La prostitution peut être définie comme un échange de services sexuels contre de l’argent ou contre une compensation matérielle et peut inclure des contacts physiques directs tels que ceux pratiqués dans un contexte de prostitution de rue ou indirects tels que les appels érotiques (Weitzer, 2010). Certaines études (p.ex., Berton, 2014; Sczepanik, Ismé, & Grisé, 2014) ont tenté d’estimer la prévalence de l’offre de services sexuels dans certaines régions du Canada. Les résultats de ces études démontrent que le nombre d’hommes et de femmes offrant des services sexuels varierait entre 1000 et 3000 à Calgary (Berton, 2014) et entre 1300 et 2600 à Vancouver (Griffiths, Maguire, Heggenhougen, & Quah, 2010). Selon le nombre d’habitants recensés dans ces villes par Statistique Canada (2016) les mêmes années, le nombre de personne offrant des services sexuels représenterait entre 0,07% et 0,21% de la population de Calgary et entre 0,05% et 0,11% de la population de Vancouver. Le recensement effectué par la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES) démontre, quant à lui, qu’il existe 1510 lieux d’offre de services sexuels par des femmes au Québec (p.ex., salons de massage, bars de danses érotiques, agences d’escortes, escortes indépendantes, cinémas érotiques, clubs échangistes, prostitution de rue) dont 638 lieux ayant une adresse connue (Sczepanik et al., 2014).
Les résultats du recensement effectué par la CLES comparant le nombre de lieux recensés en 2010 à celui recensé en 2013 dans la région du Grand Montréal montrent également que l’offre de services sexuels n’est pas un phénomène qui tend à perdre de l’ampleur (Sczepanik et al, 2014). En effet, 420 lieux d’offre de services sexuels par des femmes ont été répertoriés en 2013 comparativement à 339 en 2010. Les auteurs mentionnent toutefois ne pas pouvoir affirmer qu’il y a eu augmentation du phénomène étant donné que davantage de ressources et de temps ont été alloués pour le second recensement (Sczepanik et al., 2014). Dans un même ordre d’idées, Raymond et Hugues (2001) affirment que, malgré les mesures mises en place visant à la contrôler ou à l’abolir, la prostitution continue à prendre de l’ampleur.
Selon l’Association canadienne de santé publique (2014), des programmes qui toucheraient la pauvreté, la santé, l’habitation et différents déterminants sociaux de la santé pourraient permettre de diminuer les risques qu’une personne commence à offrir des services sexuels et augmenter le bien-être des personnes qui offrent déjà de tels services. En ce sens, plusieurs auteurs suggèrent qu’une meilleure connaissance du profil psychosocial (p.ex., profil psychologique, antécédents, profil criminogénique) des personnes offrant des services sexuels est nécessaire pour élaborer des programmes d’intervention efficace (p.ex., Arnold, Stewart, & McNeece, 2000; Williamson & Baker, 2008). Toutefois, et tel que mentionné par plusieurs auteurs (David, Earls, Martin, & Côté, 1999; Nachar, Côté, & Earls, 2006), peu d’études procurent des informations scientifiques valides sur les personnes qui offrent des services sexuels. De plus, la majorité des études se sont intéressées uniquement à la prostitution de rue, qui représenterait uniquement 10 à 20% de l’offre de services sexuels (Weitzer, 2005) ou se sont intéressées aux personnes qui offrent des services sexuels hors rue sans distinguer les types de services offerts (p.ex., Côté, Earls, Bédard, & Lagacé, 2016).
Parmi les différents types de prostitution hors rue, la danse érotique dans les bars, qui consiste à se dévêtir de façon suggestive ou à danser partiellement vêtu en échange d’une compensation monétaire (Forsyth & Deshotels, 1997), représenterait 20,7% des lieux avec adresse connue d’offre de services sexuels par des femmes au Québec et 41,3% des lieux avec adresse connue lorsque la région de Montréal est exclue du recensement (Sczepanik, et al., 2014). Un total de 15 études se sont intéressées à différents aspects du profil psychosocial des danseuses et des danseurs érotiques (p.ex., Dressel & Petersen, 1982; Kaufman, 2009; Skipper & McCaghy, 1970; Sweet & Tewksbury, 2000). Parmi ces études, deux d’entre elles ont été effectuées au Canada (Belhumeur, Earls, & Côté, 2008; Robillard, 2011) et 13 d’entre elles ont été effectuées aux États-Unis (Boden, 2007; Dressel & Petersen, 1982; Kaufman, 2009; Margolis & Arnold, 1993; Ronai & Cross, 1998; Petersen & Dressel, 1982; Scull, 2014; Skipper & McCaghy, 1970; Spivey, 2005; Sweet & Tewksbury, 2000; Wesely, 2002, 2003, 2006).
Études sur les danseuses érotiques
Chez les femmes, certaines études se sont intéressées à leurs antécédents familiaux. Les résultats de ces dernières démontrent que la plupart des danseuses érotiques ont eu un père absent (Skipper & McCaghy, 1970; Sweet & Tewksbury, 2000), ont quitté le foyer familial à un jeune âge (Skipper & McCaghy, 1970; Sweet & Tewksbury, 2000; Wesely, 2002, 2003), proviennent d’une famille où elles ont reçu peu d’attention et d’affection (Skipper & McCaghy, 1970; Wesely, 2003, 2006) et dans laquelle au moins un des parents avait un problème d’alcool ou de drogue (Sweet & Tewksbury, 2000). De plus, les résultats d’une étude comparant un groupe de danseuses érotiques à un groupe de femmes n’offrant pas de services sexuels (femmes âgées de 18 ans et plus recrutées dans des endroits publics) démontrent que les danseuses érotiques sont significativement plus nombreuses à avoir vécu de la violence physique de la part de leurs parents et d’agressions sexuelles intrafamiliales (Belhumeur et al., 2008). Toutefois, les résultats de cette même étude démontrent qu’aucune différence significative n’est observée entre les danseuses érotiques et les femmes du groupe de comparaison en ce qui a trait à l’absentéisme des parents, à l’âge du départ du foyer familial, à la présence de problèmes d’alcool ou de drogue dans la famille, au placement hors du milieu familial, à la violence physique entre les parents et la violence verbale des parents envers les participantes (Belhumeur et al., 2008).
En ce qui a trait aux antécédents sexuels, la proportion des danseuses ayant vécu des agressions ou des attouchements sexuels pendant l’enfance ou l’adolescence se situe entre le tiers et la moitié (Sweet & Tewksbury, 2000; Wesely, 2002, 2003, 2006). Les résultats de certaines études démontrent également que les danseuses érotiques ont atteint la puberté et ont eu leur première relation sexuelle à un jeune âge (Skipper & McCaghy, 1970; Sweet & Tewksbury, 2000). Toutefois, les résultats de l’étude de Belhumeur et al. (2008) démontrent qu’il n’y a pas de différence significative concernant l’âge de la puberté et l’âge de la première relation sexuelle entre un groupe de danseuses érotiques et un groupe de femmes n’offrant pas de services sexuels.
Sur le plan des relations conjugales, la plupart des danseuses sont en couple (Sweet & Tewksbury, 2000; Wesely, 2002, 2003) et n’ont pas d’enfants (Belhumeur et al., 2008; Skipper & McCaghy, 1970). De plus, près de la moitié d’entre elles ont déjà été, ou étaient au moment de l’étude, dans une relation conjugale violente (Wesely, 2003, 2006).
Quant à leur occupation, elles rapportent plusieurs expériences de violence au travail (Spivey, 2005). D’ailleurs, les danseuses érotiques vivent plus de violence au travail que les femmes n’offrant pas de services sexuels (Belhumeur et al., 2008).
Les résultats des précédentes études laissent croire que le profil psychosocial des danseuses érotiques est bien connu. Toutefois, la majorité de ces études comportent des lacunes méthodologiques importantes. En effet, la plupart d’entre elles n’avaient pas de groupe de comparaison approprié (p.ex., Skipper & McCaghy, 1970; Sweet & Tewksbury, 2000). De plus, les méthodes ayant été utilisées pour la sélection des participantes étaient parfois inadéquates. En effet, le bouche à oreille a parfois été utilisé, ne permettant pas de s’assurer que les participantes rencontrées offrent bel et bien des services de danses érotiques (p.ex., Wesely, 2003, 2006). De plus, la seule étude ayant comblé ces lacunes (Belhumeur et al., 2008) ne s’est pas intéressée au profil psychologique, social et criminogénique des danseuses érotiques et ce, même si une bonne connaissance de celui-ci est nécessaire à l’élaboration de programmes d’intervention efficaces auprès des personnes offrant des services sexuels (p.ex., Arnold, Stewart, & McNeece, 2000; Williamson & Baker, 2008).
Études sur les danseurs érotiques
Certains auteurs suggèrent que les hommes offrant des services de danses érotiques sont moins victimes de stigmatisation que les femmes offrant de tels services (p.ex., Margolis & Arnold, 1993; Scull, 2014). Les résultats de l’étude de Scull (2014) laissent également croire que l’estime personnelle des hommes offrant des services de danses érotiques à des femmes est augmentée par leur occupation. Ces derniers demeureraient dans ce milieu, car ils apprécient l’attention des clientes. De plus, les danseurs érotiques rencontrés rapportaient très rarement se sentir exploités (Scull, 2014). Dans un même ordre d’idée, selon Ronai et Cross (1998), la danse érotique chez les femmes serait souvent considérée comme un problème, une déviance ou un comportement causé par des expériences passées, alors qu’elle serait considérée, le plus souvent, comme un travail non pathologique chez les hommes. Cette différence entre la vision de la danse érotique chez les femmes et chez les hommes expliquerait que peu de recherches se soient intéressées au profil psychosocial des danseurs érotiques (Ronai & Cross, 1998).
En ce sens, chez les hommes, les études ayant été réalisées se sont intéressées principalement à leur occupation actuelle. Les résultats de ces études démontrent que la plupart des hommes entrent dans le milieu de la danse érotique à la suite des conseils ou suggestions de connaissances qui sont déjà dans le milieu (Dressel & Petersen, 1982) et que leur principale motivation à danser est l’argent gagné (Dressel & Petersen, 1982; Kaufman, 2009). De plus, les danseurs sont souvent victimes de violence au travail (Boden, 2007; Petersen & Dressel, 1982) et plusieurs consomment de l’alcool ou de la drogue lors de leurs performances (Kaufman, 2009). Toutefois, contrairement aux danseuses érotiques, aucune étude ne semble s’être intéressée à l’ensemble de leur profil psychosocial et à leurs antécédents et ce, même si, tel que mentionné précédemment, plusieurs auteurs suggèrent qu’une bonne connaissance des facteurs qui ont contribué à l’entrée dans le milieu de la prostitution, des besoins et des risques de victimisation des personnes offrant des services sexuels est nécessaire à l’instauration de différents programmes d’intervention auprès de cette clientèle (p.ex., Arnold et al., 2000; Cusick, Brooks Gordon, Campbell, & Edgar, 2011; Williamson & Baker, 2008; Williamson & Folaron, 2003).
Contexte théorique |