Problèmes inverses et simulations numériques en viscoélasticité 3D
Qu’est ce qu’un matériau viscoélastique ?
Un matériau est dit élastique s’il se déforme instantanément lorsqu’il est soumis à une contrainte et retourne tout aussi vite à son état d’origine lorsque celle-ci est retirée. Pour un matériau viscoélastique, la relation entre la contrainte et la déformation dépend du temps. Ainsi, dans les matériaux viscoélastiques, on observe les phénomènes suivants : 1. Si la contrainte est maintenue constante, la déformation augmente avec le temps : c’est le phénomène de fluage. 2. Si la déformation est maintenue constante, la contrainte diminue avec le temps : c’est le phénomène de relaxation. 3. Si un chargement cyclique est appliqué, on observe un phénomène d’hystérésis (avec un retard de phase), menant à une dissipation de l’énergie mécanique. Notons que, selon la relation entre le taux de déformation et la contrainte à l’intérieur d’un matériau, la viscosité peut être linéaire ou non linéaire. La théorie de la viscoélasticité linéaire est en général valide uniquement pour de petites déformations (dont l’amplitude est inférieure à 10−2 en pratique). Matériau chargé Retour progressif à l’équilibre Fig. 1 – Comportement d’un matériau viscoélastique soumis à une contrainte constante.Tous les matériaux présentent un certain degré de réponse viscoélastique. Dans les métaux usuels à température ambiante, ce comportement peut être négligé et les matériaux considérés comme élastiques. Par contre, les polymères et les tissus humains, ainsi que les métaux à haute température, exhibent des effets visqueux conséquents qui doivent être pris en compte dans les applications. Au 19ème siècle, des physiciens tels que Maxwell, Boltzmann et Kelvin ont étudié le phénomène de fluage des métaux et caoutchoucs. La viscoélasticité en tant que telle n’a été étudiée qu’à partir de la fin du 20ème siècle lorsque des polymères synthétiques ont commencé à être utilisés dans l’industrie.
Les apports de la thèse
Ce mémoire de thèse comprend deux parties. Dans la première partie, nous nous intéressons au système de la viscoélasticité linéaire. Pour ce système, le problème direct a été largement étudié (modélisation, Lakes [52], analyse mathématique, Bellout et Ne˘cas [6], analyse numérique, Shaw et al. [81]) et peut à présent être considéré comme résolu. Dans cette thèse, nous regardons le problème inverse et plus particulièrement le problème de la récupération des coefficients viscoélastiques. Nous traitons les aspects théoriques (unicité et stabilité de la récupération), ainsi que numériques (méthodes de résolution). Dans la deuxième partie, nous passons au système de la viscoélasticité non linéaire. Pour ce modèle, peu de travaux existent, ne serait-ce qu’au sujet du problème direct. Nous présentons des méthodes numériques pour le résoudre et l’implémentation de ces dernières en trois dimensions. Une application biomédicale est ensuite envisagée et décrite. Finalement, nous abordons des questions de modélisation en établissant un modèle couplé viscoélastique/viscoplastique. Dans la suite de cette introduction, nous présentons un résumé des résultats obtenus dans la thèse. Ces résultats sont volontairement simplifiés pour n’en garder que le principe et l’idée donnée des démonstrations n’est que formelle. Pour l’énoncé rigoureux des résultats, les hypothèses exactes de validité et les détails des démonstrations, le lecteur se rapportera aux chapitres correspondants. De même, on trouvera en introduction de chaque chapitre les références vers les travaux existants sur les thèmes abordés. Le but de ces introductions est de mettre en perspective les résultats de la thèse. 1 Un problème inverse en viscoélasticité linéaire Soit Ω un ouvert borné de R 3 , de frontière ∂Ω supposée suffisamment régulière. Pour toute fonction u : Ω×(0, +∞) −→ R 3 , nous introduisons l’opérateur hyperbolique intégrodifférentiel P défini de la manière suivante : Pu(x, t) = ∂ 2 t u(x, t) − ∇ ·
Stabilité dans le prolongement unique pour l’opérateur P
Nous démontrons un résultat de stabilité associé à un prolongement unique pour l’opérateur P. Le résultat en question stipule que, si la source de l’équation est nulle dans le voisinage ω de ∂Ω et si la solution et ses dérivées s’annulent sur une partie Γ de ∂Ω, alors la solution s’annule dans un ouvert inclus dans ω. La partie de la frontière considérée peut être aussi petite que l’on veut. Nous appliquons ce résultat à la fonction ˆu = u − u¯ dont l’équation est bien à source nulle dans ω puisque l’on a supposé p = ¯p dans ω. Le résultat énonce qu’il y a stabilité pour ce prolongement unique, ce qui s’écrit sous la forme : Théorème 0.4 (Théorème 2.1 du Chapitre 2). Observations internes dans ω ≤ Observations frontieres sur ` Γ. La principale difficulté vient du fait que les coefficients de l’opérateur P dépendent du temps, donc les méthodes classiques ne s’appliquent plus. La démonstration du Théorème 0.4 se fait alors en quatre étapes : 1. Nous introduisons une nouvelle transformation inspirée de la transformée de FourierBros-Iagolnitzer (FBI) [8] mais qui est capable de traiter le terme intégral. Cette nouvelle transformation conserve en effet les propriétés de la FBI classique mais permet en plus de transformer la convolution de deux fonctions en la convolution de l’une par la transformée de l’autre. 2. La nouvelle transformation permet de changer localement le système hyperbolique (1)-(2) en un système elliptique intégro-différentiel, comme dans Bellassoued [3]. 3. Il nous faut alors démontrer une inégalité de Carleman pour le système elliptique intégro-différentiel résultant. Cela est fait en utilisant les mêmes techniques que pour démontrer l’inégalité de Carleman pour le système hyperbolique, c’est-à-dire que l’on se ramène à une équation elliptique scalaire pour laquelle les résultats sont connus, Imanuvilov et Puel [40], Lebeau et Robbiano [57]
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