Les bactéries sont dites multirésistantes aux antibiotiques (BMR) lorsque, du fait de l’accumulation de résistances acquises à plusieurs familles d’antibiotiques, elles ne sont plus sensibles qu’à un petit nombre d’antibiotiques utilisables en thérapeutiques (résistance à au moins 3 familles d’antibiotiques) [1].
Dans les structures de soins, particulièrement en réanimation, le phénomène de multirésistance bactérienne aux antibiotiques prend une ampleur gravissime en raison de la prise en charge lourde des patients admis, et surtout de la morbidité et de la mortalité attribuée à ces infections.
L’émergence des BMR est favorisée par la pression de sélection antibiotique et par la transmission croisée [2]. Cela constitue un réel problème de santé publique mondial. L’épidémiologie des infections à BMR varie considérablement d’un service à l’autre, d’un hôpital à un autre et d’une région à l’autre. Actuellement, les BMR qui font l’objet d’une surveillance particulière sont: les entérobactéries sécrétrices de Béta-lactamase à spectre étendu (EBLSE), les entérobactéries productrices de carbapénémases,l’Acinetobacter baumannii multirésistant,le Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM), et le Pseudomonas aeroginosa multirésistant.
Face à la gravité du problème de la multirésistance, plusieurs études à travers le monde sont régulièrement réalisées. Un plan d’action mondial pour combattre la résistance aux antibiotiques a été mis en place [3]. De nombreux réseaux de surveillance ont été créés (EARSNet en Europe, CDC aux USA…), afin de mesurer l’ampleur du phénomène et évaluer les actions de lutte. Au Maroc, plusieurs études sur le sujet ont été faites à Marrakech, Fès, Rabat et Meknès. L’étude que l’on propose consiste à recueillir les informations actuelles concernant les BMR isolées au niveau du laboratoire de bactériologie de l’Hôpital Militaire Avicenne de Marrakech, du 1er Janvier 2015 au 30 Décembre 2016, afin de décrire leur profil épidémiologique et leur profil de résistance aux antibiotiques.
Isolement et identification des bactéries
Différentes techniques ont été développées afin de répondre au besoin d’identification de ces BMR. L’identification bactérienne des BMR au niveau du laboratoire s’est basée sur les caractères morphologiques, culturaux, biochimiques et antigéniques conventionnelles. Les techniques phénotypiques habituellement utilisées en pratique sont basées sur :
• l’antibiogramme automatisé en milieu liquide:grâce à un automate d’analyse (BD Phoenix®), utilisé en routine au laboratoirede l’HMA ; c’est un système d’identification qui permet en plus de l’identification précise des souches bactériennes (genre et espèce), la détermination de leur sensibilité à une large gamme d’antibiotiques par la méthode des CMI (concentrations minimales inhibitrices).
• l’antibiogramme standard selon la méthode de diffusion en milieu gélosé MuellerHinton(MH);une ou plusieurs boite(s) selon les cas, contenant le milieu gélosé, spécifiquement destiné à cette méthode, sont inoculées par inondation à l’aide de la suspension bactérienne préalablement calibrée. Les disques imprégnés d’antibiotiques sont alors disposés à la surface de la gélose inoculée et séchée;et l’antibiotique diffuse très rapidement de manière concentrique autour de chaque disque. Les boites peuvent alors être mises en incubation à 37°C dans les conditions requises (atmosphère ambiante, sous tension réduite en O2, en anaérobiose…).La lecture consiste à mesurer les diamètres d’inhibition de la culture autour de chaque disque manuellement (double décimètre ou pied à coulisse).
L’identification de la résistance aux antibiotiques en matière de méthodologie et d’interprétation s’est basée sur des référentiels élaborés par des comités d’experts. L’interprétation des concentrations critiques s’est basée sur les concentrations critiques de référence des différents antibiotiques élaborées et actualisées chaque année par le comité de l’antibiogramme de la société française de microbiologie, harmonisée depuis 2014 avec le comité européen EUCAST [5].
Pour assurer un résultat fiable, les différentes recommandations au niveau de toutes les étapes de l’antibiogramme allant de la préparation de l’inoculum à la bonne lecture des zones d’inhibition pour la catégorisation clinique ont été respectées (CASFM).
Les noms des antibiotiques ont été écrits en dénomination commune internationale (DCI). Certains noms des antibiotiques ont été abrégés sur la liste des abréviations.
Détection de la résistance des entérobactéries aux bêtalactamines par
production de BLSE
Pour chaque éventuelle EB BLSE détectée par l’automate, une détection de la production des BLSE a été réalisée par la recherche d’une synergie sur milieu gélosé Mueller-Hinton.
Test de synergie
Le test de synergie repose sur l’inhibition partielle de la BLSE par les inhibiteurs des pénicillinases comme l’Acide clavulanique. La recherche du phénotype BLSE est réalisée sur l’antibiogramme en plaçant les disques de CTX (30μg) et de CAZ (30 μg) à une distance de 20-30 mm (de centre à centre) d’un disque d’Amoxicilline / Acide clavulanique (20/10 μg). Ceci permet de mettre en évidence (après incubation de 24 h à 37°C) une augmentation très nette du diamètre d’inhibition des disques contenant les C3G en regard du disque contenant l’Acide clavulanique / Amoxicilline, prenant ainsi la forme d’un «bouchon de champagne » pour les souches productrices de BLSE .
Méthode des disques combinés
Cette méthode consiste à placer sur une gélose Mueller-Hinton préalablement inoculée avec une suspension bactérienne ajustée à 0,5 Mac Farland, 2 couples d’antibiotiques ; un disque de CTX en regard d’un disque de CTX / Acide clavulanique à une distance de 25 mm (de centre à centre), et un disque de CAZ en regard d’un disque de CAZ / Acide clavulanique (même distance). Une augmentation ≥ à 5 mm du diamètre d’inhibition des disques contenant l’Acide clavulanique par rapport à ceux qui n’en contiennent pas, est en faveur de la présence d’une BLSE.
Test à la Cloxacilline
Principe
Sur un milieu Mueller-Hinton pour antibiogramme, l’ajout de la cloxacilline inhibe très fortement les céphalosporines de la classe A d’Ambler.Ce test permet alors d’identifier une BLSE associée à une céphalosporinase déréprimée. La comparaison des boites de Pétri contenant la Cloxacilline sur le milieu Mueller-Hinton note la restauration de l’activité des bêtalactamases et l’apparition de l’image de synergie en bouchon de champagne, confirmant la présence d’un tel mécanisme de résistance [6,7].
Technique
La Cloxacilline, inhibiteur de céphalosporinases, est incorporée dans la gélose MuellerHinton. Un disque contenant la Ticarcilline / Acide clavulanique est placé au centre et à 20 mm de celui-ci sont placés les disques de CAZ et de CTX. Les souches productrices de BLSE présentent une synergie entre les disques de CTX et /ou CAZ et le disque Ticarcilline / Acide clavulanique.
INTRODUCTION |