Marqueurs autosomaux
D’emblée, ce sont les marqueurs STR situés sur les chromosomes autosomaux qui sont utilisés lors d’une expertise ADN pour un dossier criminel. Cela s’explique par le fait qu’étant localisés sur des chromosomes différents ou étant physiquement assez éloignés sur le même chromosome pour être séparés lors de la recombinaison méiotique, on considère que les allèles d’un locus sont transmis des parents à un enfant de manière indépendante. Ainsi, la reproduction sexuée engendre à chaque génération des individus ayant des profils génétiques STR (quasi) uniques. C’est pourquoi les marqueurs STRs ont un grand pouvoir d’individualisation. La première trousse, développée par le Forensic Science Service (FSS) au Royaume-Uni, comprenait quatre loci: vWA, THOl , FESIFPS, F13Al. Combinés, ils possédaient un pouvoir discriminant de l’ordre de 1 sur 10 000 dans une population caucasienne [29]. Le pouvoir discriminant correspond à la probabilité de tirer au hasard deux individus dans la population possédant des génotypes différents [26). Ainsi, le pouvoir discriminant s’accroit au fur et à mesure que des marqueurs génétiques sont ajoutés à l’analyse. Quelques années plus tard, une deuxième trousse de six marqueurs a été développée, cette fois offrant un pouvoir discriminant de 1 sur 50 millions.
Elle incluait les marqueurs suivants: vW A, THO 1, FGA, D8S 1179, D 18S51, D21S11. En 1996, le FBI a financé le développement d’un projet d’un système de base de données génétiques national connu sous le nom de CODIS (Combined DNA Index System). Le nombre de marqueurs a été élevé à 13 et ce jeu est utilisé depuis dans les laboratoires forensiques d’au moins 28 pays (D8Sll79, D21S11, D5S818, CSFIPO, D3S 1358, THOl, D13S317, D16S539, TPOX, D18S5l, vWA, D7S820, FGA) [30). Ces 13 marqueurs « de base» sont aujourd’hui inclus dans toutes les trousses PCR vendus dans le commerce. Plus récemment, sept nouveaux marqueurs (DlSI656, D2S441, D2S1338, DIOSI248, D12S391, D19S433 et D22S1045) ont été ajoutés au système CODIS qui en comprend donc maintenant 20 [31, 32). Des mutations dans les cellules germinales de la mère ou du père peuvent survenir dans les loci analysés et donc modifier le génotype qui sera transmis à l’enfant tel qu’expliqué dans la section 1.3. Les mutations survenant aux marqueurs STR (autosomaux et Y) consistent principalement en l’ajout ou la délétion d’une ou plusieurs unités répétitives, ce qui entraîne la détection d’un allèle respectivement plus long ou plus court, selon le cas. La probabilité que la mutation provoque l’ajout d’unité(s) répétitive(s) est relativement équivalente à la probabilité qu’elle provoque une (des) délétion(s) [33, 34]. Effectivement, en étudiant 787 mutations, Ballantyne et al. (2010) ont démontré que 423 d’entre elles avaient provoqué la délétion d’unités répétitives alors que 364 mutations avaient provoqué un ajout d’unités répétitives, représentant un ratio de 1,16 : 1 [33]. Le taux de mutations des marqueurs autosomaux est de l’ordre de 10-3 à 10-4 ce qui signifie qu’il survient en moyenne une mutation par locus à toutes les 1 000 ou 10000 générations [1] .
Marqueurs haploïdes
Malgré que les marqueurs STR autosomaux (diploïdes) possèdent un grand pouvoir d’individualisation, il est parfois utile ou nécessaire de recourir aux marqueurs haploïdes. Il en existe deux types : ceux sur l’ADN mitochondrial, transmis de la mère à ses enfants, et ceux sur le chromosome Y, transmis de père en fils. Les marqueurs situés sur le chromosome Y seront discutés davantage dans le présent chapitre, puisqu’ils sont le sujet du présent projet. Leur utilisation sans doute la plus courante en génétique forensique est lorsqu’un mélange ADN homme/femme est obtenu d’une trace. Par exemple, dans les dossiers d’ agressions sexuelles, les traces consistent souvent en des prélèvements intimes faits sur une victime féminine [35, 36]. Dans ces cas, il est fréquent qu’un mélange d’ADN masculin/féminin soit obtenu et que l’ADN de la victime, en trop grande proportion (profil majeur), masque l’ADN de l’agresseur qui se retrouve en plus faible concentration (profil mineur). Il devient alors difficile, voire impossible d’isoler le profil génétique autosomal de l’agresseur. En effet, lorsque le ratio ADN homme/femme dans la quantité d’ADN est inférieur à 1/10, les allèles du profil génétique mineur sont généralement peu détectables, étant masqués par les composantes génétiques majoritaires (1’ADN de la victime) [26]
Toutefois, le développement récent de logiciels informatiques permettant d’effectuer du génotypage probabilistique (section 1.6.2) rend maintenant possible l’analyse de mélanges où la concentration d’ADN masculin est en faible concentration. Malgré tout, dans plusieurs cas, il est encore difficile voire impossible de détecter le profil ADN masculin dans la trace. C’est alors que le chromosome Y peut être utilisé pour obtenir un profil ADN de l’agresseur, puisque la femme ne possède pas ce chromosome (Figure 1.4) [37,38]. On remarque que l ‘homme et la femme partagent un allèle autosomal, faisant en sorte que celui de l ‘homme se trouve masqué sous celui de lafemme sur l ‘électrophorégramme Étant donné que le chromosome Y n’est présent qu’en une seule copie dans les cellules, les haplotypes obtenus par analyse des marqueurs Y -STRs seront essentiellement composés d’un seul allèle par locus (Figure 1.5). Toutefois, des loci dupliqués font exception et peuvent mener à la détection de deux ou trois allèles lors de l’analyse (DYS385 alb et DYS389 1111).
Les marqueurs étant situés sur la partie non recombinante du chromosome Y, ils seront transmis en bloc de génération en génération, c’est-à-dire de manière non indépendante. À l’exception des mutations, l’haplotype du fils sera identique à celui de son père, de ses frères, de son grand-père paternel et ainsi de suite. Cela aura un impact considérable sur l’interprétation des profils. Suite à la découverte, en 1992, des premiers marqueurs STR sur la partie non recombinante du chromosome Y et leur utilisation immédiate dans un premier dossier judiciaire, les efforts se sont multipliés pour découvrir davantage de marqueurs Y -STR de sorte qu’ actuellement, jusqu’à 27 marqueurs sont inclus dans les trousses commerciales [39-41]. Suivant les recommandations d’une étude internationale, neuf loci ont initialement servi à établir un haplotype Y en 1997 [42]. Ces neuf loci, référés comme le «minimal haplotype» incluait : DYSI9, DYS385a, DYS385b, DYS389I, DYS389II, DYS390, DYS391 , DYS392 et DYS393. Puis, en 2003, le Scientific Working Group on DNA Analysis Method (SWGDAM) [43], un regroupement de laboratoires américains, recommandait l’ajout de deux loci supplémentaires [43 , 44].
Les trousses commerciales disponibles sur le marché incluent ces Il loci en plus de combinaisons variées d’autres Y-STR. Le Tableau 1.1 présente les marqueurs génétiques inclus dans les trois trousses parmi les plus utilisés aux États-Unis, soit la trousse PowerPlex Y23® de Promega ainsi que les trousses AmpFISTR® Yfiier™ et Yfiier™ Plus d’Applied Biosystems [45]. Les taux de mutations des marqueurs inclus dans les trousses commerciales sont, en majorité, de l’ordre de 10-3 à 10-4 ce qui est semblable à des marqueurs autosomaux [33]. Cela signifie que, pour un marqueur donné, qu’une mutation surviendra à tous les 1 000 à 10000 individus d’une même lignée paternelle. Plus récemment, de nouveaux marqueurs à mutation rapide (RM Y-STRs) ont été caractérisés. Leur taux de mutation est de l’ordre de 10-2
Rapport de vraisemblance (RV)
Dans cette équation simplifiée, Pr(EIHp,I) prend la valeur 1, puisqu’on peut penser que si le suspect est bel et bien à l’origine de la trace, alors les deux profils ADN (le sien et celui de la trace) concorderont assurément. De même, Pr(EIHd,I) prend la valeur de RMP. Ce calcul est souvent celui privilégié par les laboratoires judiciaires dans les rapports d’analyses transmis aux policiers et à la cour puisqu’il permet d’évaluer deux hypothèses en concurrence, ce qui convient mieux au contexte judiciaire où deux parties défendent des hypothèses différentes (Hp et Hd). Dans les dossiers judiciaires, il n’est pas rare qu’un mélange complexe d’ADN de deux ou plusieurs personnes soit obtenu par l’analyse de la trace ADN. Il peut alors rapidement devenir fastidieux pour l’expert judiciaire d’effectuer l’ interprétation de ces profils ADN et de calculer un rapport de vraisemblance de façon manuelle.
Effectivement, une analyse manuelle ne permet pas à l’expert judiciaire de prendre en compte l’ensemble des informations disponibles dans le profil ADN, tel que la hauteur des pics de l’électrophorégramme, les probabilités de drop-outs aux différents loci, qui sont des éléments importants à prendre en compte dans l’évaluation d’une valeur probante. De plus, l’évolution des techniques d’analyse ADN dans les récentes années, combinée à l’augmentation de la sensibilité des kits commerciaux, a mené à la diminution de la quantité d’ADN nécessaire pour l’obtention d’un profil ADN interprétable, un autre élément qui complexifie l’ interprétation des profils ADN [52]. Récemment, des outils informatiques ont été développés permettant la modélisation de valeurs probantes pour des mélanges complexes, ce que l’on nomme le génotypage probabilistique. Ces logiciels (ex : STRmix TM, TrueAllele®) intègrent des algorithmes prenant en compte des modèles statistiques, des concepts de biologie et des distributions de probabilité afin de calculer des valeurs de rapports de vraisemblance de mélanges complexes [52-54]. Ces logiciels permettent de calculer un rapport de vraisemblance pour des combinaisons de profils ADN comptant jusqu’à cinq, voire six contributeurs.
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