Situation du travail
Relation client / fournisseur
Dans nos travaux, nous ne considérons que les appels dŠofres conduisant à la conception, fabrication et livraison de systèmes physiques ; en opposition aux services qui sont hors périmètre de nos travaux [Zeithaml+1985]. De manière identique à lŠingénierie système, nous considérons quŠun système correspond à un ensemble de sous-systèmes et de composants en interaction organisés suivant une architecture physique [Haskins+2006]. La complexité des systèmes délivrés par certaines industries, issues par exemple des secteurs de lŠaéronautique et du spatial, des transports, des bâtiments et des travaux publics, font quŠils doivent être décomposés en plusieurs sous-systèmes mis au point séparément [Haskins+2006]. Ces systèmes sont élaborés à partir de technologies variées (mécanique, électrique, électronique et automatique) quŠil faut ensuite intégrer en exploitant des compétences métiers spéciĄques liées aux technologies utilisées [Haskins+2006]. Le développement et la production de ces systèmes sont généralement associés à des risques quŠil sŠagit de maîtriser (dépassement des coûts et des durées de développement et de réalisation) [Petersen+2003 ; Ragatz+2002]. Il est fréquent que les entreprises ne disposent pas en interne de lŠensemble des ressources, des technologies et des compétences nécessaires pour développer et fabriquer les systèmes entièrement [Aguezzoul+2006 ; Browning+2002 ; Cooper2003], ou quŠelles décident, pour des raisons stratégiques (rentabilité économique, métier cible, capacité de production) de ne pas développer et fabriquer certains soussystèmes mais de les sous-traiter ou approvisionner [Aguezzoul+2006]. Dans les travaux scientiĄques comme dans lŠindustrie, cette décision est connue sous le nom de « make or buy » [Meng+2018 ; Walker+1984]. En conséquence, ces entreprises adoptent des stratégies de développement de systèmes basées sur des processus qui leur permettent de sous-traiter ou approvisionner toute ou partie du système à développer [Browning+2002 ; Cooper2003 ; Mammeri2017]. Dans le cadre dŠune relation client / fournisseur (Business-to-Business ou B to B), les entreprises approvisionnant leurs sous-systèmes ou composants sont nommées Client et les entreprises développant et / ou fournissant ces derniers, Fournisseurs [Meng+2018 ; Walker+1984]. Étant donné que les sous-systèmes fournis par les diférents fournisseurs sont intégrés et assemblés avec dŠautres pour former le système complet, le choix de ces fournisseurs revêt une grande importance sur les performances des produits proposés par les entreprises clientes [Aguezzoul+2006]. En conséquence, selon le contexte, les entreprises clientes adoptent diférents modes dŠidentiĄcation de fournisseurs pour choisir ceux les plus à même de leur livrer des sous-systèmes de qualité, dans un délai et avec un coût qui respectent leurs exigences [Aguezzoul+2006 ; Mammeri2017]. Quatre modes dŠidentiĄcation de fournisseurs ont été identiĄés dans les travaux de [Mammeri2017] : 1. Source unique ou acquisition sans concurrence : le client choisit volontairement un fournisseur sur la base de son expertise. Ce mode dŠidentiĄcation est souvent rencontré dans les situations où peu dŠentreprises détiennent lŠexpertise requise. 2. Appel dŠOfres (AO) : le client met en concurrence plusieurs fournisseurs potentiels. Chaque fournisseur potentiel soumet une proposition, composée dŠune ofre technique et dŠune ofre commerciale, chifrée en termes de coût, de délai de livraison et de performances techniques. Le fournisseur soumettant la proposition la plus intéressante est choisi à lŠissue du processus dŠappel dŠofres. 3. Design compétition : le client invite plusieurs fournisseurs potentiels à réaliser la première phase dŠingénierie. Le fournisseur qui présente lŠofre technique la plus intéressante est choisi pour les autres phases de développement. 4. Open book tendering : le client et le fournisseur travaillent ensemble sur les premières phases de développement. Ils évaluent et se mettent dŠaccord sur tous les aspects liés au processus de développement. Ensuite, sur cette base, un contrat est établi entre le client et le fournisseur.
Processus de Réponse à Appels d’Offres
Dans le cadre dŠun appel dŠofres, deux parties sont directement impliquées : dŠune part le client (également appelé le donneur dŠordre ou commanditaire) et,dŠautre part, les entreprises soumissionnaires (également appelés fournisseurs potentiels). Le client, grâce à un processus dŠappel dŠofres, publie un Appel dŠOfres (AO) ou envoie des Invitations à Soumettre (IS) à des entreprises soumissionnaires pré-sélectionnées. Une entreprise soumissionnaire, de son côté, après la détection dŠun AO (ou la réception dŠune IS), transmet (ou non) une proposition au client en mettant en œuvre un Processus de Réponse à Appels dŠOfres (PRAO). Deux types dŠappels dŠofres peuvent être distingués suivant que le donneur dŠordre est une entreprise privée (AO pour les marchés privés) ou une organisation publique (AO pour les marchés publics). Alors que les AO pour les marchés privés ont pour but principal la satisfaction des intérêts de lŠentreprise cliente, les AO pour les marchés publics ont pour objectifs, en plus de trouver de meilleures afaires, dŠassurer la transparence dans les processus dŠachats des organisations publiques, mais aussi, de garantir une certaine équité pour tous les fournisseurs potentiels [Botero Lopez2014]. Suivant le type dŠappel dŠofres (marchés privés ou publics), des normes et des règles spéciĄques peuvent sŠappliquer. Ces normes varient selon les pays et, parfois, selon le type dŠindustries. Nos travaux portant sur le PRAO et, plus précisément, sur lŠélaboration des ofres techniques, nos contributions restent génériques et peuvent être utilisées indépendamment du type dŠappel dŠofres (public ou privé) et des normes et règles appliquées. Le PRAO est constitué dŠun ensemble dŠactivités à réaliser et dŠun ensemble de décisions à prendre de la part dŠune entreprise soumissionnaire en vue de répondre à une sollicitation dŠun client. Dans [Chalal+2008], les auteurs ont proposé un PRAO constitué de quatre activités : (A1) lŠanalyse de lŠopportunité (ou de lŠappel dŠofres), (A2) lŠélaboration de lŠofre technique, (A3) le calcul du prix de lŠofre, et (A4) la transmission de la proposition (ofre technique et ofre commerciale) au client. Les auteurs considèrent aussi un problème de décision dans le PRAO (D1) : il sŠagit de la décision ń soumettre ou de ne pas soumettre de proposition ż ou Bid/No bid en réponse à une sollicitation [Chalal+2008 ; Leśniak2016 ; ShokriGhasabeh+2016]. Sur la base des travaux de [Chalal+2008], nous considérons le PRAO comme un processus composé de cinq activités (A1, A2.1, A2.2, A3 et A4) et de trois problèmes de décision (D1, D2 et D3), tel que présenté en Ągure 1.1. Dans nos travaux, nous ainons donc lŠactivité A2 de [Chalal+2008] en une activité A2.1 de Conception et évaluation des offres techniques et en une activité A2.2 de Sélection de l’offre technique la plus intéressante.
Élaboration de l’offre technique Dans nos travaux, nous considérons quŠune ofre technique est constituée dŠun système technique et de son processus de réalisation. Le système technique est la solution technique répondant aux besoins techniques et fonctionnels du client. Il est constitué de sous-systèmes et de composants qui sont intégrés suivant lŠarchitecture physique du système. Le processus de réalisation représente les activités clés et les ressources nécessaires à la conception et à la réalisation de ce système technique [Kromker1998 ; Sylla+2017a]. Pour élaborer sa proposition, lŠentreprise soumissionnaire doit concevoir et évaluer en termes de coût, de performances techniques et de durée dŠobtention, une ou plusieurs ofres techniques sur la base des besoins exprimés par le client et de ses connaissances (A2.1) [Kromker1998 ; Sylla+2017a]. Ensuite, sur la base de critères de décision pertinents, lŠofre technique la plus intéressante doit être identiĄée (A2.2) aĄn dŠélaborer lŠofre commerciale et transmettre cette proposition au client. La Ągure 1.3 détaille les deux activités A2.1 et A2.2. La notion de connaissance mentionnée ici est très importante dans les activités de conception en général, et dans lŠélaboration dŠune ofre technique en particulier [AFNOR1988 ; Djefel2010]. Selon Chandrasekaran [Chandrasekaran1986], trois types de connaissances peuvent être distinguées lors dŠune activité de conception : (i) les connaissances sur le domaine du système ou du processus à concevoir, (ii) les connaissances sur la démarche ou la manière de les concevoir et (iii) les connaissances sur les besoins à lŠorigine du problème de conception. En efet, pour concevoir une ofre technique, une entreprise soumissionnaire se base sur les besoins exprimés par le client et utilise les connaissances disponibles sur les ofres techniques (systèmes techniques et processus de réalisation) qui ont déjà été conçues et développées au sein de lŠentreprise. Ces connaissances portent sur les éléments qui constituent les systèmes techniques (les connaissances sur les sous-systèmes, les composants et les technologies) et sur les éléments qui constituent le processus de réalisation (les connaissances sur les activités et les ressources). Selon les connaissances disponibles et par rapport aux besoins exprimés par le client, la conception et lŠévaluation des ofres techniques satisfaisant ces besoins, peuvent nécessiter une activité dŠingénierie plus ou moins conséquente [Chandrasekaran1986]. En dŠautres termes, plus lŠentreprise soumissionnaire possède de connaissances relatives à la conception et à lŠévaluation dŠofres techniques satisfaisant les besoins du client, moins lŠactivité dŠingénierie sera conséquente lors de lŠélaboration de lŠofre technique. En conséquence, les situations varient suivant la quantité de connaissances disponibles entre deux situations extrêmes. Pour la première, toutes les connaissances nécessaires à la conception et à lŠévaluation des ofres techniques sont disponibles. Cette situation sŠapparente à (i) une conception routinière telle que déĄnie dans [Chandrasekaran1986] et (ii) à une situation industrielle de type « Assemble/MakeTo-Order (AMTO) » [Siddique+2006]. Ces connaissances sont, dans certains cas, formalisées et implémentées dans des outils informatiques qui permettent de concevoir une ou plusieurs ofres techniques (systèmes techniques et processus de réalisation) correspondant aux besoins exprimés par le client. Cela signiĄe que lŠensemble des besoins clients a été pré-étudié et que des ofres techniques qui correspondent à ces besoins ont dŠores-et-déjà été conçues et évaluées [Sylla+2017c]. Ainsi, dans lŠélaboration de lŠofre technique, lŠétape dŠévaluation des ofres est plus précise et plus certaine. CŠest-à-dire que les valeurs des caractéristiques de lŠofre technique (coût, performances techniques et durée dŠobtention) sont plus précises et plus conformes à la réalité [Sylla+2017b]. Il y a peu de risques quant à la bonne réalisation des systèmes techniques [Sylla+2017b] et lŠentreprise soumissionnaire a une conĄance très grande dans les ofres techniques proposées aux clients. En outre, dans cette situation, étant donné que des ofres existent, lŠélaboration de lŠofre se réduit, très souvent, à la sélection de lŠofre technique la plus intéressante au regard de critères pertinents (coût, performances techniques et durée dŠobtention). LŠentreprise soumissionnaire, parfois aidée par des outils dŠaide à la décision multicritère, sélectionne lŠofre technique à intégrer à la proposition à transmettre au client. Une fois lŠofre acceptée, le système technique associé à la proposition est assemblé / fabriqué et livré au client.