Production d’huile d’olive
De l’olivier à l’huile d’olive
Si la production de l’huile d’olive est actuellement en plein essor, celle-ci n’est pas un produit du XXIe siècle. En effet des fossiles de fragments d’olivier datant du XIIe millénaire avant Jésus Christ ont été retrouvés autour de la Méditerranée (Conseil Oléicole International, COI, 1997). L’olivier et l’huile d’olive font partie intégrante de l’histoire du bassin méditerranéen et on les retrouve au fil des siècles à travers différents mythes et croyances. C’est notamment le cas dans la mythologie grecque où Athéna devint protectrice d’Athènes au dépens de Poséidon après avoir offert à la ville d’Athènes un présent bien plus utile que le cheval de Poséidon : un olivier. Le bois d’olivier servira ensuite pour les gravures de divinités grecques et sera le bois utilisé pour la fabrication de la massue d’Hercule. Les premiers vainqueurs des jeux olympiques se voyaient remettre des rameaux d’olivier et des jarres d’huile d’olive en récompense de leurs performances. De tout temps l’olivier a été associé à des vertus telles que la sagesse, la paix, la victoire, la richesse et la fidélité. Il y a aujourd’hui près d’un milliard d’oliviers (Olea europaea L.) cultivés à travers le monde et cela sur presque tous les continents. Plus de 90% des oliviers sont cultivés dans le bassin méditerranéen, notamment en Espagne, en Italie et en Grèce. Il existe plus de cent variétés d’oliviers, cultivées en fonction de leur objectif final. Les olives peuvent avoir deux grandes utilisations : la première est l’utilisation en tant que fruit entier ou encore appelée “olives de table“, la seconde est pour la production d’huile d’olive. La production mondiale d’olives de table est d’environ un million de tonnes soit 10 % de la récolte totale d’olives. La grande majorité des olives est donc utilisée pour la fabrication de l’huile d’olive. Après une forte augmentation au cours des années 1990, la production mondiale d’huile d’olive reste relativement stable depuis le début des années 2000 avec une production annuelle située entre 2 ,4 et 3,2 millions de tonnes (COI, 2009a). Les variations observées d’une année à une autre sont dues à la fois aux conditions climatiques et au fait que les olives ne grandissent que sur des bois de 2 ans (récolte bisannuelle). La production mondiale est grandement influencée par celles de l’Espagne et de l’Italie qui représentent à eux seuls près des 2/3 de la production mondiale (Tableau 1).Parmi les principaux pays producteurs européens, seule l’Espagne a très significativement augmenté sa production d’huile d’olive depuis la campagne 1999/2000, le reste des pays européens a eu une production stable voire légèrement décroissante (Italie, Grèce). La production française a été multipliée par 4 entre 1990 et 2000 et se situe autour des 4 000 tonnes depuis le début des années 2000 soit seulement 0,2% de la production européenne. Les principaux pays producteurs sont également les principaux consommateurs de cette huile. Le tableau 2 donne la consommation globale des principaux pays consommateurs d’huile d’olive. L’Italie et l’Espagne apparaissent une nouvelle fois en première ligne de ce classement, cependant ce tableau ne tient pas compte de la population des différents pays. En effet, si l’on calcule la consommation par habitant, la Grèce arrive en tête avec environ 20 L d’huile par an et par habitant, loin devant les 12 L annuels des Espagnols et des Italiens. En France, 1,5 L d’huile d’olive est consommé par habitant chaque année. La production et la consommation de cette huile française se fait principalement dans les régions proches de la Méditerranée (Tableau 3).
Méthodes de fabrication de l’huile d’olive
Selon le COI, l’huile d’olive est une huile obtenue à partir du fruit de l’olivier, à l’exclusion des huiles obtenues par extraction avec des solvants, par des procédures de réestérification, ou par n’importe quel mélange avec d’autres types d’huiles. A la différence des autres huiles végétales ou d’autres produits tels que le vin, l’huile d’olive ne requiert aucune étape de raffinage ni aucune transformation chimique. Grâce à cette simplicité procédurale, l’huile d’olive a pu être fabriquée depuis l’antiquité. La technique a subi de nombreuses évolutions au cours du temps qui peuvent être regroupées en deux grandes catégories : les évolutions relatives au broyage des olives et les évolutions relatives à la séparation des différentes phases. Entre ces deux grandes étapes, la pâte d’olive est malaxée afin d’être homogénéisée et de permettre la coalescence des gouttelettes d’huile. Lors de leur arrivée chez un moulinier, les olives sont pesées puis passent généralement dans un système de laveuse-effeuilleuse qui va les nettoyer et permettre d’en retirer les impuretés (terre, cailloux, feuilles…) avant le broyage. Le broyage (ou trituration) des olives a pour but de détruire les cellules des olives afin que celles-ci puissent ensuite libérer leur contenu. A ce stade du procédé les olives sont réduites en une pâte plus ou moins homogène qui devra être malaxée. Outre le rôle d’homogénéisation de la pâte, le bac de malaxage permet la coalescence des gouttes d’huile : les microgouttelettes d’huile qui viennent d’être libérées de leurs lipovacuoles cellulaires vont se regrouper afin de former des gouttes de plus grande taille qui seront plus faciles à extraire de la pâte. La pâte malaxée va ensuite être pressée ou centrifugée horizontalement afin de séparer les phases solides et liquides. La phase solide contient les restes des noyaux ainsi que la peau et la pulpe des olives dépourvue de son huile. Cette phase solide s’appelle « grignons » et constitue l’un des deux principaux coproduits de la fabrication de l’huile d’olive. La phase liquide est un mélange d’eau et d’huile qu’il faut séparer. Cela se fait soit par simple décantation gravitationnelle, soit par centrifugation. Dans les deux cas la phase aqueuse aussi appelée « margines » est séparée de l’huile et constitue le second coproduit de la fabrication de l’huile d’olive. La phase grasse est l’huile d’olive pure ; comme aucun traitement ni aucune réaction chimique supplémentaire n’est nécessaire, l’huile d’olive est comestible en l’état.
La récolte des olives
En France, la période de récolte des olives va de septembre à février en fonction de l’utilisation des olives (olives de table plus précoce que pour l’huile) ainsi qu’en fonction de la variété d’olives (Picholine variété précoce, Tanche variété tardive). Les conditions climatiques ainsi que la région de production ont également un impact sur la vitesse de maturation des olives et donc sur la période optimale de récolte. Il existe de nombreuses techniques de récolte des olives variant en fonction de la destination finale de ces olives, de la nature du sol et de la superficie de l’exploitation. La méthode traditionnelle est la récolte à la main (Figure 1a); c’est la plus respectueuse de l’arbre mais la récolte est fastidieuse et très longue donc cette technique n’est plus utilisée que pour les olives de table (car elles ne doivent pas être abimées). La méthode la plus communément utilisée en Provence est la cueillette au peigne manuel (Figure 1b) : les oléiculteurs déposent un filet sur le sol et utilisent un peigne qui va arracher les olives de la branche et les faire tomber sur le filet.Il existe maintenant des systèmes de peignes mécaniques équipés d’un moteur faisant tourner les peignes au bout d’un manche télescopique. Cette technique permet une récolte plus rapide des olives et reste peu traumatisante pour les oliviers. En Espagne ou en Italie la technique la plus utilisée sur les grandes exploitations est celle par vibration des branches : des pinces métalliques viennent enserrer le tronc de l’olivier et une vibration à haute fréquence va être appliquée au tronc. Les olives mûres vont alors tomber de l’arbre et peuvent être utilisées pour la production d’huile. Le principal inconvénient de ce système, outre son coût à l’achat, est les dégâts qu’il peut occasionner aux jeunes rameaux des oliviers.
Evolutions concernant la trituration des olives
Les tous premiers systèmes de trituration des olives ont été utilisés par les Hébreux (Xème siècle avant Jésus Christ) qui pilaient les olives dans de grands mortiers. La pâte obtenue était alors extrêmement grossière et très peu d’huile pouvait en être retirée. Cette technique peu pratique car difficilement applicable à grande échelle et surtout peu efficace, a peu à peu été remplacée par des broyeurs à meule. La forme des meules (conique, cylindroconique, cylindrique) a évolué au cours des siècles, mais le principe de base est toujours le même : le poids de la pierre et sa rotation sur les olives vont détruire les olives et ainsi libérer le contenu cellulaire des drupes. Les premiers moulins disposant de roues de granit faisaient partie de la catégorie des moulins à sang (moulin nécessitant une force animale ou humaine pour effectuer les rotations). Les animaux de la ferme servaient alors de force motrice pour entraîner la roue de granit. Les animaux les plus souvent utilisés étaient les chevaux et les vaches. Les principaux défauts de cette technique est la place nécessaire pour permettre le mouvement circulaire de l’animal autour du pressoir et la lenteur du procédé. Les moulins à sang ont ensuite été remplacés petit à petit par des moulins à eaux qui ont permis d’augmenter le nombre de meules en action et donc de réduire les temps de trituration. Au cours du XXe siècle, les moulins se sont modernisés et électrifiés. Les roues de granit sont aujourd’hui entraînées par des moteurs électriques, ce qui facilite le travail et permet de travailler avec de 2 à 5 roues de granit identiques (Figure 2) ou de différentes tailles.Même si l’électrification des systèmes de trituration des olives a permis d’augmenter l’efficacité du système et de réduire le travail des mouliniers, ce procédé reste relativement long compte-tenu de l’augmentation de la demande en huile et de l’accroissement en taille des moulins. Pour cela, différents systèmes de broyeurs métalliques ont été développés (Figure 3). Ils peuvent être regroupés en trois catégories : les broyeurs à marteaux (Figures 4a et 4b), les broyeurs à couteaux et les broyeurs à disques. Dans tous les cas, les bras métalliques avec des arêtes vives sont placés sur un axe entraîné par un moteur électrique à une vitesse de 1000 à 3000 tours par minute. Les olives sont introduites dans le broyeur et elles vont être déchiquetées par la vitesse de rotation des bras métalliques. Dans le cas des marteaux, différents bras de différentes longueurs sont placés autour d’un axe central (Figure 3). Afin de mieux broyer les olives, ces bras sont également légèrement désaxés les uns par rapport aux autres. La cavité dans laquelle tournent les bras métalliques n’est pas hermétique mais entourée d’une grille. Le diamètre des trous de la grille peut être variable mais c’est un paramètre important car il va déterminer la granulométrie de la pâte d’olive. En effet, une fois broyées, les olives devront passer à travers la grille avant de tomber dans le bac de malaxage. Les systèmes métalliques permettent d’accélérer le processus de broyage, donc d’augmenter les volumes de production journaliers et ils sont particulièrement adaptés pour des systèmes de production en continu. Dans ce type de système, le moulinier n’a jamais à manipuler directement la pâte d’olive car celle-ci est convoyée automatiquement d’un appareil à un autre. Depuis quelques années de nouvelles innovations sont apparues sur le marché. La plus importante est sûrement celle du dénoyautage des olives avant le broyage. Les résultats obtenus par cette nouvelle technique semblent assez contradictoires donc il est difficile d’évaluer son impact réel. Certaines publications vantent les bienfaits du dénoyautage sur la teneur en phénols (augmentation de 75 à 110%, (Amirante, 2006)) dans l’huile d’olive et l’expliquent par le fait que de nombreuses enzymes de dégradation sont présentes dans les noyaux. Del Caro et coll. (2006) ont trouvé de plus faibles teneurs en phénols dans les huiles issues d’olives dénoyautées mais une meilleure stabilité de l’huile dans le temps (notamment grâce à une plus forte teneur en tocophérols). Une étude parue dans le « Journal of American Oil Chemist Society » qui est souvent utilisé comme référence pour l’analyse des huiles, montrait quand à elle qu’aucune différence significative entre une huile obtenue à partir d’olives dénoyautées ou non dénoyautées ne pouvait être attribuée à cette technologie (Patumi, 2003).
Le malaxage
Quelle que soit la technique de trituration, une étape est indispensable avant la séparation des différentes phases de la pâte, il s’agit du malaxage. Le malaxage a pour but d’homogénéiser la pâte d’olive, mais il va également et surtout permettre la coalescence des gouttelettes d’huile. La figure 5 est une photographie de microscope électronique à balayage (MEB) montrant le regroupement de ces gouttelettes d’huile qui formeront ensuite de grosses gouttes facilement séparables de la matière solide Le malaxage est une étape très contrôlée car les mouliniers ont la possibilité de chauffer la pâte d’olive afin de faciliter la coalescence et donc d’augmenter les rendements, mais la pâte d’olive ne doit en aucun cas dépasser les 27°C pour que l’huile d’olive puisse porter la mention « extraction à froid ». Les bacs de malaxage sont le plus souvent fermés, de façon à retenir les arômes de la pâte et à limiter son oxydation. Selon le procédé de trituration utilisé, de 1 à 3 bacs de malaxage peuvent être montés en série (Figures 6a et 6b). Le malaxage se fait par rotation lente d’une vis sans fin qui va retourner continuellement la pâte. Les broyeurs métalliques ont tendance à augmenter l’émulsion entre l’huile et l’eau, par conséquent les temps de malaxage et/ou le nombre de bacs de malaxage sont plus importants que pour les systèmes à meule de granit. Le temps de malaxage varie en général entre 15 et 30 minutes.