Prise en charge de l’aplv & évolution de la maladie

PREVENTION NUTRITIONNELLE DE L’APLV

La prévalence des allergies alimentaires est en forte croissance au cours des dernières années.
La prévention de la pathologie allergique comme élément de prise en charge devient une préoccupation des professionnels de santé. La prévention primaire consiste à établir des recommandations simples pouvant contribuer à diminuer l’apparition d’allergies alimentaires précoces. Les sociétés savantes émettent des recommandations pour la prévention de l’allergie (126). Ainsi, la SFP propose l’identification des enfants à risque par une recherche systématique des antécédents familiaux et préconise pour ces enfants un allaitement maternel exclusif et le cas contraire le recours à des formules infantiles hypoallergéniques (HA) ayant fait la preuve de leur efficacité (127).

Au cours de la grossesse

La sensibilisation aux protéines de lait de vache peut se faire in utero (111). Des études ontmontré la possibilité de passage des allergènes alimentaires à travers le placenta et le laitmaternel. La détection de protéines alimentaires dans la circulation fœtale et le liquideamniotique est confirmée (108). Il pourrait alors être proposé systématiquement une exclusion des allergènes les plus fréquents au cours de la grossesse ou de l’allaitement pour les femmesdontl’enfant est à risque allergique (96). Toutefois, l’éviction des protéines de lait de vachen’a aucun effet préventif sur la survenue d’une APLV (114). Une exclusion du lait et produitslaitiers pourrait même accroître le risque d’APLV de l’enfant. Il n’y a « pas actuellement deconsensus sur l’utilité d’un régime d’éviction de lait et laitages chez la femme enceinte ou allaitante » (108). Il existe aussi des risques nutritionnels et de carences pour la mère et l’enfant à naître. De manière générale, seule l’éviction de l’arachide au cours de la grossesse et l’allaitement est préconisée (96) (127) s’agissant d’un aliment nutritionnellement non essentiel dans les pays développés.

Au cours de l’allaitement maternel

L’allaitement maternel constitue l’alimentation idéale et naturelle d’un point de vue nutritionnel, immunologique, psychologique et économique. Un effet protecteur contre les allergies existe mais il est non systématique et transitoire (96). L’APLV est par ailleurs moins sévère chez des enfants allaités allergiques en comparaison à ceux nourris avec une préparation infantile (97). Chez l’enfant à risque, un allaitement maternel exclusif et prolongé jusque 6 mois est d’autant plus recommandé. « L’exclusion des protéines de lait de vache du régime d’une mère allaitante n’est pas recommandé » (114) dans un but préventif de l’APLV. Même en présence d’un terrain atopique familial, aucune exclusion alimentaire n’est préconisée au cours de l’allaitement (126) hormis l’arachide qui ne présente aucun intérêt d’ordre nutritionnel.
Lorsque la mère a opté pour un allaitement exclusif, l’administration de biberons de complément à la maternité est à proscrire. Dans les situations qui le justifient (macrosomie, prématurité, mère en réanimation, etc.) un « hydrolysat poussé de protéines de lait de vache devra être prescrit » (114) et non une préparation infantile standard ou un lait hypoallergénique. L’utilisation d’un HPP prévient le risque de survenue ultérieure d’une allergie aux protéines du lait de vache. L’intervalle libre de plusieurs semaines entre la stimulation antigénique et la consommation de protéines de lait de vache au cours du sevrage aurait pour effet de perturber les processus d’acquisition de la tolérance alimentaire (114). Il en serait de même si un nourrisson exclusivement allaité avait besoin de biberons desupplément de manière transitoire.

En cas d’alimentation au biberon

En présence d’un terrain atopique familial, que l’allaitement ne soit pas effectué ou partiellement effectué, un lait hypoallergénique doit être prescrit dès la naissance (126). Il s’agit d’une préparation infantile à base de protéines partiellement hydrolysées signant un potentiel allergénique réduit par rapport aux protéines de lait natives bien que le potentiel antigénique soit supérieur aux hydrolysats poussés de protéines. L’introduction précoce, à des doses croissantes, doit théoriquement faciliter l’acquisition de la tolérance. Chaque préparation pour nourrissons et préparation de suite contenant des hydrolysats de protéinesdoit faire l’objet d’une évaluation clinique dans la population cible avant toute utilisation (128) démontrant son innocuité et l’adéquation aux besoins nutritionnels.
La Directive 2006/141/CE5 , abrogée dans l’ensemble de ses dispositions au 21 février 2021,spécifie les critères que doivent respecter les préparations pour nourrissons à based’hydrolysats de protéines pour alléguer un bénéfice de santé soulignant leur rôle dans la réduction du risque d’allergie aux protéines de lait. La quantité de protéines immunoréactives dans ces hydrolysats est inférieure à 1 % de la teneur totale en substances azotées du mélange. L’adéquation et la sécurité de l’hydrolysat sont démontrées sur (1) des études expérimentales (absence de sensibilisation chez l’animal) et (2) des essais cliniques montrant que l’hydrolysat est toléré par plus de 90 % des nourrissons (IC 95 %) présentant une hypersensibilité.

TRAITEMENT PHARMACOLOGIQUE ET TRAITEMENT DE FOND DE L’APLV DIAGNOSTIQUEE

Encore aujourd’hui, la prise en charge thérapeutique des allergies alimentaires dont l’APLV repose en majeure partie voire en totalité sur la diététique. La thérapeutique de l’APLV consiste en la suppression du lait de vache natif et des produits dérivés. La prescription d’un régime d’éviction stricte associée à un substitut satisfait au traitement de l’APLV. Toutefois, lorsqu’un enfant présente une réaction sévère après l’ingestion de l’allergène, une prise en charge symptomatique en urgence s’avère nécessaire .

Traitement de fond : l’immunothérapie

Des tentatives d’induction de tolérance ont été réalisées, en particulier chez des enfants âgés atteints d’APLV persistante (117). L’induction de tolérance ou immunothérapie orale, en anglais specific oral tolerance induction, vise la réintroduction de l’allergène alimentaire à des doses progressivement croissantes « jusqu’à ce que celui-ci soit consommé en quantité normale et sans réaction » (132). Le protocole identifie une phase d’induction de durée variable suivie d’une phrase de maintenance. Différents types d’immunothérapie telle que l’immunothérapie orale ou sublinguale (sur le modèle de la technique employée pour les pneumallergènes) ont été testés avec des résultats contradictoires (117) parfois avec une amélioration de la dose de lait de vache tolérée ou au contraire un abaissement du seuil réactogène. Les stratégies reposant sur une immunothérapie spécifique sont encore réservées à quelques centres spécialisés et d’indication très restreinte (133).

PRISE EN CHARGE DIETETIQUE DE L’APLV

Les dates clés du lait en poudre

En 1851, l’Américain Gail Borden met au point le procédé de fabrication du premier lait concentré qui révolutionne la conservation du produit sans réfrigération. En 1860 en Europe, le pharmacien suisse Henri Nestlé élabore une farine lactée, mélange de lait de vache et de céréales afin de lutter contre la malnutrition infantile. En 1908, le suisse Maurice Guigoz procède au chauffage à basse température du lait sous vide et donne le jour au procédé de dessiccation. Ce lait appelé Crémo remporte la médaille d’argent à l’Exposition nationale de Berne en 1914. Crémo devient le lait infantile Guigoz disponible en pharmacies et dans les boulangeries au lancement. En 1937, Guigoz invente l’Upérisation Haute Température (UHT) pour stériliser le lait et le conserver plus longtemps sans altération de ses qualités nutritionnelles. Après la Seconde Guerre mondiale, les évolutions socio-culturelles favorisent un rapide essor de l’utilisation de ces substituts en poudre. En 1974, la Vingt-Septième Assemblée mondiale de la Santé décrit un déclin de l’allaitement au sein. Un cadre légal à différents niveaux se met alors progressivement en place dès les années 1990 qui régit entre autres la fabrication, les critères de composition et de qualité nutritionnelle des préparations infantiles ou encore les pratiques de communication et de promotion. Le lait utilisé pour les différentes préparations est essentiellement dérivé du lait de vache. Il est traité et supplémenté pour être consommable et répondre aux besoins particuliers des nourrissons en bonne santé ou ceux ayant des besoins nutritionnels particuliers. Il existe quelques alternatives notamment à base de protéines d’origine végétale (riz, soja).

Stratégie décisionnelle du substitut en cas d’APLV

La première année de vie du nourrisson correspond à une période critique de croissance et de développement rapide (33). Le nourrisson est particulièrement dépendant d’une alimentation adaptée à ses besoins protéiques et énergétiques élevés (20). La prise en charge diététique de l’allergie alimentaire avant la diversification est capitale pour améliorer la qualité de vie de la personne allergique. L’exclusion de l’allergène de la diète ne doit pas générer de contrainte majeure au quotidien. Le traitement diététique de l’APLV repose sur l’élimination de toutes les protéines entières du lait de vache (117) (134). La difficulté est que l’APLV en elle-mêmeou une éviction mal menée peuvent affecter la croissance staturo-pondérale et la minéralisation osseuse (120). La prise en charge doit garantir la croissance et le développement adéquat du jeune enfant (117).

Recommandations de la Société Française de Pédiatrie

Selon les recommandations du Comité de nutrition de la Société Française de Pédiatrie CNSFP (133), après confirmation du diagnostic par l’épreuve d’éviction et de réintroduction, la prise en charge de l’APLV repose en premier lieu sur l’éviction de tout aliment contenant des protéines de lait de vache pendant au moins 6 mois ou jusqu’à l’âge de 9 voire 12 mois (134) (120). Une poursuite du régime d’élimination jusqu’à l’âge de 12 voire 18 mois avant un test de provocation orale est possible (117). Le choix de la préparation dépend de son potentiel allergénique résiduel, sa composition, son coût et la disponibilité, l’acceptation par le nourrisson et la présence de données cliniques démontrant l’efficacité de la formule sur les pans allergologique et nutritionnel.

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Chez l’enfant allaité

Lorsque l’APLV est confirmée au cours de l’allaitement exclusif, un régime d’éviction des protéines du lait de vache à titre d’épreuve devrait entraîner la disparition rapide des symptômes chez l’enfant. Le régime exclut le lait, les laitages, les fromages, le beurre, la crème fraîche et tous les produits contenant du lait. Une supplémentation orale en calcium et vitamine D devra être prescrite chez la mère au cours de ce dernier (120). Si les symptômes s’améliorent ou disparaissent, il est alors possible de tenter la réintroduction progressive des protéines du lait de vache dans le régime maternel sans dépasser la dose maximale tolérée par l’enfant. Si le régime ne permet pas l’amélioration du tableau clinique, il doit être arrêté pour rechercher une autre étiologie.
Si les manifestations surviennent à l’occasion du sevrage, la reprise de l’allaitement exclusif sans régime chez la mère est à encourager (121) puisque le lait maternel était précédemment toléré.

Chez l’enfant non allaité

Chez les enfants nourris partiellement ou totalement au biberon, il s’agit de remplacer la préparation pour nourrisson, le lait de vache et les produits laitiers par une formule de substitution appropriée. Trois principales familles de produits sont disponibles : ceux à base d’un hydrolysat poussé de protéines (HPP) soit de caséines soit de lactosérum, les préparations à base d’acides aminés (FAA) et les préparations à base de protéines de soja ou de riz ne contenant pas de lait de vache (120).
La première intention consiste en la prescription d’une formule à base d’un hydrolysat poussé de protéines (HPP) de lait de vache. Les préparations à base de protéines de soja ne sont pas recommandées en première intention chez les nourrissons de moins de 6 mois. En cas d’échec de la préparation HPP, l’utilisation en seconde intention d’une formule à base d’acides aminés (FAA) est justifiée pour prévenir le risque d’accidents anaphylactiques aigus graves et potentiellement mortels.

Les hydrolysats poussés de protéines du lait de vache

Définition

Ces préparations sont utilisées en première intention chez les enfants souffrant d’APLV. Ces préparations se différencient entre elles essentiellement sur deux points : d’abord sur la nature de la fraction protéique issue du lait de vache et sur la présence ou non de lactose (133). La part protéique peut être constituée soit d’hydrolysats poussés de caséines soit d’hydrolysats poussés de protéines solubles (lactosérum), principale source d’azote de la formule. Leurobtention industrielle est basée sur une combinaison de plusieurs techniques : des procédés thermiques et une hydrolyse enzymatique, auxquels s’ajoute une ultrafiltration afin de garantir une réelle hypoallergénicité. L’objectif est de réduire le poids moléculaire des protéines et dedégrader les épitopes séquentiels et conformationnels. La chaleur affecte les protéines du lactosérum, modifie la structure protéique de la molécule et élimine la majorité des épitopes conformationnels B sans modification des épitopes T. L’hydrolyse enzymatique dégrade les caséines, puis l’ultrafiltration retient les peptides de haut poids moléculaire. Toutefois, uneactivité antigénique résiduelle demeure en raison des traces de β-lactoglobuline que l’on peut détecter.
Il n’existe ni consensus ni définition règlementaire pour établir une classification des préparations partiellement et fortement hydrolysées selon le degré de fragmentation desprotéines (128). Dans les formules HPP, les protéines du lait de vache ont subi une hydrolyseextensive, l’objectif étant de diminuer leur caractère antigénique (130) par destruction desépitopes afin de garantir davantage de tolérance par l’enfant allergique. Le poids moléculaireminimum des peptides pour liaison aux IgE spécifiques est estimé entre 3 000 et 5 000 daltons(Da) (108) représentant le « degré d’hydrolyse visé par les fabricants » pour une majorité de l’apport protéique de ces mélanges.
L’Académie américaine de pédiatrie considère un poids moléculaire de chaque peptideinférieur à 3 000 Da (117) pour qualifier une formule d’hydrolysat poussé de protéines.
Cependant, aucune donnée n’indique qu’un tel seuil garantirait la prévention de la survenue de réactions allergiques chez les nourrissons et les jeunes enfants atteints d’APLV (117).
En 1993, le Comité de nutrition de la Société européenne de gastroentérologie et nutrition pédiatrique a également recommandé l’utilisation d’hydrolysats poussés de protéinescontenant des peptides de poids moléculaire inférieur à 1 300 Da (133) mais cette limite nepermet pas de prédire le degré d’immunogénicité ou de réaction potentielle chez l’enfantallergique. Des essais cliniques doivent démontrer que le mélange est toléré par au moins 90 % des enfants (IC 95 %) ayant une allergie documentée aux protéines du lait de vache.
La majorité des enfants tolèrent ces préparations (117) et il n’y a pas d’argument en faveur d’une supériorité de l’une ou l’autre source protéique (130). Néanmoins, aucun hydrolysat ne garantit l’absence d’activité antigénique résiduelle (108) détectable par l’utilisation de sérum de nourrissons ayant une APLV extrêmement sensibles. En raison de l’hydrolyse poussée, ces préparations présentent une difficulté d’acceptation liée à une amertume prononcée (130).

Adéquation nutritionnelle des HPP à base de lait de vache

Chez l’enfant allergique, l’HPP constitue la source alimentaire exclusive au cours des 4 à 6 premiers mois et le principal aliment au cours d’une alimentation progressivement diversifiée,assurant la moitié de l’apport quotidien. L’adéquation nutritionnelle de ces préparations est essentielle et doit faire l’objet d’études dans la population cible pour laquelle la maladie peut largement affecter la croissance.
Bien qu’en pratique clinique, ces préparations soient généralement tolérées par la majorité de nourrissons, une démonstration de leur efficacité clinique et nutritionnelle n’est pas systématiquement réalisée (120) (134). Le suivi des indices anthropométriques comportent : poids / âge, taille / âge et périmètre crânien. Les paramètres biochimiques habituels peuvent également être suivis (120). Ces résultats doivent permettre d’observer une normalisation des indices anthropométriques voire un rattrapage de croissance en cas de perte de poids (115).
La plupart des données disponibles étant en outre obtenues sur des nourrissons sains ou à risque d’atopie. Dans son commentaire de 2012, le CNSFP regrette le faible nombre d’études et la puissance statistique insuffisante des quelques études existantes sur des HPP fabriqués à partir de lait de vache. En raison d’évolutions de formulation au cours du temps, le décalage entre les formules évaluées et celles effectivement commercialisées est également souligné (133). Dans sa récente revue, ce même comité note que davantage de données ont été publiées se concentrant sur les populations allergiques mais que l’efficacité nutritionnelle n’est pas encore systématiquement démontrée pour de nombreuses formules (120).

Ajout d’ingrédients présumés actifs

Dans son commentaire de 2012, le CNSFP relève par précaution que l’addition aux substituts du lait maternel de composés ayant une action présumée contre la réaction allergique doit être considérée « avec beaucoup de prudence dans l’état actuel du niveau de preuves » (133).Aucune étude ne démontre l’utilité ni des probiotiques (117) ni des acides gras poly-insaturés à longue chaîne dans le traitement diététique de l’APLV.
S’inspirant du lait maternel mature qui en contient 6,3 g / 100 ml en moyenne, du lactose peut être ajouté aux hydrolysats extensifs de protéines de lait de vache : Althéra® 3,8 g / 100 ml et Pepticate® 2,9 g / 100 ml. La consommation de lactose n’est pas contre-indiquée dans l’APLV (117) (133), les HPP disponibles contenant du lactose purifié. Ainsi, la crainte initiale selon laquelle les traces de protéines de lait de vache présentes dans le lactose ajouté pouvaient déclencher une réaction allergique n’est plus d’actualité. Les préparations avec lactose présentent une meilleure palatabilité facilitant ainsi l’acceptation. Chez le nourrisson, le lactose est en partie hydrolysé dans l’intestin grêle puis atteint le côlon où il peut moduler la croissance préférentielle des bifidobactéries et lactobacilles. Cet effet positif a été observédans une étude dont l’objectif était d’évaluer l’influence du lactose sur le microbiote fécal et le métabolome gastro-intestinal des enfants allergiques aux protéines de lait de vache (135).
En présence d’une entéropathie avec diarrhée ou d’une intolérance au lactose, le choixs’orientera vers une formule sans lactose.

Formules HPP présentes sur le marché français

Ces formules se conforment a priori à la règlementation6 des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales (ex-aliments diététiques). Selon les références, les industriels proposent des formulations 1er et 2ème âge afin de répondre aux besoins nutritionnels spécifiques des nourrissons APLV au cours de la croissance.

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