La crise épileptique : éléments de physiopathologie
Une crise épileptique consiste en la survenue transitoire de signes et/ou symptômes liés à une activité neuronale cérébrale excessive ou anormalement synchrone . En fonction des conséquences cliniques de l’implication de tout ou partie du cortex cérébral, on pourra distinguer les crises focalisées et généralisées.
Sur le plan physiopathologique, le passage d’un comportement neuronal normal à une activité épileptique est globalement causé par l’association entre un renforcement de la connectivité entre neurones ainsi que des signaux excitateurs au sein des réseaux cérébraux, associé à une défaillance des mécanismes inhibiteurs . Le cortex cérébral et l’hippocampe sont des structures particulièrement sujettes à la génération de bouffées d’activité synchrone sous-jacentes à de nombreuses formes d’épilepsie ; le thalamus est quant à lui connu comme ayant un rôle majeur dans la genèse des absences épileptiques, impliquant des boucles thalamocorticales. De façon générale, les mécanismes sous-tendant la formation des crises épileptiques semblent relever soit de phénomènes excitatoires rythmiques ou toniques incontrôlés, soit d’interactions rythmiques et synchrones entre neurones excitateurs, neurones inhibiteurs, et états de conductances membranaires .
L’altération des réseaux neuronaux conduisant à leur hyperexcitabilité et la formation des crises épileptiques, appelée épileptogénèse, est un phénomène complexe et multifactoriel. Il peut être la conséquence d’anomalies dans la structure et l’organisation des neurones dans lesmalformations corticales, dans le métabolisme neuronal dans les troubles métaboliques, demutations génétiques aboutissant à un dysfonctionnement de canaux ioniques dans certaines formes d’épilepsie, ou de perturbations de la fonction de certains réseaux cérébraux (comme le réseau thalamocortical dans l’épilepsie absence, ou le réseau limbique dans l’épilepsie du lobe temporal). La prédisposition à la survenue de crises, les différents types d’épilepsie, peuvent être issus d’une combinaison de plusieurs mécanismes étiologiques, et être modifiés par des facteurs génétiques ou environnementaux.
Classification des crises épileptiques
La classification actuellement la plus répandue, divisant les crises épileptiques en fonction de leur début partiel (signes focaux initiaux) ou généralisé, avec des crises partielles simples ou complexes en fonction de la survenue d’une perte de contact, et la division des crises généralisées en divers types, est issue du travail d’une commission de l’International League Against Epilepsy (ILAE) de 1981, révisé ensuite à plusieurs reprises.
Très récemment, en 2017, l’ILAE a publié une nouvelle classification ayant pour but de faciliter la description des crises, reposant principalement sur la nature des manifestations cliniques initiales de la crise (début focal, généralisé ou inconnu), et la présence d’une altération de la conscience pour les crises à début focal .
Les différentes «épilepsies»
L’épilepsie, trouble caractérisé par la récurrence de crises épileptiques, regroupe un vaste ensemble de situations cliniques diverses ; tout d’abord, comme nous venons de le voir, par la variété de la sémiologie des crises épileptiques en elles-mêmes, mais également par la multiplicité de ses causes.
En 2017 la commission pour la classification et la terminologie de l’ILAE a pris position pour une nouvelle classification des types d’épilepsie, mise à jour réalisée à la lumière de l’avancée des dernières décennies concernant la compréhension de l’épilepsie. Les différents types d’épilepsie identifiables sont les suivants, selon ces recommandations :
L’épilepsie focale : trouble unifocal ou multifocal, caractérisé par l’implication d’un seul hémisphère cérébral dans la genèse des crises. Son diagnostic est principalement clinique, mais l’électroencéphalogramme (EEG) peut le supporter par la mise en évidence de décharges épileptiformes localisées.
L’épilepsie généralisée : une activité de pointe-ondes ou polypointes généralisées est typiquement présente sur les EEG intercritiques, chez des patients présentant des crises de type généralisé. En l’absence d’anomalies EEG, ou d’éléments cliniques marquants tels que la présence de myoclonies ou d’une histoire familiale significative, il convient d’être prudent sur le diagnostic car des crises paraissant généralisées peuvent en réalité relever d’un début focal n’ayant pu être mis en évidence initialement.
Les épilepsies généralisées et focales combinées : là encore, le diagnostic repose sur la clinique avec l’association de crises focales et généralisées chez un même patient, supportée par l’EEG qui peut montrer en intercritique des anomalies généralisées et/ou focales.
Problématique diagnostique
Le diagnostic d’épilepsie repose avant tout sur la survenue d’une crise épileptique, la présence d’une prédisposition aux crises ne suffisant pas à elle seule au diagnostic. Aucun signe clinique n’en étant pathognomonique, son identification est difficile et repose sur un faisceau d’arguments comprenant les antécédents du patient, les circonstances de survenue du malaise, les signes cliniques avant, pendant et après le malaise, avec une anamnèse précise ne pouvant souvent être reconstituée que grâce à un témoin de l’épisode. De ce fait, les erreurs diagnostiques sont très fréquentes et évaluées entre 19 et 26% selon les études .
Le problème se pose particulièrement pour les crises généralisées, dont les principaux diagnostics différentiels sont les syncopes convulsivantes et les Crises Non Epileptiques Psychogènes (CNEP, définies comme des épisodes imitant les crises épileptiques, liés à un processus psychique, sans décharge neuronale paroxystique anormale associée).
Or, malaises et syncopes sont des motifs de consultation très fréquents dans les services d’urgence, et les conséquences d’un diagnostic erroné sont importantes (risques d’effets secondaires d’un traitement antiépileptique prescrit de façon inappropriée, conséquences sociales et psychologiques liées au statut d’épileptique telles que citées précédemment, retard au diagnostic d’autres affections). Les consultations aux urgences pour crise d’épilepsie sont fréquentes, elles représentent 0,3 à 1,2% des motifs d’admission.
Il semble donc nécessaire de faire appel à une expertise spécialisée pour confirmer la nature épileptique d’un malaise, et le cas échéant établir le diagnostic d’épilepsie. Dans une étude de Heather Angus-Leppan publiée en 2008, on retrouve une faible corrélation entre les diagnostics initiaux et ceux retenus par un neurologue (28,5% de diagnostics cliniques établis initialement par les médecins référant les patients, contre 87,3% après expertise dont 43% d’épilepsie, sur 158 cas), avec environ un diagnostic sur deux d’erroné concernant les patients issus des services d’urgences .
De surcroît, l’intervention précoce d’une équipe spécialisée en neurologie est souhaitable afin d’appliquer une approche syndromique la plus précise possible concernant le type de crise, l’identification d’un syndrome épileptique particulier, ceci afin d’adapter les traitements et d’expliquer au patient le pronostic spécifique de son épilepsie.
Evaluation du risque de récidive
La nouvelle définition de l’épilepsie impose de réfléchir aux moyens d’évaluer le risque de récidive de crise, le surestimer conduisant à prescrire inutilement des traitements comportant un risque iatrogène chez des patients qui n’auraient peut-être eu spontanément qu’une unique crise au cours de leur vie, le sous-estimer exposant le patient au risque de récidive et à ses complications. Le risque de récurrence est le plus élevé durant les deux premières années après une première crise épileptique, où il est évalué entre 21 et 45% selon une revue de littérature récente de Krumholz et al .
Une revue de la littérature publiée en 2017 dans Seizure a permis de mettre en évidence les facteurs augmentant le risque de récidive : Crises partielles, crises nocturnes, Antécédents familiaux d’épilepsie, Examen neurologique anormal, Anomalies épileptiformes à l’EEG, Présence d’une lésion cérébrale antérieure, Anomalies à l’imagerie cérébrale.
On peut également citer les antécédents de trouble des apprentissages et de retard de développement, et l’âge du patient plus élevé au moment de la crise, dont l’impact est plus controversé.
Le facteur de risque principal de récidive reste cependant les antécédents de crises non diagnostiquées jusqu’alors, à rechercher impérativement à l’interrogatoire . Après deux épisodes, le risque de récurrence s’élève en effet à environ 57% à un an, et augmente jusqu’à 73% à cinq ans.
Table des matières
I – Introduction
I – 1. Epidémiologie
I – 2. Définition de l’épilepsie
I – 3. Problématique diagnostique
I – 4. Evaluation du risque de récidive
I – 5. Recommandations de prise en charge d’une première crise épileptique
I – 6. Traitement de la première crise épileptique
I – 7. Modèle des « first seizure clinic »
II – Objectifs de l’étude
III – Matériels et méthodes
III – 1. Population
III – 2. Organisation de l’hôpital de jour
III – 3. Données cliniques et paracliniques
III – 4. Critères d’évaluation
IV – Résultats
IV – 1. Population
IV – 2. Diagnostics à l’issue de l’hôpital de jour
IV – 3. Performance de l’interrogatoire et des examens complémentaires
IV – 4. Délai d’attente
IV – 5. Conduite à tenir à l’issue de l’hôpital de jour
IV – 6. Données de suivi
V – Discussion
V – 1. Une activité pertinente
V – 2. Limites et perspectives
VI – Conclusion
VII – Annexes
VIII – Bibliographie
IX – Résumé