PRISE EN CHARGE DES AFFECTIONS POTENTIELLEMENT MALIGNES

Télécharger le fichier original (Mémoire de fin d’études)

Rôles et Fonctions

Rôles

La muqueuse buccale possède une fonction de protection primordiale en protégeant les tissus profonds de la cavité buccale. Elle constitue une barrière vis à vis des bactéries ou virus, grâce
à une protection immunitaire permanente assurée par le système immunitaire local (organes lymphoïdes, lymphocytes et plasmocytes) et grâce à la salive par le biais des immunoglobulines (IgA, IgG et IgM) et d’autres facteurs (lysozyme, lactoferrine). Ainsi, en cas de blessures ou d’infections orales lorsque des bactéries à l’origine saprophytes deviennent agressives, la muqueuse buccale participe à la réparation de la lésion.
Grâce aux différents récepteurs présents au sein de la muqueuse (à la température, au tact et à la douleur), elle a une fonction sensitive et sensorielle. La fonction gustative est assurée par les bourgeons du goût qui se trouvent essentiellement au sein de la muqueuse de la face dorsale de la langue [25, 40].

Fonctions

La cavité buccale intervient dans plusieurs fonctions :
 respiratoire ; en effet, elle représente la seconde porte d’entrée de l’air dans le système respiratoire.
 digestive par la mastication qui va entrainer la formation du bol alimentaire avec une première digestion qui commence avec les enzymes salivaires depuis la cavité buccale.
 production salivaire grâce aux glandes salivaires principales et accessoires déversant leurs produits de sécrétion dans la cavité buccale. La salive en plus de son rôle digestif, possède un rôle de défenses antibactériennes et anti-cariogène.
 gustative est lui permis grâce à la présence des bourgeons du goût, situés dans la muqueuse de la cavité bucco-pharyngée.
 phonation [16, 80].

Les lésions élémentaires de la muqueuse buccale

Nous utiliserons la classification descriptive basée sur l’inspection et la palpation [25]

Lésions uniquement visibles

Il s’agit de la macule qui sont définies comme une modification de couleur sans relief ni infiltration pouvant être érythémateuse, purpurique, pigmentée et blanche. La macule correspond à une modification de l’épithélium ou du chorion [25, 40].

Lésions palpables à contenu solide

Il s’agit de lésions élémentaires primitives pouvant être regroupées sous trois formes :
Les papules qui sont des élevures de relief, non infiltrées, bien circonscrites, de petites tailles (≤ 10mm) et ne contenant pas de liquide. Il s’agit d’une augmentation de la masse épithéliale (hyperplasie) et/ ou du chorion dont la coalescence aboutie à la formation de plaques.
Les nodules sont des lésions en relief (˃10mm), infiltrées d’où l’augmentation de la masse au sein du chorion profond (prolifération cellulaire d’un carcinome). Elles peuvent évoluer vers le ramollissement et la fustilisation donnant les gommes souvent observées dans la syphilis.
Les végétations sont des excroissances dues à la prolifération exophytique de l’épithélium avec parfois un aspect papillomateuse dont la surface ressemble à un chou-fleur dans les cas des chondylomes [25, 40].

Lésions palpables à contenu liquidien

Elles sont diverses et variées pouvant être classées en :
Vésicules qui sont des élevures circonscrites de petites tailles (1 à 2 mm de diamètre) à contenu liquidien traduisant les altérations de l’épithélium par œdème intercellulaire et nécrose kératinocytaire au cours de certaines infections virales. Dans l’herpès les vésicules ont un contenu d’abord clair devenant trouble par pustilisation qui va se transformer en croute. Leur rupture précoce dans le cadre de la gingivo-stomatite herpétique va laisser en place des érosions rondes.
Bulles qui sont des élevures circonscrites mesurant plus de 5mm de diamètre avec un contenu transparent jaunâtre dans les cas de pemphigoïde bulleuse ou hémorragique dans les cas d’angine bulleuse hémorragique. Elles peuvent résulter d’un clivage intra-épithélial par mécanisme auto-immun dans le pemphigus ou par nécrose kératinocytaire liée à un phénomène immuno-allergique comme dans l’érythème polymorphe. Le clivage peut se situer à la jonction épithélium-chorion comme dans les pemphigoïdes bulleuses ou certaines épidermolyses bulleuses héréditaires. La rupture de la bulle entraine un dépôt du toit de la bulle sur la lésion dont l’aspect d’une pseudomembrane qui va disparaitre par la suite laissant en place une érosion entourée d’une collerette plus ou moins marquée d’épithélium. Par la suite l’aspect de la muqueuse est érythémateux dans les pemphigoïdes bulleuses et normal ou blanchâtre dans le pemphigus. Pustules qui sont des lésions en relief blanches ou jaunâtres contenant une sérosité trouble ou du pus franc. Elles sont dues à un afflux de polynucléaires dans l’épithélium pouvant être primitives (impétigo, pyostomatite végétante) ou survenir par infection ou vieillissement de vésicules et bulles [25, 79].

Altérations de la surface

Il s’agit de lésions avec des aspects cliniques variables pouvant être en relief, atrophique ou des pertes de substance.
Les kératoses correspondent à des anomalies de la kératinisation à la surface de l’épithélium muqueuse. Il s’agit de lésions blanches plus ou moins épaisses, parfois verruqueuses avec des surfaces pouvant être lisses ou rugueuses quadrillées ne se détachant pas. Elles peuvent dessiner un réseau donnant l’aspect d’un lichen plan.
Les enduits pultacés et pseudomembranes sont des lésions blanchâtres qui se détachent laissant apparaitre une muqueuse normale (enduits pultacés), rouge (candidose pseudomembraneuse) ou érosive (post-bulleuse). Ces lésions sont secondaires à un œdème important de l’épithélium dues soit à un renouvellement rapide de l’épithélium soit post-vésiculo-bulleuses [25, 79].

Pertes de substance

Les pertes de substances peuvent être primitives (aphtes) ou secondaires à des lésions vésiculo-bulleuses. Elles peuvent être classées en fonction de la profondeur de perte de substance.
Les érosions sont des pertes de substances superficielles n’intéressant que l’épithélium et dont la guérison se fait sans laisser de cicatrice.
Les fissures sont des érosions linéaires souvent observées au niveau des commissures labiales en cas de perlèche ou sur la face dorsale de la langue dans les langues plicaturées.
Les ulcérations sont des pertes de substances profondes touchant l’épithélium et une partie du chorion sous-jacent [25, 79]

AFFECTIONS POTENTIELLMENT MALIGNES

Facteurs de risque

Les affections potentiellement malignes peuvent se développer à partir de processus multifactoriel impliquant des facteurs génétiques, environnementaux, psychologiques et/ou infectieux. En effet, la compréhension de la survenue de certaines de ces affections (Lichen plan) repose sur deux hypothèses expliquant leurs origines :
 soit une altération des kératinocytes avec la libération d’antigènes provoquant une réponse immunitaire.
 soit une réaction immunologique primaire provoquant une altération puis l’apoptose des kératinocytes [76].

Facteur génétique

La prédisposition génétique semble jouer un rôle dans la pathogenèse d’affections tel que le lichen plan buccal [53, 93]. En effet, des génotypes homozygotes IL-6 et TNF-alpha ont été associés à un risque élevé de développer un lichen plan buccal.

Facteur psychologique

Certains troubles émotionnels tels que le stress, l’anxiété et la dépression joueraient un rôle dans la survenue et le développement d’affections potentiellement malignes. En effet le lichen plan buccal serait la conséquence d’un conflit psychologique, d’un sentiment de culpabilité ne pouvant être extériorisé par le patient [22]
Selon Lundqvist [54], un niveau élevé d’anxiété est associé à des lésions cliniques plus sévères (érosives vs réticulées) de lichen plan buccal. De plus un stress prolongé conduirait à une psychosomatisation contribuant ainsi à une initiation et un développement de lichen plan buccal [45].
Cependant, cette hypothèse psychopathogène des affections potentiellement malignes reste toujours un sujet à controverse

LIRE AUSSI :  Contrôle qualité interne de l’étude de la sensibilité aux antibiotique

Agents infectieux

Des infections virales ont été récemment été associées aux affections potentiellement malignes telles que le lichen plan buccal. Parmi ces virus, il faut citer le Human Papilloma Virus (HPV), le virus de l’hépatite C (HCV), l’Herpès Simplex Virus 1 (VHH1) et l’Epstein-Barr Virus 4 (VHH4) [10, 22, 35, 43, 76].
Des études confirmeraient une relation entre la séropositivité au VHC et le lichen plan buccal [10, 43]. En effet, le type clinique de lichen plan buccal érosif serait associé à l’infection à VHC s’accompagnant souvent de troubles fonctionnels altérant la qualité de vie des patients [35].
Le papillomavirus humain serait impliqué dans la survenue de cancers oro-pharyngés. Deux types de HPV sont particulièrement incriminés dont les HPV 16 et 18. Dans le lichen plan buccal, seul le HPV16 serait incriminé dans l’étiopathogénie [22, 76]
Par ailleurs, une association significative serait rapportée entre l’Epstein-Barr Virus et le lichen plan buccal [98].

Facteur environnemental

Malgré les controverses, la consommation de tabac, d’alcool et de noix de bétel ont été associée au développement du lichen plan buccal [85].
Certaines de ces affections potentiellement malignes telles que la fibrose sous muqueuse sont multifactorielles [8].
L’un des facteurs incriminés est la chique de la noix de bétel, contenant des alcaloïdes et les flavonoïdes qui souvent sont absorbés et métabolisés par la muqueuse buccale avec comme conséquence la production de métabolites très irritatives. Ces microtraumatismes de la muqueuse buccale déclencheront un processus inflammatoire à l’origine de la fibrose sous muqueuse [8].
Des facteurs génétiques et immunologiques ont été incriminés dans la survenue de fibrose sous-muqueuse. En effet, une prédisposition génétique est rapportée chez les sujets HLA B27, HLA A10 et HLA DR3. De plus, une augmentation du nombre de lymphocytes CD3 et CD4 a été rapportée chez les patients ayant développé une fibrose sous muqueuse [23, 38].
De plus, des facteurs nutritionnels tels que le déficit en fer, en vitamine B12 et la malnutrition seraient associés à un défaut de réparation de la muqueuse entrainant une fibrose.
Par ailleurs, une association est notée entre la quantité de tabac consommé et le risque d’apparition de lésions leucoplasiques [59].

Formes cliniques

Lichen plan

Il s’agit d’une dermatose cutanéomuqueuse inflammatoire chronique caractérisée par un trouble de la kératinisation avec des aspects cliniques polymorphes [63].
Le lichen plan peut atteindre la peau, les phanères, les muqueuses particulièrement celles buccale, génitale, anale et conjonctive [63].
L’incidence du lichen plan varie de 0.1% à 4% et touchent plus les femmes entre la quatrième et cinquième décade de la vie [27]. Les atteintes buccales sont inaugurales dans 25% des cas. Cependant, la moitié des personnes touchées présentent aussi bien des lésions cutanées que buccales [27].
Plusieurs formes cliniques sont rapportées dont celles plane, papillaire/réticulaire, érythémateuse et érosive [20].
La forme réticulée est plus fréquente et plus caractéristique. Elle forme des réseaux blanchâtres sous forme de stries (stries de Wickham), symétriques, bilatérales situées sur la face interne des joues et sur la langue (Figure 4). Elle est le plus souvent asymptomatique [20].
Figure 4 : lichen plan réticulé sur la muqueuse gingivale [22]
La forme érosive, plus dangereuse, a tendance à dégénérer. Elle se présente avec un aspect rouge vif vernissé, au fond œdématié, de taille variable et légèrement en saillie. Les érosions sont à limites nettes se situant le plus souvent au niveau des gencives, de la face dorsale et des bords latéraux de la langue. La forme érosive peut être précédée de bulles [27].
La forme atrophique également douloureuse, il s’agit d’une forme d’évolution d’un lichen plan ancien. La lésion est d’aspect lisse et légèrement déprimé avec une atrophie se traduisant par des plages dépapillées. Un léger trismus est également associé à cette forme clinique [27].
Le diagnostic clinique doit être confirmé par des examens histologiques après biopsie des lésions. Cependant, avant tout traitement, une confirmation de diagnostic histologique est nécessaire [27].
La prise en charge est codifiée et doit respecter un organigramme (Figure 16).

Leucoplasies

Il s’agit d’affections fréquentes de la cavité buccale. Les leucoplasies sont des lésions blanches, non détachables, pouvant apparaitre sur toutes les muqueuses de la cavité buccale non rattachées à une maladie connue ou à un traumatisme. Ce qui permet de les distinguer des lésions blanches idiopathiques ou provoquées par le tabac ou le chiqué [59].
Leur fréquence est plus élevée chez les fumeurs que les non-fumeurs. Les hommes sont plus touchés que les femmes.
La prévalence mondiale est estimée à 2% avec un taux de transformation maligne de 20 pour 100.000 cas par an [86].
Les leucoplasies peuvent toucher toutes les muqueuses de la cavité buccale avec deux principales formes cliniques:

Formes homogènes

Elles sont de couleur uniforme, aplaties, minces et peuvent laisser apparaître quelques fissures superficielles avec un risque de transformation maligne relativement bas (Figure 5) [91]
Figure 5: Leucoplasie homogène épaisse du bord droit de la face ventrale de la langue [65]

Formes inhomogènes

Il s’agit de lésions présentant un risque plus élevé de transformation maligne.
Elles comprennent :
• les leucoplasies tachetées de couleur blanche et rouge mais à prédominance blanche (kératose érythème)
• les leucoplasies nodulaires présentant des excroissances rouges et blanches
• les leucoplasies verruqueuses dont un des sous-groupes est la leucoplasie verruqueuse proliférative.
• les érythroleucoplasies sont des lésions de couleur rouge et blanche pouvant être nodulaire ou d’épaisseur irrégulière. Il s’agit d’une lésion avec un risque plus élevé de transformation maligne. [91]
Cette classification est purement clinique, basée sur la couleur de la surface de la lésion et sur ses caractéristiques morphologiques d’où la nécessité de préciser l’étiologie, les sites anatomiques touchés, la taille et l’étendue de la leucoplasie.
Par ailleurs, une classification prenant en compte la taille et les caractéristiques histopathologiques de la lésion a été proposée. Cette classification, pouvant être utilisée par les cliniciens, tient en compte le sexe, l’âge au moment du diagnostic, les facteurs étiologiques identifiés et les sites touchés (tableau I) [91].

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : Rappel sur la muqueuse buccale
I. MUQUEUSE BUCCALE
I.1 Anatomie
I.2 Histologie
I.2.1 Epithélium de revêtement
I.2.2 Chorion
I.2.3 Caractéristiques de la muqueuse en fonction de sa spécialisation
I.3 Rôles et Fonctions
I.3.1 Rôles
I.3.2 Fonctions
I.4 Lésions élémentaires de la muqueuse buccale
I.4.1 Lésions uniquement visibles
I.4.2 Lésions palpables à contenu solide
I.4.3 Lésions palpables à contenu liquidien
I.4.4 Altérations de la surface
I.4.5 Pertes de substance
II.AFFECTIONS POTENTIELLMENT MALIGNES
II.1 Facteurs de risque
II.1.1 Facteur génétique
II.1.2 Facteur psychologique
II.1.3 Agents infectieux
II.1.4 Facteur environnemental
II.2 Formes cliniques
II.2.1 Lichen plan
II.2.2 Leucoplasies
II.2.2.1 Formes homogènes
II.2.2.2 Formes inhomogènes
II.3 Fibroses sous muqueuses
II.4 Erythroplasies
II.5 Chéilites actiniques
III.RAPPEL SUR LES MODALITES DE PRISE EN CHARGE
III.1 Exérèse chirurgicale
III.2 Exérèse au laser CO2 [101]
III.3 Thérapie photodynamique (PDT) [7]
III.4 Traitement médicamenteux
DEUXIEME PARTIE : PRISE EN CHARGE DES AFFECTIONS POTENTIELLEMENT MALIGNES : REVUE DE LA LITTERATURE
I. Problématique et justification
II. Matériel et méthodes
II.2 Critères de non inclusion
II.3 Stratégies de la recherche
II.4 Procédures de sélection des études
III. Résultats
III.1 Sélection des études
III.2 Synthèse des données
IV. Discussion
CONCLUSION
REFERENCES
WEBOGRAPHIE

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *