PRISE EN CHARGE DES MALFORMATIONS ANO-RECTALES 

PRISE EN CHARGE DES MALFORMATIONS ANO-RECTALES 

Embryologie

L’embryologie permet de mieux comprendre les différentes formes de malformations ano-rectales d’où une meilleure approche thérapeutique. 

Développement embryologique normal 

Chez l’embryon de 4 semaines le cloaque représente le carrefour des voies digestives et urinaires. Au niveau de ce cloaque confluent l’intestin postérieur, l’allantoïde, l’intestin post-anal et les canaux de Wolff situés en arrière. Le cloaque est limité par une membrane didermique formée d’entoblaste et d’ectoblaste sans interposition de mésoblaste qui forme la membrane cloacale. A la septième semaine le bourgeon caudal constitué par l’intestin post-anal et le massif mésoblastique caudal commence à régresser. Le mésenchyme caudal vient combler le territoire de l’intestin post-anal, puis il continue de migrer en avant, de part et d’autre de la membrane cloacale, pour former en superficie les bourrelets cloacaux surplombant la membrane qui apparait ainsi au fond d’une dépression dite cloaque externe ou proctodeum. En profondeur ce mésenchyme donne naissance aux replis uro-rectaux et au noyau central du périnée ; il participe ainsi au cloisonnement du cloaque .Selon les données classiques c’est vers la huitième semaine que débute le cloisonnement du cloaque par déplacement vers le bas du repli uro-rectal (théorie de Tourneux) (Fig1) et par rapprochement vers la ligne médiane de deux poussées mésoblastiques latérales (théorie de Rathke) ou par l’association de ces deux phénomènes (théorie de Duhamel). Le septum uro-rectal ainsi formé divisera le cloaque en une partie postérieure, le rectum et une partie antérieure le sinus uro-génital qui va donner naissance, en haut à la vessie et, en bas à l’urètre dans le sexe masculin et au vestibule dans le sexe féminin. Le vestibule reçoit l’urètre et sur sa paroi postérieure apparait une colonne épithéliale qui va se creuser pour former la majeure partie du vagin en continuité avec les canaux de Müller. La membrane cloacale est divisée en 2 parties l’une antérieure (membrane uro-génitale), l’autre postérieure (membrane anale) (Fig2). La membrane anale est alors isolée, 6 bordée par la partie postérieure des bourrelets anaux. Ceux –ci se soudent en avant de celle -ci et fusionnent avec la cloison uro-rectale pour former le noyau central du périnée qui, en s’épaississant, repousse en arrière le canal anal. En avant les bourrelets cloacaux devenus bourrelets génitaux vont former les organes génitaux externes. Enfin vers la 10ème semaine, la membrane anale se rompt spontanément et met en communication le rectum et le canal anal. Les théories concernant l’embryologie normale n’ont cependant jamais été prouvées sur des coupes histologiques sériées. Ainsi, l’embryologie que l’on vient de décrire ci-dessus reste quelque peu hypothétique mais permet de concevoir le mécanisme. En haut En arrière Figure 1 : Descente de l’éperon périnéal [5]. 7 En haut En arrière Figure 2 : Formation et évolution du sinus uro-génital [61] I-2 Embryologie pathologique [115] L’embryopathogénie des M.A.R reste toujours sujette à discussion ; plusieurs théories ont été évoquées comme :  la théorie de la régression caudale de Duhamel qui interprète les M.A.R comme des degrés successifs d’un même trouble de la migration du mésoblaste caudal. 8  la théorie de Van Der Putte selon laquelle un défect de la membrane cloacale est à l’origine de l’ouverture anormale du rectum dans un site périnéal ou dans les voies uro-génitales ; la fistule selon cette théorie est un anus ectopique. On peut dire en résumé que les M.A.R résultent d’une perturbation plus ou moins précoce de la phase de cloisonnement du cloaque embryonnaire. Dans les formes précoces c’est-à-dire lorsque la perturbation survient avant la 8 e semaine on a alors une M.A.R haute. L’absence de fusion de l’éperon urorectal à la membrane cloacale explique classiquement les M.A.R avec fistule urinaire chez le garçon et recto-vaginale chez la fille. Un arrêt tardif (après la huitième semaine) donne une malformation basse. 

Anatomie normale 

Situation Le rectum est un organe pelvien, péritonisé en partie, profond, épousant la concavité sacrée, situé en arrière de l’ensemble génito-urinaire, et recouvert par les anses grêles qui occupent l’espace disponible dans la cavité péritonéale. Par définition le rectum, qui fait suite au colon sigmoïde, commence au niveau de la 2 e vertèbre sacrée. Au niveau de la jonction sacro-coccygienne, il se poursuit par le canal anal qui traverse le plancher périnéal en formant le « cap anal » pour s’ouvrir ensuite vers l’extérieur par l’anus au niveau de la fossette anale. (Fig. 3) 

Anatomie descriptive

L’ampoule rectale

L’ampoule rectale, oblongue suit la concavité sacrée. Elle est distensible et son corps varie selon son état de réplétion. Elle porte de façon croissante un pli rectal crânial à sa partie moyenne, qui deviendra chez le grand enfant puis l’adulte le pli transverse du rectum. Elle comporte globalement trois tuniques : la séreuse, la musculeuse et la muqueuse. La séreuse péritonéale recouvre le rectum sur la face crâniale et le sépare de l’axe génital par l’intermédiaire du 9 cul-de-sac recto-utérin chez la fille ou recto-vésical chez le garçon (cul-de-sac de douglas). La musculeuse comprend une couche longitudinale superficielle et une couche transversale profonde. La sous-muqueuse qui sépare la couche musculaire de la muqueuse comporte des plexus et des filets nerveux. La muqueuse rectale est polymorphe et présente lorsqu’elle est vide de nombreux replis. Sa surface est hérissée de follicules lymphatiques. 

Le canal anal

Le canal est en continuité avec l’ampoule rectale dont le calibre se rétrécit. Chez le nouveau-né et le nourrisson, l’ampoule forme à cette jonction un petit cul-de-sac postérieur qui donne à l’ensemble un aspect en « siphon » au niveau du passage des muscles périnéaux. La direction du canal anal est donc d’abord oblique en bas et en avant, presque horizontale chez le tout petit, puis oblique en bas et en arrière du fait de la traction des fibres du muscle pubo-rectal. L’angle formé par ces deux portions est le « cap anal ». Le canal est caractérisé par l’absence de séreuse et de modifications au niveau des couches musculaires et muqueuses. La couche musculaire longitudinale s’amincit et vient se perdre dans la couche musculaire transversale qui s’épaissit et reçoit quelques fibres musculaires striées issues du muscle élévateur de l’anus. L’épaississement musculaire ainsi réalisé est le sphincter lisse ou interne (non volontaire). Le sphincter strié est situé en périphérie de cette zone. La muqueuse présente à ce niveau les colonnes anales qui sont séparées par les sinus anaux. Ces colonnes sont soulevées à la partie distale par les veines hémorroïdales. Ces nœuds sont très peu développés chez l’enfant. La zone ano-cutanée est marquée par l’existence de petites valvules cryptiques inconstantes .L’anus de coloration brun foncé est marqué par l’existence de plis en rayons réguliers sur toute sa circonférence. Une interruption de ces plis à 12 heures doit faire suspecter une antéposition anale. 

Rapports

Les rapports du rectum se font avec les organes pelviens de voisinage et avec les parois pelviennes. Dorsalement le rectum répond au sacrum dont il épouse la concavité. Il existe un espace clivable rétro-péritonéal entre le rectum et le plan présacré formé par le ligament vertébral commun sur lequel chemine l’artère sacrale médiane (sacrée moyenne). Ce plan cellulo-graisseux est aisément dissécable et c’est lui que l’on utilise dans l’intervention de Duhamel. Latéralement, on trouve le plexus sacré, les ganglions du tronc sympathique et l’artère sacrale latérale. Chez le nourrisson les pièces sacrées sont non jointives et séparées par le cartilage de conjugaison. La concavité sacrée est moins importante que chez l’adulte. Latéralement on retrouve 3 portions délimitées par la réflexion péritonéale et le muscle élévateur de l’anus. En haut, l’espace péritonéal du bassin (récessus para-rectal) contient une partie du ligament large et parfois l’ovaire chez la fille, des anses grêles à droite et du colon sigmoïde à gauche. L’appendice, en position pelvienne, peut se glisser dans l’espace péritonéal para-rectal. L’espace pelvien sous-péritonéal, cellulo-graisseux, est situé au-dessus du muscle élévateur de l’anus et sa limite latérale est marquée par le muscle obturateur interne. Cet espace est traversé par un important contingent vasculo-nerveux comprenant les branches du plexus nerveux végétatif hypogastrique, les branches motrices du nerf du muscle élévateur de l’anus, le pédicule vasculaire rectal moyen lorsqu’il existe avec son important plexus veineux mais aussi par les pédicules à destinée génito-urinaire. La fosse ischio-rectale (espace graisseux sous-cutané) se situe au-dessous du muscle élévateur. Elle est aussi occupée par un espace cellulo-graisseux. Le pédicule vasculo-nerveux pudendal (honteux interne) la traverse d’arrière en avant, sous le muscle élévateur de l’anus engainé par l’aponévrose du muscle obturateur (canal d’Alcock) et abandonne des branches pour le canal anal avant de se diriger vers l’ensemble génito-urinaire. Ces branches à destinée recto-anale naissent du pédicule rectal caudal 11 (hémorroïdal inférieur) et cheminent transversalement à la face caudale du muscle élévateur en direction du sphincter strié et du canal anal. Ventralement, le rectum péritonisé est en rapport avec les anses grêles dans la cavité péritonéale au niveau du cul-de-sac de Douglas. Par l’intermédiaire de ce cul-desac le rectum répond au cul-de-sac vaginal qui contient le col utérin chez la fille et la vessie chez le garçon. Dans le sexe masculin le rectum sous-péritonéal est en arrière de la vessie, des vésicules séminales, des conduits déférents, de la portion terminale des uretères et de la prostate (au niveau du cap anal). Dans le sexe féminin le rapport antérieur de cette portion est le vagin et les volumineux plexus vasculaires qui le bordent latéralement. L’uretère est en position plus latérale et croise les vaisseaux utérins de dehors en dedans, et d’arrière en avant. 

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Vascularisation (Fig. 4 et 5)

Le rectum est vascularisé à partir de trois pédicules principaux :  le pédicule rectal crânial (hémorroïdal supérieur) dépend du système mésentérique et le drainage veineux se fait vers le système porte. Le contingent de branches le plus important est situé sur la face dorsale du rectum. Le drainage lymphatique se fait vers les nœuds (ganglions) mésentériques caudaux ;  le pédicule rectal moyen des vaisseaux iliaques médiaux (hypogastriques). Le drainage veineux se fait vers le système cave et le drainage lymphatique vers les nœuds iliaques, puis lombaire. Ce pédicule rectal moyen est en fait inconstant mais les nerfs qui l’accompagnent sont toujours présents. Cet ensemble vasculaire est situé dans l’espace pelvien sous-péritonéal, accompagné par une partie des plexus nerveux hypogastriques ;  le pédicule rectal caudal est sous la dépendance du réseau pudendal (honteux interne) qui chemine à la face inférieure du muscle élévateur puis dans l’épaisseur du fascia obturateur. Le drainage veineux est 12 tributaire du système cave, les lymphatiques se dirigent vers les nœuds inguinaux. Ces trois territoires vasculaires sont anastomosés entre eux à la périphérie du rectum, en particulier pour les artères, mais aussi et surtout au niveau de la sous-muqueuse. Les vaisseaux forment à ce niveau un réseau plexiforme qui s’hypertrophie au regard du canal anal, pour former le « glomérule rectal » et le réseau veineux hémorroïdal. Ces structures sont très peu développées chez l’enfant. 

Innervation de la région ano-rectale

Elle joue un rôle majeur dans la continence

Système parasympathique Les racines des 4ème, 3ème et parfois 2ème ganglions sacrés donnent les 2 nerfs honteux internes (nerf pudendal) qui cheminent dans la paroi du rectum dans le fascia de Waldeyer. Ils ont un rôle : – moteur pour la paroi digestive, donc stimulant la motricité colique et rectale ; – sensitif, donnant la sensibilité à la distension rectale ; – inhibiteur pour les sphincters. II-1-5-2 Système sympathique Les racines issues des 2ème, 3ème, 4ème ganglions lombaires rejoignent le plexus pré-aortique pour former au niveau de la cinquième vertèbre lombaire le plexus hypogastrique qui a un double rôle : – moteur pour le sphincter interne, donc favorisant la continence ; – inhibiteur pour la paroi digestive, donc inhibant la motricité colique et rectale. Il joue, par ailleurs, un rôle important dans l’innervation de la vessie, de la prostate et du col utérin. 

Innervation de la sangle des muscles releveurs de l’anus

Les 3ème et 4ème racines sacrées innervent les muscles ilio et pubococcygiens. Les nerfs honteux (dus à une division antérieure des 2èmes, 3èmes et 4èmes racines sacrées) donnent des branches inférieures hémorroïdales et périnéales innervant la sangle des releveurs. 

Le système sphinctérien

Le segment périnéal du rectum ou canal anal comprend trois systèmes. – un système involontaire ; le sphincter interne ; – deux systèmes volontaires ; le sphincter externe et le plancher pelvien constitué des muscles releveurs de l’anus.

Le sphincter interne 

C’est un muscle lisse involontaire formant un épaississement circulaire des muscles lisses de la paroi de l’ampoule rectale. Ces derniers se renforcent dans la partie inférieure du canal anal sur une hauteur de 3 à 6 mm pour former le sphincter interne. 

Le sphincter externe 

C’est un muscle strié volontaire. On lui reconnait deux faisceaux : – Un faisceau profond, le plus haut situé, indissociable du faisceau puborectal du releveur ; – Un faisceau superficiel ou sous-cutané au-dessous du précédent, à la partie la plus inférieure du canal anal. Les fibres de ces deux faisceaux s’entrecroisent en arrière en se fixant au raphé ano-coccygien pour former le cul-d- sac rétro-anal ; certaines de ces fibres vont se fixer à la face profonde de la peau. En avant, les fibres musculaires s’entrecroisent également de part et d’autre de la ligne médiane et vont se terminer sur la face profonde de la peau et surtout sur le noyau fibreux central du périnée.

Table des matières

I -INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
I-Embryologie
I-1 Développement embryologique normal
I-2 Embryologie pathologique
II – Anatomie
II-1 Anatomie normale
II-1-1 Situation
II-1-2 Anatomie descriptive
II-1-2-1 L’ampoule rectale
II-1-2-2 Le canal anal
II-1-3 Rapports
II-1-4 Vascularisation
II-1-5 Innervation de la région ano-rectale
II-1-6 Le système sphinctérien
II-1-6-1 Le sphincter interne
II-1-6-2 Le sphincter externe
II-1-6-3 La sangle des releveurs de l’anus
II-2 Anatomie pathologique
II-2-1 Les agénésies ano-rectales
II-2-2 Les agénésies anales
II-2-3 Les atrésies rectales
II-2-4 Les dysgénésies rectales
III- CLASSIFICATION
III-1 Classification de Wingspread
III-2 Classification de Peña
III-3 Classification de Krikenbeck
IV-Physiologie
IV-1 Physiologie du rectum pédiatrique
IV-2 Physiopathologie
IV-3 Score d’appréciation de la continence
V .Diagnostic
V.1 Diagnostic positif
V.1.1. Diagnostic anténatal
V.1.2. Diagnostic néonatal
V.1.2.1.Circonstances de découverte
V.1.2.2.Signes cliniques
V.1.2.3. Signes paracliniques
V.1.2.5 Bilan malformatif
V-2 Diagnostic différentiel
V-3 Diagnostic étiologique
VI -Traitement
VI-1 Buts
VI-2 Moyens et méthodes
VI-2-1 Moyens médicaux et nursing de base
VI-2-2 Moyens instrumentaux
VI-2-3 Moyens chirurgicaux
VI-3 Indications
VI-3-1 Les malformations ano-rectales hautes et intermédiaires
VI-3-2 Les malformations ano-rectales basses
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
I Cadre de l’étude
I-1 Le Pays
I-2 Milieu d’étude
II- Patients et méthodes
II-1 Patients
II-1-1 Population d’étude
II-1-2 Critères d’inclusion
II-1-3 Critères d’exclusion
II-2 Méthodes
II-2-1 Type d’étude
II-2-2 Source de données
III- Résultats
III -1-1 Répartition selon l’âge
III -1-2 Répartition selon le sexe
III -2 Données cliniques et paracliniques
III -2-1 Délai de consultation
III -2-2 Motifs de consultation
III -2-3 Examen clinique
III -2-4 Examens complémentaires
III -3 Aspects anatomiques
III -3-1 Formes anatomocliniques des M.A.R
III -3-2 Malformations associées
III -4 Traitement
III -4-1 Moyens
III-4-2 Indications
III-4-2-1 Les formes hautes et intermédiaires
III-4-2-2 Les formes basses
III-4-2-3 Délai d’intervention
III-4-3 Surveillance post opératoire
III-5 Complications
III-5-1 Morbidité
III-5-2 Mortalité
IV-Commentaires
IV-1 Limites de l’étude
IV-2 Aspects épidémiologiques
IV-2-1 Age d’admission
IV-2-2 Sexe
IV -3 Données cliniques et paracliniques
IV-3-1 L’examen clinique
IV-3-2 Les examens complémentaire
IV-4 Aspects anatomiques
IV-5 Traitement
IV-5-1 Traitement d’attente
IV-5-2 Traitement définitif
IV-5-3 Complications
IV-5-3-1 Morbidité
IV-5-3-2 Mortalité
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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