En raison de l’accroissement des besoins énergétiques mondiaux, des risques climatiques, écologiques et de pénuries liés à l’utilisation intensive des énergies fossiles, plusieurs formes d’énergies renouvelables ont vu le jour au cours du siècle dernier. Parmi elles, la conversion photovoltaïque du rayonnement solaire en électricité connaît une croissance exponentielle depuis les années 2000 et devrait continuer de croître au cours des prochaines décennies .
Les panneaux photovoltaïques peuvent être élaborés selon une multitude de technologies faisant appel à différents matériaux semi-conducteurs, aptes à produire un courant électrique sous l’effet des photons du rayonnement solaire par effet photoélectrique. Une partie de ces technologies est basée sur l’utilisation du silicium: à l’état cristallin, sous forme de mono ou de poly-cristaux, ou encore à l’état amorphe. L’autre partie se base sur des empilements de couches minces (<10 µm) telles que des couches de CdTe (Cadmium-Tellure) ou encore de CIGS (Séléniure de Cuivre d’Indium et de Gallium). La technologie la mieux maîtrisée et la plus répandue de par le monde à l’heure actuelle reste celle utilisant le silicium massif sous ses formes mono ou multi cristallines. En 2013 elle représentait 90 % de la production mondiale et devrait rester largement prédominante à court et moyen terme.
Le LMPS du CEA-LITEN , où sont menés nos travaux, s’intéresse à l’élaboration et à la mise en forme du silicium pour des applications photovoltaïques. Ce matériau y est notamment purifié pour lui conférer un niveau de pureté suffisant pour permettre ses propriétés photoélectriques. Une telle purification peut s’effectuer avec des procédés de métallurgie dont l’optimisation et le contrôle qualité nécessitent de connaître l’évolution de la composition chimique du métal en fusion. Cette information est actuellement obtenue a posteriori via des analyses ex situ de type ICP-OES ou GDMS sur des échantillons solides prélevés après la mise en œuvre du procédé. Un outil de mesure in situ permettrait alors un gain de réactivité et d’envisager une réduction des coûts de production du silicium solaire. Par extension un tel outil présenterait un intérêt pour tout procédé métallurgique d’affinage. Dans ce travail de thèse nous proposons d’utiliser la spectroscopie sur plasma induit par laser (LIBS) pour répondre à ce besoin. Cette technique d’analyse chimique est apparue dans les années 1970 peu après l’invention du laser Nd:YAG [3]. Elle repose sur la caractérisation par spectrométrie d’émission optique d’un micro plasma formé in situ par ablation laser. Ainsi, il n’est plus requis d’échantillonner une portion du matériau à analyser et de mettre en œuvre une préparation complexe de l’échantillon préalablement à son analyse. La mesure se fait à distance (facilement plusieurs mètres), de façon très rapide et sur tous types d’échantillons (métaux, céramiques, polymères, gaz, liquides…). Cependant, la technique LIBS met en jeux des phénomènes complexes d’interaction entre faisceau laser, matériau étudié et plasma analysé par spectrométrie d’émission. En raison de la variabilité des plasmas formés, elle souffre d’une répétabilité et d’une reproductibilité souvent limitées qui nuisent à ses performances pour l’analyse quantitative. La technologie LIBS doit donc à l’heure d’aujourd’hui faire ses preuves comme technique de chimie analytique susceptible de supplanter, pour un certain nombre d’applications, les autres techniques de spectroscopie d’émission déjà bien établies. Notre ambition est donc de contribuer au développement de la LIBS comme technique de mesure quantitative reconnue et utilisée non plus seulement dans les laboratoires mais sur des procédés industriels.
L’intérêt de la LIBS pour une application au domaine du silicium photovoltaïque a déjà été démontré à une échelle du laboratoire. L’enjeu est à présent de transférer cette technologie vers une échelle industrielle. L’objectif de cette thèse est donc de mettre au point et d’optimiser un outil de LIBS pour le contrôle en ligne des procédés industriels de purification du silicium fondu. Le succès de cette entreprise passe par l’élaboration d’une méthode d’analyse quantitative performante permettant de déterminer la composition d’un silicium de grade solaire comprenant des teneurs en impuretés de l’ordre du mg/kg.
L’obtention d’un silicium aux spécifications adaptées à une application photovoltaïque passe en tout premier lieu par l’élaboration d’un silicium dit « métallurgique » ou « MG-Si » (Metallurgical Grade Silicon). Ce MG-Si trouve également des applications dans le domaine microélectronique, dans la fabrication des silicones ou encore dans l’élaboration de certains alliages métalliques.
Le silicium métallurgique est obtenu par un procédé de réduction carbothermique de la silice (SiO2) par un composé riche en carbone (le plus souvent du bois, du charbon de bois mais aussi du coke de pétrole [4]) dans un four à arc . Le mélange silice-composé réducteur est fondu et chauffé par un arc électrique à une température voisine de 2100 °C. Des réactions en phase gaz se produisent alors et permettent la réduction de la silice par le carbone présent dans le composé réducteur. La fabrication du MG-Si consomme environ 12 kWh d’énergie électrique par kg produit pour un coût de quelques dollars le kg [5]. Il est à noter qu’il est également possible de produire du silicium par réduction de la silice via d’autres techniques qui ne sont actuellement pas utilisées industriellement, telles que l’aluminothermie, la magnésiothermie ou encore la calciothermie.
A l’issue de cette étape le silicium produit est extrait du four par le trou de coulée. Le métal liquide est recueilli dans une poche à métal où il est directement affiné par bullage d’un mélange d’air et d’oxygène en vue d’abaisser les teneurs en impuretés métalliques. Le métal affiné est ensuite récupéré dans une lingotière. Il possède une pureté comprise entre 99% et 99,9% qui est directement fonction du degré de pureté des matières premières utilisées. Les impuretés qu’il comporte sont majoritairement du fer, de l’aluminium, du titane, du bore, du phosphore, du calcium, du carbone et de l’oxygène.
L’effet photoélectrique mis en jeu dans une cellule solaire consiste en l’excitation des électrons de la bande de valence (BV) vers la bande de conduction (BC) par les photons du rayonnement solaire. Cet effet est généralement décrit comme consistant en la génération de paires électrons (dans la BC) / trous (dans la BV) aussi appelés « porteurs de charge ». L’absorption d’un photon dépend de sa longueur d’onde et du semi-conducteur utilisé : l’énergie du photon doit être supérieure ou égale au gap d’énergie qui sépare les BV et BC. Après formation de ces paires électrons/trous, ces derniers doivent encore être collectés par une électrode, pour générer un courant électrique, avant qu’ils ne se recombinent entre eux. Le temps moyen avant que ces porteurs de charges ne se recombinent est appelé « durée de vie des porteurs de charge ». Ainsi pour obtenir une cellule photovoltaïque de haut rendement il faut réduire les phénomènes de recombinaison et donc maximiser cette durée de vie.
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