Processus et quantification des redistributions de sols

 Processus et quantification des redistributions de sols

Rappel des facteurs de déplacement de matière sur les versants cultivés 

Le déplacement de matière à la surface du globe terrestre résulte de l’interaction complexe de divers facteurs. Ceux-ci agissent directement comme vecteurs de particules (facteurs actifs), ou indirectement en tant que pourvoyeurs de particules ou facteurs influençant l’énergie nécessaire à leur transport (facteurs passifs) (Campy et Macaire, 2003). Ces facteurs, actifs et passifs, varient plus ou moins dans le temps et l’espace. Les facteurs actifs montrent des variations d’intensité à court-terme, de l’échelle de la minute à la saison culturale. Les facteurs passifs tendent à être invariants sur le long-terme, de l’échelle de quelques siècles au millénaire. De plus, en contexte agricole, des facteurs anthropiques apparaissent tandis que les facteurs naturels sont plus ou moins modifiés par l’occupation du sol. Ce paragraphe constitue un rappel des facteurs passifs et actifs contrôlant les déplacements de matière sur les versants cultivés, en soulignant ceux pouvant dominer les redistributions de sol sur le versant étudié. 

Facteurs passifs 

Le relief 

Le relief est un facteur qui influence l’intensité des flux de matière sur les versants en favorisant plus ou moins l’action des forces gravitaires. D’une part, le relief détermine l’énergie de transport des particules par le vecteur hydrique via le gradient de pente, les courbures, la longueur de pente et l’aire contributive au ruissellement (Chaplot et Le Bissonnais, 2000; Truman et al., 2001 ; cf. Ch. I). Il est également un facteur déterminant pour la concentration des eaux de ruissellement. D’autre part, la variation du gradient de pente contrôle l’intensité du transport de matière solide par le labour (Lindstrom et al., 1990 ; Govers et al., 1994 ; cf. Ch. I). Les variations de relief sur le site d’étude sont présentées dans les § 3.1. et 3.2. de l’article § III.2. Les pentes les plus importantes sont observées entre les banquettes L3 et L2, Chapitre V – Processus et quantification des redistributions de sols 203 c’est-à-dire dans l’unité 3 (Fig. 6 de l’article § III.2). Les aires de drainage sont délimitées par les bordures de parcelles associées aux banquettes L3, L2 et L1. Ainsi l’aire de drainage la plus importante couvre l’unité 2 entre la banquette L2 et L1. Le relief ne montre pas de figures convexes orientées dans le sens de la pente et susceptibles de concentrer les eaux de ruissellement. Les variations de pentes se retrouvent en effet principalement dans le sens de la pente, au droit des figures morphologiques linéaires, banquettes agricoles et ondulations. Les variations de pente associées à ces figures sont susceptibles d’influencer l’intensité des redistributions de sols par les engins de labour. Le relief est une variable d’état, qui caractérise ici la surface du versant, dont la variabilité temporelle est considérée comme étant à long terme (Probst, 1990). Ainsi, le relief « général » d’un versant parait relativement stable à l’échelle centennale, et ces variations apparaîtraient sensibles à partir de 1000 ans et plus (Campy et Macaire, 2003), dans un contexte similaire au versant étudié. Cependant, les déplacements de matière d’origine agricole ont pu engendrer des modifications mineures du relief (décimétriques à métriques en altitude) à court-terme (décennal à centennal), ayant pu jouer sur les transferts.

Le climat 

Le climat est un « agent double » : il est actif et passif. Il est actif si l’on considère les événements pluvieux, à court-terme. Les précipitations combinées aux caractéristiques d’infiltration des sols (taux et capacité) conditionnent en effet le ruissellement (Horton, R., 1933 ; Hewlett et Hibbert, 1967). Le climat en tant qu’agent actif sera abordé avec le ruissellement dans le paragraphe V.2.2.1. Le climat est également un agent passif dans le sens où ces paramètres moyens varient peu dans le temps. Le climat est globalement stable dans le sud-ouest du Bassin Parisien dans la seconde partie de l’Holocène, c’est-à-dire depuis l’Atlantique (5000-6000 ans cal BP), avec notamment des précipitations un peu plus élevées que pendant la première partie de l’Holocène (Visset et al., 2005). Le climat a agi en ayant « préparé » à long terme le versant et son modelé général. Les températures et les précipitations ont influencé le degré d’altération des roches, et donc l’ameublissement des roches du substrat par le développement des sols (White and Blum, 1995 ; Egli et al., 2003). Sur le versant étudié, le fait que l’on soit en Chapitre V – Processus et quantification des redistributions de sols 204 contexte tempéré océanique (cf. § II.4.) depuis le début de l’Holocène induit que la « craie » sous-jacente a été altérée en « marne » (les horizons C de sol ont d’ailleurs un aspect marneux). Ce matériau est plus argileux, moins cohérent, et donc plus mobile que la craie. Dans des contextes arides ou froids, la craie serait peu altérée, plus solide, et montrerait un comportement différent dans les processus de versant par rapport à la marne issue de son altération en milieu humide, plus sensible à la solifluxion ou à la reptation. Si l’on considère le versant étudié, il ne présente pratiquement aucun dépôt de versant formé en contexte périglaciaire (par exemple, des dépôts de solifluxion, des grèzes ; Bellemlih, 1999). Soit ces dépôts n’ont jamais existé, ce qui paraît peu probable dans cette partie de l’Europe (Macaire, 1981), soit ils ont déjà été fortement décapés par les processus de redistribution sur le longterme. 

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L’exposition du versant 

L’exposition d’un versant correspond à l’orientation de sa pente par rapport au nord géographique. Elle conditionne l’altération des roches du substrat, la désagrégation du sol, et les caractéristiques morphologiques de ce versant, par le biais de l’exposition aux vents dominants, aux pluies « fouettantes », et aux variations thermiques, notamment l’alternance de gel et dégel. L’orientation de la pente par rapport au pendage des couches lithologiques joue aussi un rôle important. Ainsi, dans le Bassin Parisien, les versants exposés au sud ou à l’ouest ont généralement des pentes plus fortes et des couvertures de formations superficielles plus minces que ceux exposés au Nord ou à l’Est, héritage des processus périglaciaires quaternaires (Campy et Macaire, 1989). De même, l’exposition d’un versant au rayonnement solaire influence l’humidité des formations superficielles dont les sols (Reid, 1973 ; Famiglietti et al., 1998 ; Gómez-Plaza et al., 2001), et aura ainsi des conséquences sur leur capacité d’infiltration. La figure V-1 présente l’exposition du site d’étude. On observe une dominance des orientations S et SE. Des changements locaux apparaissent au niveau des banquettes L1, L4, et tout particulièrement L2. L’exposition locale de la pente au niveau des bordures de parcelles associées à L1 et L4 est orientée vers l’est. Au niveau de la banquette L2, des orientations N et NE sont présentes. Cette variabilité locale est attribuée à l’effet plus ou moins marqué de diminution de pente et à l’accumulation de sol associés à chaque banquette Chapitre V – Processus et quantification des redistributions de sols 205 formant localement une contre-pente. La banquette L3 présente une diminution de pente et une accumulation de sol effectives, mais se situe dans une zone de transition convexe entre la crête et une surface aval très pentue (> 10 %) : l’accumulation de matière n’a alors pas eu d’effet dans ce secteur sur l’exposition de la pente. Il est important de noter que le versant exposé N, situé au nord de la crête du versant étudié et donnant sur le village de Cinais, a une couverture de matériaux soliflués épaisse (Bellemlih, 1999). L’exposition des versants a donc induit une variabilité spatiale au niveau régional des modelés des versants et de leur couverture superficielle. Le modèle conceptuel de redistribution de matière qui sera développé dans ce chapitre, ne sera donc peut être applicable qu’aux versants orientés S, SW et SE. Figure V-1. Exposition du site d’étude. L’orientation d’ensemble d’un versant, qui conditionne son exposition globale et ses principales caractéristiques lithologiques, varie avec le relief, et donc à long terme (de l’ordre de 106 ans). Cependant, les expositions locales de détail peuvent varier plus rapidement (102 à 103 ans), notamment sous l’influence de l’agriculture. Chapitre V – Processus et quantification des redistributions de sols 

La lithologie 

La lithologie des roches du substrat (minéralogie, granularité, fissuration, dureté) conditionne leur résistance à la désagrégation mécanique et à la dissolution chimique (Derruau, 1962; Campy et Macaire, 2003). Elle détermine ainsi, en relation avec l’intensité des agents d’altération, la quantité, le type dominant et la mobilité potentielle de matière produite (Einsele, 1992). Les travaux effectués ici concernent un versant développé sur craies et calcaires sableux du Crétacé supérieur (voir Ch. II et IV). Les valeurs concernant les bilans de matières issues de l’altération des roches, matières dissoute et particulaire, ont été évaluées pour l’ensemble du bassin versant du Négron (160 km² ; cf. Ch. II). Ainsi, Oubelkasse (1998) a évalué des taux d’érosion chimique de l’ordre de 34-54 t.km-2 .an -1 (soit 0,34-0,54 t.ha-1 .an -1) pour ce bassin versant à partir de l’étude de la composition chimique des eaux de rivière. Ces taux sont en accord avec ceux évalués dans d’autres bassins carbonatés en zone de climat tempéré tels que le bassin de la Seine, de la Loire ou de la Garonne (Probst et Bazerbachi, 1986 ; Snoussi, 1986 ; Roy, 1996). En ce qui concerne le bilan particulaire, environ 187 t.an-1 de MES transitent par le Négron, la moitié étant stockée dans le Marais de Taligny juste en amont de l’exutoire du bassin du Quincampoix où se trouve le présent secteur d’étude (Bellemlih, 1999). Rapporté à la surface totale du bassin, l’érosion mécanique nette pour le bassin est évaluée à 1,17 t.km-2 .an -1 (soit 1,17.10-2 t.ha-1 .an -1). La production de matière arrivant à la rivière est donc essentiellement dissoute, ce qui semble logique pour un contexte de bassin surtout carbonaté où la dissolution chimique domine. Cependant, les conditions subactuelles (depuis quelques décennies) d’érosion et de stockage des sols sur les versants ne permettent peut être pas à la matière solide d’atteindre la rivière en totalité. La lithologie des roches du substrat apparaît comme un facteur constant dans le temps à long terme, et donc à l’échelle historique. 

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