Prise en charge de l’Hypertension artérielle de l’adulte à l’officine

Mesure de la pression artérielle

Dans la plupart des recommandations, la technique la plus appropriée pour repérer une HTA reste la mesure au cabinet. En cas de mesure de PA > 140/90mmHg, la MAPA (mesure ambulatoire de la PA sur 24 heures) est indiquée pour confirmer ou infirmer le diagnostic.
La HAS recommande que la mesure de la PA soit réalisée régulièrement par le médecin généraliste afin de dépister le plus précocement possible une HTA et pour surveiller l’évolution des chiffres tensionnels chez l’hypertendu. La HAS insiste également sur le rôle du Pharmacien d’officine dans la participation au dépistage de cette HTA et dans la surveillance des patients ayant une HTA.

Traitement pharmacologique

Le principal bénéfice recherché d’un traitement hypertenseur est la baisse de la PA indépendamment de la classe thérapeutique utilisée. En effet, une baisse tensionnelle permet de réduire l’incidence d’AVC, de maladies coronariennes, d’insuffisance cardiaque et de mortalité.Ainsi, pour l’initiation et la poursuite du traitement de l’HTA soit en monothérapie soit en association, les 5 classes thérapeutiques utilisables sont les suivantes :
 Les diurétiques thiazidiques (y compris chlorthalidone et indapamide).
 Les bêtabloquants.
 Les inhibiteurs calciques (ICA).
 Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC).
 Les antagonistes des récepteurs à l’angiotensine II (ARA II ou sartans).
En 2013, en France, une analyse médico‐économique3 sur l’évaluation par classe des médicaments antihypertenseurs a mis en évidence qu’il est efficient de traiter l’HTA en prévention primaire et que le coût des traitements est inférieur au coût de la prise en charge des complications.

Les bêtabloquants

Définition

Les bêtabloquants sont des antagonistes compétitifs, spécifiques et réversibles des récepteurs bêta‐adrénergiques β1 ou β1/ β2. Les principaux effets pharmacologiques (thérapeutique mais aussi effets indésirables) des bêtabloquants dépendent de la localisation.

Classification

Nous pouvons distinguer plusieurs types de bêtabloquants :
 Les bêtabloquants cardiosélectifs
Ex : Acébutolol, aténolol, Bétaxolol, bisoprolol, céliprolol, métoprolol, nébivolol.
Ils bloquent les récepteurs β1 cardiaques et présentent ainsi l’avantage de générer moins d’effets indésirables : moins de bronchoconstriction et moins de phénomène de Raynaud.
 Les bêtabloquants avec une activité sympathomimétique intrinsèque (ASI)
Ex : Pindolol, acébutolol, céliprolol.
En plus de posséder une activité bêtabloquante, ils ont une faible activité agoniste β leur permettant d’être moins bradycardisants au repos, d’entraîner une vasoconstriction artérielle moins importante, de provoquer moins d’asthénie et de diminuer le phénomène de rebond à l’arrêt brutal du traitement.
 Les bêtabloquants avec propriété α1‐bloquante
Ex : Carvédilol, Labétalol
Ces bêtabloquants possèdent des propriétés vasodilatatrices leur permettant de diminuer les résistances périphériques donc de diminuer certains effets indésirables (syndrome de Raynaud…). Mais, ils risquent d’augmenter l’hypotension orthostatique.
 Les bêtabloquants avec activité stabilisatrice de membrane
Ex : carvédilol, sotalol, propranolol
Ces bêtabloquants possèdent un effet quinidine‐like leur permettant pour certains d’avoir des indications dans les troubles du rythme cardiaque.

Pharmacocinétique

L’absorption digestive est généralement bonne et la métabolisation hépatique varie en fonction de la molécule. La liaison aux protéines plasmatiques présente également de grandes variations en fonction des bêtabloquants variant de 30% (propranolol) à 100% (sotalol).
Il est primordial également de savoir si la molécule présente des propriétés lipophiles ou hydrophiles car cela conditionne certains effets indésirables. En effet, les moléculeslipophiles, fortement métabolisés (propranolol ou métoprolol) franchissent facilement la BHE (barrière hémato‐encéphalique) et peuvent entraîner des cauchemars et des insomnies. Par contre, les bêtabloquants hydrophiles faiblement métabolisés auront une élimination essentiellement rénale.
La plupart des bêtabloquants sont métabolisés par le cytochrome CYP2D6, il faudra donc être particulièrement attentif avec les interactions médicamenteuses avec les molécules qui sont inhibiteurs ou inducteurs enzymatiques.

Effets indésirables

Les effets indésirables sont nombreux et nous pouvons retrouver :
 Asthénie
 Bronchospasme
 Troubles du métabolisme et de la nutrition (Augmentation des triglycérides et du cholestérol, hypoglycémie…)
 Troubles du sommeil (insomnies, cauchemars)
 Extrémités froides, syndrome de Raynaud
 Hypotension artérielle, hypotension orthostatique
 Bradycardie
 Troubles de la libido (impuissance…)
 Hallucinations, psychoses.

Précautions d’emploi et contre‐indications

Les principales précautions d’emploi sont les suivantes :
‐ Ne jamais arrêter brutalement le traitement
‐ Surveiller le patient en cas d’affection cardiaque ou bronchique
‐ Renforcer l’auto‐surveillance glycémique en cas de diabète car les bêtabloquants peuvent aggraver les hypoglycémies et ils en masquent les symptômes (tachycardie, palpitations, angoisse et tremblements…).
‐ Adapter le bêtabloquant et/ou la posologie en cas d’insuffisance hépatique et/ou rénale.

Stratégie thérapeutique

La posologie individuelle doit être initiée de matière progressive et doit être débutée par la moitié de la dose le plus souvent efficace et une augmentation de cette posologie ne devra se faire que si la PA n’est pas normalisée.
Pour la prise en charge de l’HTA, le traitement devra être administré en 1 prise par jour et de préférence le matin. L’arrêt doit être toujours progressif sur 15 jours.
Selon le NICE, les bêtabloquants ne sont pas recommandés comme traitement préférentiel pour l’HTA. En effet, les méta‐analyses publiées en 2005 ont confirmé la moindre protection apportée par les bêtabloquants versus les autres antihypertenseurs contre l’AVC.
De plus, les bêtabloquants ne présenteraient pas d’avantage par rapport aux diurétiques, aux IEC, aux ARA II et aux ICA sur le plan de la prévention de l’IDM (patients coronariens ou non)sauf dans les suites immédiates d’IDM.
En conclusion, les bêtabloquants restent une molécule de choix de première ligne chez les patients ayant une autre pathologie cardio‐vasculaire (post‐IDM, insuffisance cardiaque).

Les diurétiques thiazidiques et apparentés

Définition

Les diurétiques sont une classe de médicament relativement ancienne. Actuellement, ils sont toujours prescrits dans de nombreuses affections cardiovasculaires comme l’HTA, l’insuffisance cardiaque chronique et certains œdèmes. Les principales actions des diurétiques au niveau des tubules rénaux sont résumées dans le tableau 4 ci‐dessous :

Stratégie thérapeutique

Le rôle du Pharmacien d’officine est primordial lors de la prescription de diurétiques.
En effet, une surveillance clinique et biologique doit être réalisée de manière attentive et régulière afin de contrôler la natrémie, la kaliémie, la calciurie et l’uricémie.
Dans la prise en charge de l’HTA, les diurétiques de choix sont ceux ayant une durée d’action longue afin de limiter le nombre de prises pour améliorer l’observance.
L’étude médico‐économique3 de 2013 a mis en évidence que les diurétiques sont aussi efficaces que les autres classes de médicaments antihypertenseurs sur la prévention des événements cardiovasculaires. Une efficacité similaire aux ICA a également été démontrée sur la prévention des AVC.
Ainsi, les diurétiques gardent une place en prévention primaire et secondaire et ils demeurent donc recommandés dans la prise en charge de l’HTA. Il semblerait que l’indapamide et la chlortalidone soient plus efficaces que l’hydrochlorothiazide.

Médicaments ciblant le système rénine‐angiotensine (SRA)

Le système rénine angiotensine agit en synergie avec le système sympathique dans le contrôle de la PA (Figure 2). Les premiers médicaments antihypertenseurs commercialisés en France ont été les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) avec le captopril. Par la suite, ont été commercialisé les antagonistes des récepteurs à l’angiotensine II (ARA2) puis l’inhibiteur de rénine (Aliskiren).

Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC)

Définition

Les IEC sont des inhibiteurs compétitifs de l’enzyme de conversion.
Cette enzyme a pour double rôle :
‐ L’hydrolyse de l’angiotensine I (décapeptide) en angiotensine II (octapeptide).
‐ La dégradation de la bradykinine en peptides inactifs.
Ainsi, ce mécanisme d’action a pour conséquence au niveau cardiovasculaire, une baisse de la PA en réduisant les résistances artérielles et artériolaires périphériques. Au niveau rénal, les IEC diminuent la filtration glomérulaire permettant notamment chez les patients diabétiques de protéger leur fonction rénale en réduisant la protéinurie. Par contre, l’inhibition de la dégradation de la bradykinine est à l’origine d’effets indésirables de toux sèche (6% des cas) et d’angio‐œdème potentiellement mortel.
La classification des IEC est la suivante :
 Les IEC à fonction thiol. Ex : captotril
 Les IEC ayant une fonction carboxylique estérifiée : pro‐drogue. Ex : énalapril, lisinopril,
périndopril, ramipril.

Pharmacocinétique

Pour la majorité des IEC, la résorption digestive est de l’ordre de 60 à 70%. Elle est fortement modifiée lors de la prise concomitante d’aliments (sauf le captopril et le périndopril). Le métabolisme est principalement hépatique et l’élimination est rénale sauf le captopril qui présente une élimination mixte (rénale et biliaire).

Effets indésirables

Les principaux effets indésirables des IEC sont les suivants :
‐ Hyperkaliémie/hyponatrémie
‐ Hypotension artérielle
‐ Insuffisance rénale aiguë fonctionnelle
‐ Toux sèche
‐ Angio‐œdème
‐ Dysgueusies transitoires.

Contre‐indications

Les principales contre‐indications des IEC sont les suivantes :
‐ Grossesse 2ème et 3ème trimestre
‐ Allaitement
‐ Sténose artérielle rénale bilatérale.

Interactions médicamenteuses

Les interactions médicamenteuses nécessitant une précaution d’emploi sont les suivantes :
‐ Les médicaments hyperkaliémiants
‐ Le lithium
‐ Les AINS.

Les antagonistes de l’angiotensine II (ARA II ou sartan)

Définition

Les ARA II sont des antagonistes soit compétitifs soit non compétitifs des récepteurs AT1 de l’angiotensine II.
Les effets pharmacologiques attendus sont les mêmes qu’avec les IEC mais ce mécanisme d’action présente plusieurs avantages par rapport aux IEC :
 Une surproduction endogène d’angiotensine II qui va stimuler les récepteurs AT2(propriété protectrice au niveau cérébrovasculaire).
 Une absence d’accumulation de bradykinine (pas de toux, ni d’angio‐œdème).
En France, 7 ARA II sont disponibles pour le traitement de l’HTA : Candesartan, irbésartan,valsartan, losartan, telmisartan, olmésartan, éprosartan.
Depuis janvier 2017, en raison d’un risque d’effet indésirable rare mais potentiellement mortel d’entéropathie, les spécialités à base d’olmésartan dans le traitement de l’HTA sont déremboursées.

Pharmacocinétique

La plupart des ARA II présente une bonne résorption digestive et une liaison importante aux protéines plasmatiques. Le métabolisme est essentiellement hépatique et l’élimination est mixte (rénale + biliaire).

Stratégie thérapeutique globale

Dès la consultation d’information et d’annonce de la pathologie au patient, il est recommandé que les MHD précédemment décrites soient initiées à tous les patientshypertendus. En effet, il est important de rappeler régulièrement aux patients que les MHDcontribuent à la réduction des chiffres tensionnels et font partie intégrante de la prise encharge.
Le délai de mise en route du traitement pharmacologique est variable en fonction du profil du patient et de la sévérité de son HTA. Il sera adapté pour atteindre l’objectif d’une PA contrôlée à 6 mois.
Durant cette période, une surveillance accrue du patient est recommandée chaque mois afin d’évaluer la tolérance, l’efficacité du traitement, renforcer l’éducation thérapeutique et s’assurer que le patient est suffisamment informé sur sa pathologie.
D’après la HAS12, 70% des patients hypertendus en consultation de ville ne présentent pas de complications. Il est tout de même recommandé d’adapter le choix de la molécule en monothérapie en fonction des comorbidités associées. (Tableau 5).
Pour démarrer un traitement antihypertenseur, le prescripteur va démarrer par une monothérapie lorsque la découverte de l’HTA est récente et que les chiffres tensionnels sont peu élevés. Il est recommandé de démarrer le traitement par : diurétique thiazidique, IEC, ouARA II idéalement en mono‐prise. Les bêtabloquants peuvent être utilisés mais ils semblent moins protecteurs vis‐à‐vis des AVC.
Une surveillance de la PA devra être réalisée chaque mois jusqu’à l’obtention de l’objectif tensionnel.
A un mois, si malgré la monothérapie, l’objectif tensionnel n’est toujours pas atteint (inefficacité, efficacité insuffisante ou mauvaise tolérance), la HAS recommande le passage à une bithérapie qui va améliorer l’efficacité en réduisant les effets indésirables. Cettebithérapie sera préférentiellement fixe c’est‐à‐dire un seul comprimé contenant les 2 principes actifs.
Dans ce cas, il convient d’associer 2 des 3 classes suivantes : bloqueurs du système rénine‐angiotensine (IEC ou ARA II), inhibiteur calcique, diurétique thiazidique sauf en cas de mauvaise tolérance.
Si la bithérapie n’est pas suffisante et que l’objectif tensionnel n’est toujours pas atteint, une trithérapie sera prescrite. Elle devra comporter idéalement l’association d’un bloqueur du système rénine‐angiotensine (IEC ou ARA II), d’un inhibiteur calcique et d’un diurétique thiazidique sauf en cas de mauvaise tolérance. L’association d’un IEC et d’un ARA.
II n’est pas recommandée pour le traitement de l’HTA.
Lors de la prise d’association, il est recommandé de prescrire des associations fixes afin d’améliorer l’observance médicamenteuse des patients.
La Société Française d’HyperTension Artérielle (SFHTA) recommande également de privilégier les médicaments ayant une durée d’action importante permettant une prise journalière. De plus, il est essentiel que le Pharmacien d’officine explique aux patients que les médicaments antihypertenseurs génériques commercialisés en France ont une efficacité comparable au princeps.
En cas d’une HTA sévère confirmée (PAS > 180mmHg et PAD > 110mmHg), un traitement pharmacologique doit être instauré immédiatement.
Les professionnels de santé devront s’assurer de la bonne tolérance en particulier chez le patient âgé, diabétique ou insuffisant rénal. De même, une surveillance de la fonction rénale et du ionogramme sanguin est recommandée en cas d’introduction ou d’adaptation posologique des bloqueurs du système rénine‐angiotensine et/ou des diurétiques.

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