Processus de développement dé produit, territoires et organisation des moyens pour la durabilité

Processus de développement dé produit, territoires
et organisation des moyens pour la durabilité

Durabilité, ressources et processus de développement de produit

 L’objectif de cette revue n’est pas de réaliser un inventaire exhaustif des outils et méthodes d’EC. Ce travail a été réalisé dans le cadre de la thèse de Feng Zhang (cf. « Analysis and Guideline for using the existing Environmental methods and tool » (Zhang, 2013)). Le but de cette revue est de mettre en avant l’importance de la ressource passive en conception. Nous ferons tout d’abord un rappel des concepts liés à l’écoconception de produit et nous nous positionnerons dans ce champ scientifique. Puis nous passerons en revue trois stratégies d’intégration de l’environnement dans la conception de produit que nous illustrerons par des outils. Ces stratégies et outils seront modélisés selon notre modèle de représentation (cf. Mode de représentation). Nous présenterons ensuite le projet ANR Convergence auquel ces travaux ont contribué et présenterons le cas d’étude Ecocircle réalisé chez notre partenaire Quiksilver. Nous verrons émerger ainsi les besoins spécifique auxquels ce projet a tenté de répondre. Positionnement Nous inscrivons nos travaux dans un environnement d’ingénierie concourante (IC) qui est une méthode de conception à laquelle sont associés des processus de management visant à la fois la réduction du temps de mise sur le marché, l’amélioration de la qualité et la diminution des « coûts de regrets » (modifications tardives de la conception) (Tomiyama, 2009). Dans ce contexte, le concepteur est intégré dans une équipe de conception composée des parties concernées lors de chaque étape du cycle de vie du produit. Ainsi, nous pouvons retrouver différentes expertises (calcul, simulation, méthodes, recycleurs, etc.). Chaque acteur doit ainsi partager ses contraintes propres le plus tôt possible dans le processus de conception pour co-construire le problème et les solutions (Brissaud, Tichkiewitch, 2000). En effet, plus l’intégration est réalisée tôt dans le processus de conception, plus elle est efficace : les leviers d’actions sont les plus nombreux et les changements s’opèrent à moindre coût. L’intégration des contraintes propres à chaque métier en amont dans le processus de conception a permis l’émergence de différentes disciplines ayant des objectifs divers : design for manufacturing, disassembly, recyclability… environnement. Un frein important à la mise en œuvre de l’ingénierie concourante est la collaboration entre les acteurs. Nous nous intéressons ici à la l’écoconception de produit (EC) qui est l’intégration des aspects environnementaux dans la conception et le développement de produit. Elle a pour objectif la réduction des impacts environnementaux négatifs des produits tout au long de leur cycle de vie (ISO 14062, 2002). Nous retrouvons ici les notions de l’ingénierie concourante : l’intégration d’une expertise dans un processus de conception et l’approche cycle de vie. Beaucoup de termes cohabitent pour designer l’écoconception et ses variantes : écoconception partielle, classique, innovante, éco innovation, design for sustainability… Un bref rappel des concepts est nécessaire. Tout d’abord, la qualité environnementale a été améliorée localement dans ce que (Millet, 2003) qualifie d’écoconception partielle. La démarche s’est ensuite systématisée à l’ensemble des phases du cycle de vie du produit dans l’écoconception classique. Finalement, la discipline s’est étendue à son écosystème industriel avec la conception innovante qui s’intéresse à des systèmes dépassant le produit, dans une approche multi-métier.  La performance est multicritère et s’est également étendue à d’autres sphères du développement durable. Eco innovation et écoconception innovante peuvent être considérées comme synonymes (Tyl, 2011). De son côté, (Clark, 2009) présente le design for sustainability (D4S) comme un concept d’écoconception qui a évolué pour y intégrer à la fois les éléments sociaux et économiques de la production et les besoins des consommateurs. Ce concept vise à diminuer les impacts négatifs tout au long de la chaîne d’approvisionnement et sur le cycle de vie par l’amélioration de l’efficacité et de la qualité sociale des produits, services et systèmes. Il est basé sur l’innovation comme levier pour l’avantage compétitif et la durabilité. (Spagenberg, 2010) différencie le Design for Sustainability (DfS) de l’EC ainsi : le DfS s’occupe de toutes les dimensions de la durabilité (économique, écologique, sociale et institutionnelle) et s’intéresse à des systèmes « plus larges », incluant un plus grand nombre de parties prenantes, et questionne en profondeur la production et la consommation. Ces distinctions ont une raison ‘historique’ mais nous utiliserons écoconception comme terme générique pour définir une conception qui intègre des intérêts dépassants les intérêts « traditionnels » de l’entreprise (coûts, qualité, délais). L’écoconception adopte une approche systémique et globale à la fois par l’intégration des acteurs du cycle de vie du produit-service et des dimensions managériales et stratégiques. Ces innovations au niveau du produit ont pu être accompagnées d’innovations organisationnelles qui ont permis l’émergence de nouveaux modèles d’affaire plus durables. La littérature nous fournit un large panel de stratégies d’intégration des valeurs durables dans la conception ou l’entreprise. Nous nous intéressons à la ressource passive, sa place et son influence dans le processus de développement de produit.

 Les ressources passives dans le processus de conception 

Comme nous l’avons présenté plus haut, la ressource passive est la ressource transformée par le processus de conception. Elle peut aussi bien être matérielle (ex. ressource naturelle) qu’immatérielle (ex. connaissance). Il existe de nombreux travaux sur la gestion de la connaissance en conception de produit mais peu concernent son influence sur le PDP en tant que ressource passive. D’une manière générale, (Boyle et Al., 2009) constatent que peu de travaux de recherche en conception s’intéressent à la ressource dans le PDP. Les travaux dans ce domaine se limitant à l’ordonnancement des tâches et activités compte tenu de la disponibilité de la ressource (ibidem). Toutefois, leurs travaux mettent en avant par expérimentation que les ressources passives immatérielles (information technique) ont la capacité d’influencer la structure du processus de conception. Ils font le même constat pour les ressources actives (niveau d’expertise des concepteurs) (Boyle et Al., 2009). Nos observations dans les cas Lafarge et Laguiole semblent également aller dans ce sens. De plus, (Vallet et Al., 2014) mettent en avant les bénéfices de l’utilisation des outils d’écoconception (ressources passives immatérielles) sur le processus d’écoconception (définition des objectifs, recherche de solutions et évaluation finale). Ils n’ont toutefois pas observé de modifications dans la structure du processus d’EC par rapport au processus traditionnel de conception. La recherche sur les ressources passives matérielles serait plutôt l’apanage des chimistes, plasturgistes, agro-industries… qui travaillent sur la formulation de matériaux alternatifs (par exemple, le projet FINATHER sur l’élaboration de composites thermodurs à fibres biosourcées…). Bien entendu, les caractéristiques intrinsèques de ces nouveaux « éco » matériaux http://creidd.utt.fr/fr/projets/finather.html imposent des modifications dans la conception des produits (forme, structure, procédés…) mais n’impactent pas non plus le processus de conception en tant que tel. Nous allons voir que les pratiques de DfX s’intéressent directement à la ressource passive. Nous pouvons citer par exemple le design for sustainable behavior ou design for behaviour change qui vise à modifier les comportements des utilisateurs du produit service par différents mécanismes (contrainte, feedback…) (Lockton, 2010). Ces mécanismes, mis en œuvre par les concepteurs, doivent s’adapter aux contextes et aux utilisateurs. Ainsi, (Domingo, 2013) propose une méthode d’écoconception centrée sur l’utilisateur prenant en compte les comportements et les contextes d’utilisation (lieu d’utilisation, culture…). Ces recherches visent à réduire la distance entre les solutions proposées par les concepteurs et les usages réels des utilisateurs. Il est à noter que la qualification des utilisateurs dans (Domingo, 2013) est en partie liée au lieu d’utilisation et à la culture des individus (leur territoire). Nous retrouvons partiellement dans cette méthode la notion de territoire comme élément discriminant pour définir des typologies d’usagers. Le territoire est défini comme un espace géographique où les infrastructures (eau, électricité, routes…) et les normes/pratiques culturelles peuvent être considérées comme stable. Ce qui correspond à des éléments de l’écosystème anthropisé et l’espace social de notre modèle du territoire. De plus, la définition de ces territoires dépendra de la taille du marché considéré (monde, région…). Les informations issues des utilisateurs du produit sont des ressources passives utilisées par les concepteurs pour adapter leur solution aux usages réels (Fig.27). Nous pouvons considérer que cette méthode suit le principe de proximité car elle diminue la distance entre concepteurs et utilisateurs. Toutefois, ces méthodes peuvent entrer en conflit avec le principe de capabilité si le mécanisme de contrainte pour la modification du comportement est mis en œuvre. L’utilisation du mécanisme de feed back, quant à lui, répondrait au principe de capabilité en donnant à l’utilisateur la possibilité d’adapter lui-même son comportement selon l’information qu’il reçoit. D’une manière générale, peu de recherche en conception s’intéresse explicitement à la ressource passive matérielle ou immatérielle malgré son influence avérée sur le PDP. Les efforts se concentrent sur le processus de conception en tant que tel et la collaboration entre les différents Solution répondant aux différents usages ou modifiant les usages Informations usages et contextes PDP Réservoir interne Concepteurs Diminuer les impacts en phase d’usage Utilisateurs 58 acteurs du réseau de valeur. Les parties prenantes sont tour à tour des ressources actives ou passives du PDP et contribuent ainsi à la production de valeur dans une logique de réseau. L’intégration des parties prenantes comme ressources actives et/ou passives du processus de conception permet le passage d’une logique de chaîne de valeur (modèle de Porter) à une logique en réseau de valeur (value constellation de Normann) et élargit l’espace des innovations (McAloone et Al., 2010). 

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Stratégies d’intégration

 La structure de cet état de l’art est basée sur les trois vecteurs d’intégration proposés dans (Millet, 2003) : création d’une nouvelle métrique environnementale, création de nouvelles pratiques d’écoconception et création de nouvelles valeurs environnementales partagées dans l’organisation (Fig.28). Figure 28 – Les trois vecteurs d’intégration de l’environnement d’après (Millet, 2003) Nous constatons avec (Millet, 2003) que plus le niveau systémique envisagé est élevé (composant, produit, entreprise, écosystème industriel) plus les bénéfices environnementaux envisageables sont importants. Nous envisageons d’ouvrir cette réflexion à un niveau systémique supérieur : le territoire.

Information environnementale et collaboration 

Les externalités peuvent être mesurées par une très large variété d’outils. Les externalités positives peuvent être mesurées par des outils financiers classiques pour les flux monétaires ou par des indicateurs alternatifs mesurant les activités non marchandes (ex. éducation des enfants…) comme ceux inventoriés dans (Stiglitz et Al., 2008). Ces indicateurs macro ou micro-économiques peuvent permettre d’évaluer les impacts d’une entreprise sur son lieu d’implantation.  Il existe également de nombreux outils d’audit et de labellisation en développement durable qui évaluent les activités de  l’entreprise et non pas ses impacts (ex. GPS du CJD30, AFAQ26000 de l’AFNOR, outil flash évaluation du label Lucie31 …) et qui sont destinés aux décideurs (niveau stratégique) afin d’orienter les politiques et stratégies d’entreprise. Il existe une multitude d’outils en environnement dédiés au management ou aux opérations (PRC13.1 – EcoSD, 2014). Tous ces outils proposent une évaluation à posteriori des activités de l’entreprise et ce sont des outils dédiés aux différents niveaux et donc sans vue systémique dans l’évaluation. Il est difficile de mettre en vis-à-vis décisions et impacts (Kozemjakin, 2013), les externalités négatives du produit (impacts socio-environnementaux) peuvent être évaluées grâce aux outils d’analyse environnementale ou socio-environnementale (ACV ou ACV sociale). Notons que les externalités positives sur un territoire ne sont pas prises en compte dans ces outils. Ces outils sont limités dans leur représentation des impacts potentiels du produit lors de son cycle de vie. En effet, les outils actuels sont construits à partir de données génériques (données d’inventaire…) et ne permettent pas de connaître avec finesse les impacts environnementaux sur un espace donné ni les aspects sociaux entourant la production. De plus, les effets des substances sont calculés de manière statique alors qu’ils sont en réalité cumulatifs et dynamiques dans le temps (Laratte, 2014). Malgré ces limites, les résultats sont exploitables dans le PDP pour orienter la décision. Le manque de résolution à la fois temporelle et géographique est toutefois une limite importante. Tous ces outils sont utiles pour orienter les choix et permettent des améliorations significatives dans les activités d’une entreprise. Toutefois, les solutions restent locales (stratégie DD, management environnemental, écoconception, production propre…). Le premier vecteur est l’ajout d’un outil expert d’analyse environnementale (outil ACV) qui permet d’internaliser les connaissances environnementales et de comprendre quelles sont les sources majeures d’impacts sur le produit (le quoi) (Fig.28 – repère 1). 

Méthode d’écoconception et management environnemental 

Le second vecteur est l’ajout d’une méthode d’écoconception au processus de conception classique (Fig.28 – repère 2). Ceci permet l’émergence d’une pratique d’écoconception partagée dans l’équipe de conception. Cette approche donne les moyens d’intégrer la dimension environnementale (le comment) quand la première approche met uniquement en lumière les impacts (le quoi). Cette deuxième approche est basée sur un système « cohérent et varié » d’outils. Le processus de conception est ainsi modifié et les acteurs du PDP ont localement de nouveaux objectifs, tâches et informations à traiter (Millet, 2003). Ce second vecteur intervient à la fois sur les pratiques locales des différents métiers et sur le système de management et le réseau de valeurs. Nous pouvons l’illustrer par les disciplines du design for recoverability qui regroupe le design for reuse, for upgradability, for remanufacturing, for disassembly ou for material recycling (voir les travaux de (Mathieux et Al., 2006), (Amaya et Al., 2010), (Pialot, Millet, 2014)). Ces disciplines visent à diminuer l’utilisation de matières premières brutes par la réutilisation d’ensembles, pièces ou matériau en augmentant ainsi leurs taux d’utilisation avant fin de vie (Fig.30). En cela, ces disciplines peuvent répondre au principe de durabilité de l’écosphère : (1) concentrations de substances extraites de la croûte de la Terre et (2) concentrations de substances produites par la société. 

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