La thrombophlébite cérébrale ou thrombose veineuse cérébrale (TVC) est définie par une occlusion des sinus veineux cérébraux souvent associée à une thrombose des veines corticales. C’est une maladie rare mais gravissime [1] si mal ou tardivement traitée, dont les aspects cliniques et les étiologies sont divers. L’enquête étiologique de la TVC est une étape fondamentale de la démarche diagnostique.
La présence de facteurs de risques oriente le diagnostic et conditionne la prise en charge thérapeutique. Les facteurs incriminés sont nombreux et souvent intriqués d’où la nécessité d’un bilan étiologique complet systématique même en cas de cause apparemment évidente [2].
Contrairement à l’accident ischémique cérébral artériel, les études épidémiologiques concernant la TVC sont limitées. Les plus importantes séries sont européennes [3-5], asiatiques [6-8] ou d’Amérique du nord (Etats-Unis) [8]. En Afrique, notamment au Maroc très peu d’études ont été menées [10-12].
La discussion développera les données de la littérature, et certains articles particulièrement intéressants seront détaillés, d’autres ne seront repris que dans les tableaux récapitulatifs. La revue de la littérature a été effectuée par recherche dans les banques de données disponibles (Pub-Med). Il est très difficile de faire la comparaison de nos résultats avec ceux de la littérature point par point, car toutes les études n’ont pas les mêmes objectifs que les nôtres.
DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES DES THROMBOPHLEBITES CEREBRALES
Cette série de 45 patients est très hétérogène pour plusieurs raisons y compris le fait qu’elle prend en charge des patients de toute la région du sud. Il s’agit d’une étude rétrospective, de 45 patients ayant présenté une thrombophlébite cérébrale sur une période de 13 ans, explorés au service de neurologie CHU Mohamed VI Marrakech par le biais des dossiers médicaux.
D’un point de vue épidémiologique, Napon (2010) [12] a montré une incidence annuelle à 5,7 par million par an ce qui est supérieur au 3 et 4 pour un million d’habitants dans la série de Stam (2005) [13]. Ferro en 2001 a estimé l’incidence annuelle à 0,22 pour 100000 habitants [14]. Aux Etats unis on estime qu’il y a 11,6 cas pour 100000 accouchements [15]. Au Canada, l’incidence des thromboses veineuses cérébrales chez les enfants (moins de 18 ans) est de 0,64 pour 100000 habitants [16]. L’incidence et la prévalence de cette pathologie dans notre pays restent à déterminer.
Âge:
Dans notre série, l’âge moyen (35,93 ans) rejoint celui des séries occidentales [17,18]. Dans la série de Rosenstingl et al. 2002 [17], l’âge moyen est de 37,7 ans, l’âge moyen chez les femmes est de 35,7 ans, l’âge moyen chez les hommes est de 42,5 ans. Dans la série de Bensalem et al. 2010 [19], l’âge moyen est 38,26 ans.
Sexe:
Dans notre série, on note une large prédominance féminine comme dans les autres séries de la littérature mondiale probablement en rapport avec la grossesse, le post partum et l’usage des contraceptifs oestroprogestatifs [12, 20, 21], ceci est expliqué par le fait que la majorité des patientes était en âge de procréer.
MODE D’INSTALLATION
Dans la littérature, le mode aigu est le plus fréquent [22,23], dans notre série le mode d’installation le plus fréquent est subaigu à 40%, suivi du mode aigu à 35,55%, puis le mode chronique à 24,44%.
FACTEURS DE RISQUE
Les facteurs de risque sont nombreux dominés par la prise d’oestroprogestatifs, grossesse, post partum, et les maladies de système. Dans notre série, la thrombophlébite cérébrale complique la grossesse et le post partum chez 10 patientes sur 37 (27,02%). 2 pendant la grossesse et 8 en post partum. Dans la série de Rosenstingl et al. [18] la thrombophlébite complique grossesse et post partum chez 7 femmes sur 19 (37%).
Le deuxième facteur favorisant fréquemment retrouvé chez la femme, est la contraception orale; 19% des femmes, 26% si l’on exclut les femmes enceintes et en post partum ; 37% dans la série de Rosenstingl et al. [18], 18% des femmes dans la série de Bousser [20].
SIGNES CLINIQUES
Dans notre étude, les céphalées représentent de loin le symptôme le plus révélateur comme rapporté dans la majorité des séries [20, 22, 23,30-33]. Elles étaient associées à un œdème papillaire chez dix huit patients. Douze patients Présentaient un déficit focal (26,66%), ces résultats sont concordants avec l’étude de Daïf et al. (1995) [23] en Arabie saoudite, qui ont rapporté un déficit focal chez seulement 27%. En revanche, les études de Bousser et al. (1985) [20] et Ferro et al. (2004) [22], Eïnhaupel et al. [33] ont constaté respectivement un déficit focal chez 34%, 37,2%, 66% des patients. Des crises convulsives étaient observées chez douze patients (26,66%), alors qu’elles étaient constatées chez 48% des patients de l’étude d’Einhäupl et al. [33], 29% des patients de Bousser et al. [20] et 39,3% des patients de Ferro et al. [22]. Daïf et al. [23] n’ont rapporté – quant à eux – que 10% de crises convulsives. Dix Patients (22,22%) ont présenté des troubles de la vigilance, allant de la simple obnubilation au coma profond. Ce résultat est comparable à ceux de Bousser et al. (1985) [20], mais inférieur à celui de Ferro et al. (2004) [22] et Daïf et al. (1995) [23]. Voir (tableau XIII) Ce polymorphisme clinique témoigne de la multiplicité des présentations des TVC et des problèmes de diagnostics différentiels.
EXAMENS PARA CLINIQUES
Diagnostic radiologique
Le diagnostic de thrombose veineuse cérébrale repose non seulement sur l’imagerie du parenchyme cérébral mais aussi sur l’imagerie vasculaire qui met en évidence la thrombose des sinus et/ou veines cérébrales.
Tomodensitométrie cérébrale:
Le scanner cérébral est le plus souvent demandé de première intention devant des tableaux cliniques compatibles avec de nombreux diagnostics, dans notre série Vingt huit patients ont bénéficié d’une TDM cérébrale soit 62,22%, la TDM s’est révélée normale chez dix patients soit 22,22%, donc 18 avaient un scanner anormal, 7 parmi eux présentaient des signes directs, et 11 présentaient des signes indirects. Dans la série de Rosenstingl et al. [18], la TDM est réalisée chez 26 patients (26/27), celle-ci était normale dans 15% des cas (4/26), montrait une opacité spontanée d’un sinus dans 38% des cas (10/26). Dans la série de Napon et al. [12], au scanner cérébral, l’hyperdensité spontanée à l’intérieur d’un sinus avec rehaussement important après injection de produit de contraste était le signe le plus fréquemment rencontré (42%), suivi des ramollissements uni-ou bilatéraux (35%), des signes du delta (18%) et de l’œdème cérébral (6%). Chez un patient, le scanner cérébral avait un aspect normal. Le scanner reste cependant normal dans plusieurs cas ce qui n’élimine absolument pas le diagnostic [34].
Imagerie par résonance magnétique et angio IRM:
L’IRM est l’examen de référence pour le diagnostic car elle visualise à la fois la thrombose, son évolution et parfois la cause sous jacente [35-39]. Dans notre série l’IRM associée à l’angioIRM a été faite chez 39/45. Elle a permis de poser le diagnostic avec précision du siège de l’occlusion et de son étendue, avec une prédominance de l’atteinte du sinus latéral à 57%, sinus longitudinal supérieur à 48,88%, veines corticales à 20%, sinus transverse à 8,88%, sinus caverneux et sinus sigmoïde au même pourcentage à 6,66%; avec des atteintes associées de plusieurs sinus à 26,7%. On retrouve habituellement, dans la littérature, et notamment dans une étude multicentrique prospective récente incluant 624 patients, la distribution suivante [40]:
➤ sinus sagittal supérieur: 62%;
➤ sinus latéral: 73%;
➤ sinus droit: 11%;
➤ veines corticales: 17%;
➤ veines profondes: 7%.
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