DEUXIEME PARTIE : ATTITUDE DES ACTEURS FACE A LA FAIM : STRATEGIE DE LUTTES
CHAPITRE IV : Les stratégies du PAM dans la lutte contre la faim en Guinée
CHAPITRE V : Etat et la lutte contre le phénomène de la faim.
CHAPITRE VI : Implication des populations dans la lutte contre la faim
TROISIEME PARTIE : ENJEUX DE LA FAIM ET PERSPECTIVES
CHAPITRE VII : Les enjeux de la faim
CHAPITRE VIII : Perspectives pour une sécurité alimentaire en Guinée
CONCLUSION GENERALE
ANNEXES
SOURCES ET REFERENCES BIBLIOGRAPHIQU
TABLE DES MATIERES

 

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