Procédés d’extraction des huiles essentielles

Le contenExpression à froid

L’expression à froid est un procédé mécanique sans aucune hydrolyse. C’est le moyen le plus simple mais aussi le plus limité puisqu’il n’est valable que pour extraire l’essence contenue dans les zestes frais d’Agrumes du genre Citrus. Le produit obtenu se nomme « essence » (uniquement dans ce cas) et non « HE » car il n’y a pas eu de distillation à la vapeur d’eau et donc pas de modification du produit végétal de départ. Le principe consiste à rompre les poches à essence contenues dans le péricarpe des agrumes, soit dans une presse, soit manuellement en grattant le péricarpe avec une cuillère (cette dernière technique permet d’obtenir un produit de grande qualité) (26).

Distillation sèche

La Pharmacopée européenne impose dans la distillation sèche que l’HE soit « obtenue par chauffage à température élevée de tige ou d’écorce, sans addition d’eau ou vapeur d’eau, dans un appareil approprié ».

Autres procédés

Les autres procédés permettent une extraction avec des solvants lipophiles volatils (éther, benzène, hexane) ou par une méthode moderne mais plus couteuse qui est l’extraction au CO2 supercritique. Ces procédés d’extraction aboutissent à des produits non destinés à l’usage médical. En effet, il ne s’agit plus d’HE car ces produits peuvent contenir des résidus de solvants et des pesticides ainsi que des produits non volatils et nécessitent des étapes supplémentaires qui entraînent des changements significatifs de la composition de l’HE. On utilisera alors les qualificatifs concrètes, absolues, résinoïdes, oléorésines, etc. pour les extraits végétaux obtenus par ces types de procédés (26).

CRITÈRES DE QUALITÉ D’UNE HUILE ESSENTIELLE

Rappelons qu’utiliser une HE pour un usage médical revient à manipuler des concentrés de principes actifs. Il est donc important de s’informer de la qualité du produit manipulé avant de se l’appliquer sur la peau ou encore de l’ingérer. Pour garantir la qualité d’une HE employée en thérapeutique, il faut respecter plusieurs critères relatifs à la matière végétale utilisée (espèce botanique, conditions de culture, …) et à l’HE extraite (procédé d’extraction, conditions de conservation, etc…).

Critères de qualité relatifs à la matière première végétale

Connaître l’identité de la plante utilisée est nécessaire et obligatoire (28).
La nomenclature binomiale de la plante genre + espèce en latin, doit être précisée sur le conditionnement proposé à la vente selon la Norme AFNOR T 75-004 de 1976 (équivalent ISO 3218).
Une HE de plante porte toujours une double dénomination en français et en latin. Le nom latin est utilisé pour définir la famille botanique, son genre et son espèce exacte. L’usage de la dénomination exacte en latin permet d’éviter les confusions entre plusieurs espèces appartenant au même genre. Par exemple, les HE d’Eucalyptus citronné (Eucalyptus citriodora) et d’Eucalyptus globuleux (E. globulus) n’ont pas les mêmes compositions chimiques ce qui leur confère des indications et des toxicités différentes. Il est donc important de pouvoir différencier les diverses espèces végétales composant les HE pour en assurer leur bonne utilisation.
Pour certaines plantes, le chémotype doit également être indiqué. Enfin, il est important de mentionner la partie de la plante utilisée pour réaliser l’HE car rappelons-le, la composition chimique varie selon l’organe végétal considéré. Ainsi, la composition chimique et les propriétés thérapeutiques des HE obtenues à partir de l’écorce, des feuilles ou encore des fleurs du bigaradier (Citrus aurantium) sont différentes.
La culture et la récolte de la plante sont également des critères qui déterminent la qualité de l’HE :
Les plantes utilisées pour la fabrication des HE peuvent provenir de trois types de production :
– la culture conventionnelle qui utilise des engrais et des pesticides ;
– la culture biologique indiquée sur le flacon par le label « AB » garantissant une culture dépourvue de produits phytosanitaires ;
– la récolte de plantes sauvages.
Pour garantir une qualité optimale de l’HE, les plantes sauvages ou celles provenant de cultures biologiques doivent être privilégiées.
La récolte de la plante doit être faite au moment où les principes actifs les plus intéressants sont à leur concentration maximale ou à l’inverse, lorsque les composés toxiques y sont les moins concentrés. Cela varie d’une plante à l’autre : la menthe poivrée (Mentha × piperita) et la sarriette (Satureja montana) par exemple, sont récoltées juste avant la floraison pour limiter la teneur en cétones neurotoxiques pour la première et optimiser la teneur en carvacrol aux propriétés antibiotiques pour la seconde. Les lavandes (Lavandula sp.) quant à elles seront récoltées plutôt en fin de floraison et la sauge sclarée (Salvia sclarea) au stade de graine (29).

Relatifs à l’huile essentielle

Le procédé d’extraction utilisé pour extraire l’HE a un impact sur la qualité de cette dernière.
En effet, différents paramètres influent sur la composition de l’HE obtenue au cours de l’extraction. Comme vu dans le chapitre précédent les deux méthodes les plus largement utilisées sont l’hydrodistillation et l’entraînement à la vapeur d’eau. Il sera donc important de contrôler la température de chauffe ainsi que la pression afin de préserver les composés aromatiques fragiles. Le matériel utilisé doit lui aussi être vérifié. Les cuves de distillation doivent être en matériau inoxydable et le temps de distillation est un critère déterminant.
Une fois l’HE obtenue, de nombreux contrôles physiques et chimiques sont effectués (30). Il s’agit des contrôles organoleptiques (couleur et odeur), de l’évaluation des constantes physiques (liquides et volatiles à température ambiante, point de fusion, volatilité, solubilité, densité, pouvoir rotatoire, etc…) ainsi que des contrôles chromatographiques (chromatographie en phase gazeuse (CPG), couplée ou non à la spectrométrie de masse (MS)). Ces contrôles permettent de définir les profils chimiques et garantissent l’authenticité d’une HE. Les méthodes d’analyse sont normalisées et font l’objet d’une monographie dans la Pharmacopée européenne 10e édition, ainsi que dans les normes AFNOR NF T 75-400 et 401 (équivalent ISO 7359 et 7609).
Une fois les contrôles effectués, il faut conditionner l’HE dans son flacon et y apposer l’étiquette. Le conditionnement et l’étiquetage sont des éléments capitaux pour renseigner l’utilisateur sur son achat. Les HE doivent être conservées dans des flacons en verre opaque brun ou bleu, de préférence sans plastique ni caoutchouc car facilement dégradés par l’HE, afin de les protéger des rayons ultra-violets.
La norme AFNOR NF T 75-002 codifie les règles d’étiquetage comme suit : l’étiquetage doit comporter la désignation commerciale de l’HE, le nom latin de la plante et la partie de la plante dont elle est extraite, la technique de production et éventuellement le traitement qu’elle a subi(31). On ajoutera à ces informations le numéro de lot de l’HE afin d’en assurer sa traçabilité.

Normes et labels de qualité

Le consommateur d’HE doit garder à l’esprit que l’utilisation des HE à des fins de santé et de bien-être relève de l’exactitude et non de l’approximatif. Il existe une multitude d’espèces, de variétés et de spécificités biochimiques qui nécessitent d’être correctement définies avant de se retrouver entre les mains du consommateur.
Les labels sont souvent un gage de qualité et de pureté il est donc important de savoir les reconnaître pour pouvoir bénéficier d’une HE de qualité et respectueuse de sa santé.
– Labels d’agriculture biologique AB ou Eurofeuille.
Le label AB ou agriculture biologique est un label français de qualité créé en 1985. Il est la propriété exclusive du ministère de l’agriculture. Son apposition sur l’étiquetage doit respecter un cahier des charges stricte garantissant la présence d’ingrédients issus de l’agriculture biologique à 95% minimum, l’absence d’OGM et l’interdiction totale de pesticides et d’engrais chimiques de synthèse. Plusieurs organismes agréés d’état sont habilités à délivrer la certification AB, dont Ecocert (32).
Le label AB est apposé uniquement sur les produits de type alimentaire. Ainsi, il ne devrait concerner que les HE utilisées comme compléments alimentaires, c’est-à-dire celles pouvant être ingérées. Cette assurance de qualité est à privilégier pour les essences d’Agrumes, et cela quel que soit leur destination.
 Les essences de Citrus sont les plus exposées aux pesticides. Les pesticides sont des molécules chimiques liposolubles pouvant être retrouvés dans les HE. L’obtention des essences de Citrus par simple expression à froid à partir des péricardes des fruits ne permet pas l’élimination de tels composés chimiques (33).
À l’échelle européenne, le « label agriculture biologique européen » et son logo « Eurofeuille » sont entrés en vigueur en 2009. Ils respectent les mêmes conditions d’utilisation que le label agriculture biologique français ou AB. Les deux logos peuvent ainsi apparaître sur les produits destinés à un usage alimentaire. Cependant, le label français du bio devrait à terme être totalement remplacé par son homologue européen (34).
Nous parlerons plutôt de mentions ou de marques commerciales. Les marques HEBBD (pour Huile Essentielle Botaniquement et Biochimiquement Définie) et HECT (pour Huiles Essentielles Chémotypées) ont été créées par des organismes indépendants non certifiés.
Ces labels sont l’assurance d’une HE :
– 100% NATURELLE, non dénaturée par des composants synthétiques, par des huiles ou par des essences minérales ;
– 100% PURE, non coupée avec d’autres HE, huiles grasses ou alcools ;
– 100% TOTALE, non décolorée, non peroxydée, non déterpénée et non rectifiée.
Ces caractéristiques sont retrouvées chez toutes les marques d’HE commercialisées en pharmacie (35).
Toutefois, il manque aujourd’hui aux labels HEBBD et HECT certaines précisions, notamment sur les spécificités biochimiques ainsi que sur l’absence de pesticides. De plus, l’absence d’un contrôle externe pour être certifiés incitent certaines compagnies commerciales à apposer la mention HEBBD sans préciser les spécificités auxquelles ces abréviations se réfèrent. Il faut donc être vigilants et bien analyser l’étiquette apposée sur l’HE.
C’est pourquoi en 2000, P. MAILHEBIAU, aromatologue et spécialiste des HE a fait évoluer la référence HEBBD en la dotant de nouvelles exigences et en la nommant désormais E.O.B.B.D. « Essential Oils Botanically and Biochemically Defined ». Cette nouvelle appellation possède la certification ISO 9002. Ainsi, la garantie EOBBD Quality-Assurance est la plus pointue du marché, assurant la traçabilité, la nature et la composition des HE (34). La figure 27 représente le logo EOBBD déposé internationalement :
En résumé : Pour dispenser une HE de qualité, il faut s’assurer de disposer des informations concernant la nomenclature binomiale de la plante, le chémotype ou les composants majoritaires de l’HE, la technique d’extraction effectuée, la partie de plante sélectionnée ainsi que le lieu et le type de culture utilisé. L’HE doit être issue de plantes sauvages de préférence et/ou être certifiée AB ou Eurofeuille dans le cas des compléments alimentaires pour être garantie sans pesticides et issus de l’agriculture biologique. Une qualité maximale est garantie avec l’achat d’HE en pharmacie puisque toutes les marques qui y sont commercialisées respectent en plus, les recommandations des mentions HEBBD et HECT.

RÈGLEMENTATION SUR LES HUILES ESSENTIELLES

Contexte règlementaire

La DGCCRF (Direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes) a publiée en 2018 un résumé sous forme de fiches pratiques de la règlementation applicable aux HE. Il est indiqué que les HE ne doivent pas être présentées sans fonction déterminée (36). L’HE proposée à la vente doit permettre à elle seule d’informer le consommateur sur le mode et les précautions d’emploi dont elle relève (37). C’est donc la destination (cosmétique, alimentaire, etc.) ou le type d’utilisation qui en sera faite qui déterminent la règlementation applicable aux HE (12). Les HE bien qu’issues de substances naturelles ne sont pas pour autant sans risque pour la santé. Certaines HE, considérées comme dangereuses ont été classées sous le monopôle pharmaceutique et ce, quel que soit leur statut de commercialisation. Ces HE sont listées dans le décret n°2007-1198 du code de la santé publique (38). Il s’agit des HE de :
– Grande absinthe (Artemisia absinthium L.)
– Petite absinthe (Artemisia pontica L.)
– Armoise commune (Artemisia vulgaris L.) ;
– Armoise blanche (Artemisia herba alba Asso) ;
– Armoise arborescente (Artemisia arborescens L.) ;
– Thuya du Canada ou Cèdre blanc (Thuya occidentalis L.)
– Cèdre de Corée (Thuya Koraenensis Nakai L.), dits “cèdre feuille”
– Sassafras (Sassafras albidumL.)
– Sabine (Juniperus sabina L.)
– Hysope (Hyssopus officinalis L.)
– Sauge officinale (Salvia officinalis L.)
– Tanaisie (Tanacetum vulgare L.)
– Thuya (Thuya plicata L.)
– Rue (Ruta graveolens L.)
– Chénopode vermifuge (Chenopodium ambrosioides, Chenopodium anthelminticum L.)
– Moutarde jonciforme (Brassica juncea L.) (39)
Ces HE ne peuvent donc être vendues qu’en pharmacie, ce qui est un gage de sécurité pour le consommateur. Une réglementation de 1959 toujours en vigueur a également restreint l’accès à l’anéthol ainsi qu’aux HE d’Absinthe et produits assimilés, d’Hysope, d’Anis, de Badiane et de Fenouil n’autorisant leur vente qu’en pharmacie (40). Certaines HE font partie des substances vénéneuses et nécessitent une prescription médicale pour pouvoir être délivrées en pharmacie (41). Il s’agit des HE inscrites sur la liste I et II des substances vénéneuses (12): Liste I
– HE de Genévrier de Phénicie ou rouge (Juniperus phoenicea)
– HE de Rue (Ruta graveolens L.)
– HE de Sabine (Juniperus sabina L.)
Liste II
– HE de Chénopode
– HE de Moutarde (isothiocyanate d’allyle)
La DGCCRF précise qu’une HE peut être commercialisée seule ou incorporée dans un produit fini et sous une multitude de statut différents : médicament, additif alimentaire, complément alimentaire, produits cosmétique, biocide, etc. C’est le choix du statut de commercialisation de l’HE qui conditionne le circuit de distribution.
Dans le cadre de notre sujet, nous ne parlerons que de la règlementation concernant les HE vendues en vente libre en tant que produit fini (HE vendue seule et non diluée). C’est le type d’HE que l’on trouve facilement au sein de différents points de vente que sont les pharmacies, les grandes surfaces, les magasins spécialisés et internet. Le consommateur va avoir tendance à les utiliser en tant que produit cosmétique, produit alimentaire ou comme agent biocide au sein d’une préparation « maison ».
Ainsi, un des nombreux usages des HE en vente libre est leur utilisation en tant qu’ingrédients « à mélanger soi-même » pour la préparation de produits cosmétiques « maison ». Cette utilisation n’est pas couverte par la règlementation cosmétique, il convient donc d’être particulièrement prudent vis-à-vis des risques d’allergies, de photosensibilisation et de dermocausticité liés à l’usage de certaines HE et de se renseigner sur ces risques avant achats. Un autre usage est leur utilisation en alimentation en tant qu’arôme ou en tant que complément alimentaire. En effet, beaucoup d’HE peuvent être utilisées en cuisine. D’une façon générale, toutes les sources végétales susceptibles d’être utilisées pour la fabrication d’HE à des fins d’aromatisation ont été évaluées par le Conseil de l’Europe, et sont recensées dans le livre bleu qui décrit les conditions d’utilisation se rapportant à chaque plante productrice d’HE. Les HE provenant de ces plantes peuvent donc être utilisées dans l’alimentation, à condition que leur dose d’emploi (soit 2 % au maximum) soit compatible avec une utilisation en tant qu’arômes ou aromatisants.
Pour ce qui est de leur usage en tant que complément alimentaire, la règlementation a introduit une obligation de déclaration auprès de la DGCCRF (42) et les allégations de santé présentent sur leur l’emballage sont également soumises à une autorisation préalable. Ainsi, toute allégation laissant penser qu’une HE en vente libre pourrait prévenir ou traiter une pathologie est interdite puisqu’il ne s’agit pas là d’un médicament au sens du Code de la santé publique. On notera toutefois, sans développer d’avantage, que certaines HE entrent dans la composition de médicaments.
Comme nous l’avons vu précédemment, seules les HE de qualité alimentaire peuvent porter le logo national AB ou le logo européen Eurofeuille. Pour ce qui est des HE destinées à un autre usage, les allégations bio doivent répondre aux règles générales du Code de la consommation.
Un autre cas d’usage des HE en vente libre est leur utilisation en tant qu’agent biocide. Lorsque les HE sont commercialisées dans des produits revendiquant une action de désinfection, de répulsion ou insecticide, elles entrent dans la catégorie des produits biocides et doivent comporter un étiquetage spécifique (avec le nom de l’huile utilisée, sa concentration, etc). Cependant, le consommateur peut de lui-même décider de fabriquer un produit de désinfection « maison » à partir d’une HE pour laquelle aucune mention sur ce type d’utilisation n’est indiquée. Dès lors, c’est au consommateur d’être particulièrement vigilant sur les risques d’intoxication auxquels il s’expose.
Le statut des HE et la sécurité qui en découle posent un important problème de santé publique.
À ce jour, les HE bénéficient d’un statut par destination, c’est-à-dire qui est fonction de l’utilisation qui en est faite. On peut ainsi les commercialiser en tant que cosmétique, complément alimentaire, etc. alors que le produit initial, l’HE, est le même. Hormis la liste des HE faisant partie du monopôle pharmaceutique, il n’existe actuellement aucune restriction sur la vente des HE, de même qu’aucune norme ne règlemente, en France, les mentions obligatoires sur les étiquettes (12).
Les HE sont de plus en plus utilisées à des fins thérapeutiques et de bien être. Leur libre accès dans les commerces ou sur internet incite un nombre grandissant de patients à pratiquer l’automédication et la fabrication de produits fait maison sans conseils avisés ni mise en garde sur les potentiels risques liés à leur utilisation. En France, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a de ce fait émis en 2008, une recommandation (43) pour attirer l’attention du public, mais également des professionnels, sur le fait que les HE ne doivent pas être considérées comme des ingrédients courants mais comme « des substances particulières non dénuées d’effets secondaires » (9).

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