PRISE EN CHARGE CHIRURGICALE DE L’HYPOSPADIAS AU SERVICE DE CHIRURGIE PEDIATRIQUE
ANATOMIE PATHOLOGIQUE
L’hypospadias correspond à une anomalie embryonnaire du développement de la verge qui aboutit à un méat urétral ectopique sur la face ventrale de la verge. Il existe une hypoplasie tissulaire touchant le corps spongieux, la gouttière urétrale, le gland et le prépuce (figures 1 et 2). Dans l’hypospadias, le corps spongieux se divise et forme deux piliers latéraux. La gouttière urétrale est alors apparente entre ces deux piliers, d’autre part le corps spongieux est hypoplasique et s’interrompt pour former un méat s’abouchant sur la face ventrale de la verge. Le gland est également pathologique, ouvert vers l’avant et séparé par la fossette naviculaire. Au niveau du prépuce, les replis préputiaux ne se sont pas accolés formant un hémi-prépuce en « tablier de sapeur ». Ainsi, les hypospadias sévères correspondent à un arrêt précoce (vers la 11ème semaine de gestation) du processus de tubulisation de la gouttière urétrale, alors que les hypospades plus distaux se forment plus tardivement aux alentours de la 16 ème semaine. On décrit triangle d’hypoplasie tissulaire. La pointe de ce triangle, proximale, correspond à la division du corps spongieux. Il est limité latéralement par les 2 piliers du corps spongieux et sa base est distale au niveau du gland. Le méat s’abouche au sein de ce triangle qui correspond à l’ensemble du tissu hypoplasique de l’hypospadias [33]. L’hypospadias antérieur est souvent isolé sans autres anomalies associées. Dans les autres d’hypospadias (moyen et postérieur) on peut observer des anomalies associées comme la bifidité scrotale, la torsion du pénis, une transposition scrotale, le micropénis et la cryptorchidie. 6 Figure 1: Anatomie chirurgicale de l’hypospadias : hypoplasie triangulaire de la face ventrale de la verge [34] Figure 2: Repérage du point de division du corps spongieux par l’intersection des deux lignes représentées par les versants interne et externe du prépuce : limite proximale de la malformation [34] Bas Latéral Bas Latéral 7 2. CLASSIFICATION [22] Les hypospadias sont regroupés en 3 formes .Il y a des formes dites « antérieures» ou « distales» représentant plus de 70% des cas, des formes « moyennes» retrouvées dans 10% des cas et des formes « postérieures» ou« proximales» qui représentent 20% des cas. Beaucoup de classifications ont été proposées. Toutes ces classifications ont pour inconvénient de ne pas tenir compte de la coudure ventrale de la verge. A l’inverse, la classification décrite par Bracka et popularisée par Duckett, est réalisée après la correction d’une éventuelle chordèe associée (Figure 3). Figure 3: Différentes classifications de l’hypospadias selon la position du méat
TRAITEMENT
But
Le traitement est chirurgical. Son but est de rétablir une anatomie et une fonctionnalité de la verge, la plus proche possible de la normale. Il s’agit d’obtenir la verge droite à l’érection, le méat urétral apical, le jet mictionnel franc et l’apparence cosmétique satisfaisante . Il faut aussi prévenir et traiter les complications.
Moyens et méthodes
Médicaux
La place de l’hormonothérapie dans l’hypospadias reste limitée et controversée. La stimulation androgénique par Testostérone ou par DHT permet d’obtenir une croissance de verge en longueur (1.3cm ± 1.2) et en diamètre (notamment au niveau du gland) mais surtout améliore la trophicité et la vascularisation tissulaire de la verge. L’antibiothérapie en pré et postopératoire, les analgiques et la psychothérapie sont une étape importante de la prise en charge
Particularités de la chirurgie de l’hypospadias
Instruments
Il est important d’utiliser des instruments de microchirurgie permettant un travail précis. Il faut aussi recourir à un grossissement optique par l’utilisation des loupes avec un grossissement de 3 à 4.
Hémostase
La chirurgie de la verge étant hémorragique, l’hémostase constitue un impératif majeur qu’il faut respecter. Une hémostase imparfaite est source d’hématome et d’infection. A l’inverse une coagulation excessive est source de nécrose avec comme conséquence l’infection et l’échec de la cure. La plupart des chirurgiens utilisent un tourniquet à la base de la verge qui est relâché toutes les 30 minutes(Garrot). L’hémostase des vaisseaux qui saignent reste incontournable.
Sutures Les fils utilisés sont résorbable
La préférence de beaucoup d’auteurs est pour les fils à base de polydioxanone ou de polyglactine 9 /10,7/0 ou 6/0. Les lambeaux doivent être tenus et manipulés avec des fils tracteurs et non avec des pinces, leurs extrémités mal vascularisées seront réséquées. La non superposition des sutures est un principe qui doit toujours être respecté.
Pansement post-opératoire
Les avis sur la nécessité d’un pansement post-opératoire sont partagés. Pour la plupart des auteurs, un pansement légèrement compressif permet de maintenir la verge en rectitude, de limiter les risques d’hématome et d’œdème postopératoires ainsi que de protéger les points de sutures. Il est laissé en place pendant 5 à 7 jours. Les matériaux utilisés pour ce pansement sont variables (pansement bio-occlusif stérile transparent, coton stérile, pansement siliconé…). Un pansement au tulle gras, verge au zénith et légèrement compressif est le plus souvent utilisé (figure 4). Le pansement peut prendre tout le pénis, ou comme le préconise la plupart des auteurs, entourer partiellement celui-ci (figure 5). 10 Figure 4: Utilisation d’un pansement interface siliconé (Mepitelt) au contact des sutures (Dr N.A.Ndoye, service de chirurgie pédiatrique CHNEAR) Figure 5: Pansement « marguerite» et drainage libre de la sonde transurétrale dans un système double couche (Dr N.A.Ndoye, service de chirurgie pédiatrique CHNEAR) Latéral Haut Haut Latéral
Drainage
Le drainage temporaire en post-opératoire dans la chirurgie de l’hypospadias antérieur ou moyen reste un débat ouvert. Certaines équipes ne drainent pas les hypospades antérieurs ; d’autres préfèrent un drainage temporaire de 24 heures à quelques jours. La durée du drainage dépend de la technique d’urétroplastie utilisée et de l’équipe chirurgicale. Cette dérivation des urines est réalisée par deux procédés : soit une sonde à ballonnet intra-vésical, soit un tuteur transurétral et sous-vésical.
L’Analgésie post-opératoire
Il est possible de réaliser un bloc pénien à la fin de l’intervention dans le but d’obtenir une analgésie post-opératoire efficace et qui dure plusieurs heures. La plupart des auteurs utilisent l’acétaminophène seul pour contrôler la douleur post-opératoire chez les enfants de bas âge. Chez les enfants plus âgés, l’adjonction d’un autre analgésique peut être nécessaire.
Age à l’intervention
Il n’y a pas de consensus sur l’âge optimal de l’opération. Cependant, la plupart des sociétés savantes préconisent d’opérer l’enfant lorsqu’il est âgé entre 6 et 18 mois [25].
Moyens proprement dits
Urétroplasie
Le choix de l’urétroplastie ne peut se faire qu’après avoir apprécié la coudure de la verge et la qualité de la gouttière urétrale. Il existe plusieurs techniques d’urétroplastie. Nous décrirons les plus utilisées dans notre contexte. Technique de Duplay . Elle consiste à tubuliser la plaque urétrale sur elle-même depuis l’orifice ectopique jusqu’au sommet du gland .Cette tubulisation suppose que la plaque urétrale est suffisamment large.La gouttière urétrale est incisée en U au bistouri froid, les deux (2) ailes du gland ainsi créées sont libérées en profondeur et latéralement .Puis la gouttière est tubulisée autour d’une sonde urétrale charnière 8, par surjet de fil résorbable 6-0 (Figure 6). Toutes les modifications apportées au procédé de Duplay essaient de placer le méat définitif au sommet du gland tout en évitant la manipulation de cette zone à risque. Les modifications apportées exploitent quelques idées originales résumées par les orientations suivantes : – Etoffer, enjamber et contourner le sillon – Utiliser un greffon libre.
Technique de MATHIEU
Elle consiste à réaliser une incision en U passant par les berges de la plaque urétrale et se prolongeant en bas délimitant ainsi le lambeau pénien, et en haut jusqu’à l’extrémité du gland. Ceci permet une délimitation du lambeau qui doit être de largeur et longueur suffisantes pour reconstruire l’urètre et l’amener jusqu’au sommet du gland. Ensuite une dissection du lambeau pénien qui est basculé autour de sa charnière rétro-méatique et suturé à la plaque urétrale autour d’un drain Charnière 8 ou 10 est réalisé (Figure 7). a-deux incisions parallèles sont effectuées de chaque côté de la gouttière urétrale jusqu’à l’extrémité du gland et en profondeur jusqu’au corps caverneux. Haut Latéral Figure 7 : Etapes de la technique de Mathieu [22] d-Suture sur les berges de la gouttière. d b-c- l’incision délimite un lambeau cutané dont la base est représentée par le méat ectopique qui sera basculé vers l’avant. Haut Latéral
Technique d’ONLAY par lambeau préputial pédiculé
Le principe général de la technique dite du « lambeau préputial pédiculé » ou « Onlay-Island Flap » est le suivant : un lambeau de peau du prépuce est disséqué et mobilisé sur un pédicule isolé dans le tissu sous-cutané dorsal du pénis .Il est ensuite basculé sur la face ventrale de la verge et suturé en ‘patch’ sur la gouttière urétrale pour constituer un canal qui va jusqu’à l’apex du gland (figure 8) a-Incision en U à partir du méat délimitant la gouttière urétrale jusqu’à la base du gland et se prolongeant sur les bords libres du prépuce et à la face dorsale du pénis. b-Déshabillage complet de la verge jusqu’à sa base et correction de la courbure 16 c-Dissection du lambeau préputial en respectant son pédicule. d-Bascule du versant muqueux du lambeau préputial La face inférieure du pénis puis suture à la gouttière urétrale sur une sonde urétrale n° 8-10 qui sera laissée en place 10 jours. f-Reconstruction du fourreau cutané. Figure 8: Etapes de la technique de ONLAY [22] e-Couverture du néo-urètre par le pédicule qui est fixé aux corps caverneux. Technique de KOFF [20,28] Elle consiste à libérer complètement la face antérieure des corps caverneux, puis à le translater vers l’avant pour amener l’orifice urétral en bonne position .Un gain de longueur urétrale de 5 à 15 mm est possible en utilisant cette technique. Le gain peut être encore plus important si l’urètre est disséqué de manière plus proximale ur la verge .L’avantage de cette technique est l’absence de substitution et de suture urétrale (figure 9). Il s’agit d’une simple translation de l’ensemble de l’urètre pénien, habituellement de 5 à 15 mm, pouvant aller selon KOFF jusqu’à 35 mm et même plus chez l’adulte.
INTRODUCTION |