Problématique spécifiqueL le cas de Matagami

PROBLÉMATIQUE SPÉCIFIQUE: LE CAS DE MATAGAMI

GÉOLOGIE RÉGIONALE

Avec plus de 80 gisements de SMV, la Sous-province d’Abitibi représente l’une des plus prolifiques ceintures de roches vertes au monde en ce qui concerne les minéralisations volcanogènes classiques (Card, 1990; Allen and Weihed, 2002) et celles aurifères (Mercier-Langevin et al., 2011; Mercier-Langevin et al., 2014). Elle est constituée de ségments volcano-sédimentaires linéaires, d’orientation est-ouest, perforées par des plutons synvolcaniques à post-tectoniques. Globalement, l’Abitibi est interprétée comme le résultat d’accrétion de terrains volcaniques différents, formés en contexte de supra-subduction, et datés entre 2735 Ma pour le volcanisme, et 2670 Ma pour le plutonisme post tectonique (Mueller et al., 1996; Daigneault et al., 2004; Mueller et al., 2009). La ceinture de l’Abitibi est divisée en deux zones, la Zone Volcanique Nord (ZVN) et la Zone Volcanique Sud (ZVS) (Chown et al., 1992). Ces zones sont séparées par deux grands couloirs de déformation, eux aussi d’orientation Est-Ouest : la faille de Porcupine-Destor-Manneville qui sépare les ZVN et ZVS, et la faille de CadillacLarder Lake qui constitue la bordure sud de la ZVS. Le camp de Matagami est situé dans le Nord de la ZVN.

GÉOLOGIE DU CAMP DE MATAGAMI

Plus de 50 Mt de minerai ont été extraites dans le camp de Matagami depuis le début des années 1960, ce qui en fait l’un des plus importants districts de SMV de l’Abitibi. Il a fait l’objet de nombreuses études (Jenney, 1961; Sharpe, 1968; Roberts, 1975; Beaudry and Gaucher, 1986; Piché et al., 1990; Pilote et al. 2011). Cependant, sa compréhension est encore très limitée en partie due à la faible proportion de roches affleurantes. Les gisements de Matagami sont réputés pour leurs teneurs en zinc particulièrement élevées. Avec des teneurs en zinc de 9% en moyenne, mais pouvant atteindre ~20% (ex: Isle Dieu: Lavallière et al., 1994), les minéralisations de Matagami sont parmi les plus riches au monde. Vingt dépôts sont connus à ce jour. La moitié d’entre eux est économique et a été exploitée. Ces gisements sont pour la plupart associés à la « Tuffite Clé » (Key Tuffite – KT; Miller, 1960). Ils sont répartis sur trois bandes felsiques : le « Flanc Sud », le « Flanc Nord » et le « Camp Ouest ». Au début du projet doctoral, une seule mine était en exploitation (2008-2013) dans le camp de Matagami. Il s’agit de la mine Persévérance dans le Nord du « Flanc Sud ». Cependant, deux nouveaux dépôts: Bracemac et McLeod ont été découvert (Adair,  2009) et sont entrés en production en 2013. Les deux flancs sont liés entre eux par l’anticlinal de Galinée. Le lien entre le « Camp Ouest » et les deux autres bandes felsiques, quant à lui, demeure obscur. La séquence stratigraphique générale du camp de Matagami  proposée par Sharpe (1968), et validée par Piché et al. (1990) est divisée en deux groupes: le Groupe de Watson et le Groupe de Wabassee. La Tuffite Clé et la plupart des zones minéralisées connues sont à l’interface de ces deux groupes. Le Groupe de Watson comprend deux sous-unités felsiques datées entre 2726,3 et 2722,4 Ma (Mortensen, 1993) : 1) une unité de dacite de 500 m d’épaisseur à la base et 2) une unité de rhyolite de près de 1500 m au sommet. Géochimiquement, selon la classification de Lesher et al. (1986) et Hart et al. (2004), ces rhyolites sont de type FIIIb (Gaboury and Pearson, 2008) et donc considérées comme particulièrement fertiles pour les minéralisations de type SMV. Le Groupe de Wabassee est essentiellement constitué de laves mafiques sur près de 3000m. Un horizon de rhyodacite, appelé « Rhyolite de Dumagami », est cependant présent dans la partie nord et la partie centrale du Flanc Sud. Ces deux groupes sont recoupés par le Complexe de la Rivière Bell (CRB), une intrusion litée de gabbro anorthosite datée à 2724,6 Ma (Mortensen, 1993). Cette intrusion est interprétée comme étant la source thermique à l’origine des SMV (Piché et al., 1990; Maier et al., 1996; Ioannou and Spooner, 2007; Carr et al., 2008). Le métaphormisme régional est généralement de niveau schiste vert, ce qui a pu entraîner un remplacement et une recrystallisation partielle des paragenèses originales.

LA TUFFITE CLÉ

La Tuffite Clé (KT) est reconnue pour être l’une des unités exhalatives les plus épaisses (0,3 à 6m), continues et étendues (>10km) en association avec des minéralisations de type SMV au Canada. Elle est le principal métallotecte utilisé pour l’exploration des SMV dans le camp de Matagami. Malgré l’importance de cet horizon et en dépit des nombreuses études réalisés sur cette unité (Sharpe, 1968; Roberts, 1975; Davidson, 1977; Costa et al., 1983; Liaghat and MacLean, 1992), le lien génétique avec les minéralisations demeure flou et les tentatives pour établir des outils géochimiques pour guider l’exploration des VMS ont été peu concluantes. Ce problème est attribuable principalement à la nature complexe de l’unité. La Tuffite Clé est une unité laminée dont la composition minérale normative a proximité du gisement de Bell Allard Sud a été estimée à: 33% de quartz, 28% de sulfures, 16% de séricite, 8% de carbonates, 6% de chlorite et 9% d’autres minéraux (Liaghat and MacLean, 1992). Selon les études antérieures, elle serait le résultat de 2 composantes principales, dont les proportions seraient variables: 1) une fraction tuffacée d’origine détritique, et 2) une composante chimique. Liaghat and MacLean (1992) ont proposé que la composante détritique résulte d’un mélange de cendres andésitiques calcoalcalines et de cendres rhyolitiques tholéitiques. Le pôle chimique s’exprime selon Davidson (1977) par la silicification, les sulfures, et les carbonates.

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La tuffite clé possède régionalement un bruit de fond en métaux important: 1,4% Zn, 0,1% Cu et des teneurs anomaliques en Pb, Co, Ni et Cr qui semblent s’enrichir à proximité des dépôts de même que la quantité de chert (Davidson, 1977). Ces variations sont cependant restreintes et spatialement hétérogènes.

L’hypothèse de ce projet vise à scinder le pôle chimique en deux composantes: 1) la composante précipitée et 2) la composante d’altération hydrothermale. Le pôle précipité chimique est issu des fumerolles et correspond donc à la précipitation sur le plancher océanique d’un panache métallifère et siliceux plurikilométrique. La composante d’altération hydrothermale est spatialement associée aux gisements de SMV et elle représente les processus de modification (au niveau ou sous le planché océanique) postérieur au dépôt de la Tuffite Clé. Elle correspond à la migration latérale de fluides le long de la tuffite après sa mise en place et son recouvrement par le Groupe de Wabassee. C’est cette signature qui sera ciblée ici pour dégager un meilleur signal, car elle est considérée comme découlant directement des systèmes hydrothermaux à l’origine des SMV.

L’épaisseur, la continuité et l’extension latérale de cette unité sont clairement des paramètres problématiques de la Tuffite Clé, puisqu’ils sont de loin supérieurs à ceux des autres tuffites reconnues dans le monde . Ils tendent à suggérer un pôle détritique particulièrement dominant dans la composition de cette unité. Cette hypothèse est soutenue par les nombreuses observations de structures sédimentaires reconnues (Davidson, 1977). L’implication directe est une dilution du pôle « précipité chimique » rendant l’utilisation de la lithogéochimie en roche totale plus difficilement utilisable et le développement d’outils pour l’exploration plus difficile. Cependant, les analyses monominéraliques prennent toutes leurs importances ici, dans le cas où des minéraux d’origine hydrothermale peuvent être identifiés et étudiés.

En résumé, la problématique concernant la Tuffite Clé de Matagami est comparable à celle de tout autre tuffite. On cherche dans un premier temps à comprendre le lien entre la Tuffite Clé et les minéralisations spatialement associées. Une fois ce lien établie, les composantes de la Tuffite Clé peuvent être décortiquées afin d’isoler le pôle hydrothermal et étudier l’évolution du système. Si le pôle hydrothermal est suffisamment présent et préservé, des outils géochimiques pour l’exploration pourront être développés. Plusieurs hypothèses de travail peuvent être proposées pour aborder le problème. Est-ce que la Tuffite Clé a enregistrée intégralement l’évolution des SMV par la précipitation de minéraux sur le planché océanique? Les minéralisations du camp de Matagami sont-elles vraiment syngénétiques? Si oui, la composante de « précipité chimique » est-elle suffisamment préservée dans l’unité pour être étudiée? A l’opposé, si les minéralisations sont épigénétiques, résultant de processus de remplacement au travers d’une unité perméables, c’est le pôle « altération » qui retiendra l’attention. Dans ce cas, la composante altération sera-t-elle suffisante pour établir des vecteurs efficaces pour l’exploration?

Table des matières

CHAPITRE 1 – Introduction
1.1 Problématique générale
1.1.1 Formation des sulfures massifs volcanogènes
1.1.2 Les tuffites : équivalents latéraux des minéralisations
1.1.3 Des outils pour l’exploration
1.1.3.1 Chimie des éléments majeurs et métaux
1.1.3.2 Chimie des éléments des terres rares
1.1.3.3 Chimie minérale des pyrites
1.1.4 Relations génétiques des tuffites
1.2 Problématique spécifiqueL le cas de Matagami
1.2.1 Géologie régionale
1.2.2 Géologie du camp de Matagami
1.2.3 La Tuffite Clé
1.3 Objectifs
1.4 Méthodologie
1.4.1 Travaux de terrain et échantillonnage
1.4.2 Traitement et préparation des échantillons
1.4.3 Analyses pétrographique et minéralogique
1.4.4 Analyses lithogéochimiques
1.4.5 Analyses minéralogiques
1.5 Format de la thèse
1.6 Références
CHAPITRE 2 – The Key Tuffite, Matagami Camp, Abitibi Greenstone Belt,
Canada : petrogenesis and implications for VMS formation and exploration
2.1 Résumé
2.2 Abstract
2.3 Introduction
2.4 Regional geology
2.5 The Key Tuffite
2.6 Geology of the Perseverance and Bracemac-McLeod deposits
2.6.1 Volcanic stratigraphy
2.6.2 Alteration, mineralization and their link with the Key Tuffite
2.6.3 Perseverance deposit
2.6.4 Bracemac-McLeod deposits
2.7 Chemical characterization of the Key Tuffite
2.7.1 Sampling and methodology
2.7.2 Tuffaceous component
2.7.3 Hydrothermal component
2.7.4 Significance of layering
2.8 Discussion
2.8.1 Origin of the Key Tuffite
2.8.1.1 Tuffaceous component
2.8.1.2 Exhalative component
2.8.1.3 Epigenetic hydrothermal alteration component
2.8.1.4 Silicification and layering
2.8.1.5 Comparison with other mistaken exhalites
2.8.2 A replacement model for the formation of VMS at Matagami
Conclusion

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