Coup d’œil général sur le calcul des probabilités.
– Faits à chances constantes, faits à chance variable.- Les faits médicaux sont à chance variable. Dans cet article III [G,p.52]du chapitre I, pour la recherche de la probabilité des événements, Gavarret distingue le “calcul direct” et le “calcul inverse”. – Le “calcul direct” est celui qui permet d’assigner à un événement le rapport : “nombre de cas favorables” sur “nombre de cas possibles”. Mais Gavarret fait remarquer: « Qui oserait, en effet, essayer d’assigner apriori toutes les circonstances favorables et contraires à la guérison d’un malade quelconque soumis à une médication connue? » [G, p. 53]. Ce calcul est donc écarté. – Le “calcul inverse” est celui qui est « fondé tout entier sur la loi des grands nombres » [G, p. 54]. Il « fournit les règles à suivre pour déterminer la probabilité d’un événement quelconque. » [G, p. 54]. En utilisant ce calcul inverse, Gavarret pense qu’il pourra résoudre les deux problèmes suivants : « 1er Problème. Déterminer la véritable influence d’une médication donnée dans une maladie également donnée. 2ème Problème. Classer rigoureusement,parordre d’influence,lesdiversesmédicationsconseillées dans la même affection. » [G, p. 54]. Gavarret distingue ensuite deux catégories de faits bien distinctes :
« 1 Faits à chance constante; 2 Faits à chance variable. » [G, p. 54]. Il explique que cette distinction recouvre celle de tirage avec remise (Faits à chance constante) et de tirage sans remise(Faitsàchancevariable)dans une population finie ou très grande.Puisque«nous n’avons jamais eu la pensée de prétendre que tous les malades auxquels nos moyens bornés d’analyse nous obligent à administrer les mêmes agents curatifs,aient réellement la même chance d’échapper à la mort[…]lesfaits médicaux doivent être rangés parmi les événements à chance variable. » [G, p. 56]. À cette étape de la réflexion, il est difficile de savoir ce que Gavarret entend exactement par “chance variable”.Est-ce seulement une appellation de ce qui est nommé aujourd’hui “variablealéatoire”?Si,pour expliquer cette notion, il ne se réfère qu’au tirage sans remise, il est évident que l’analogie est insuffisante. Bien que toutes les enquêtes soient en réalité des tirages sans remise (on n’interroge pas deux fois la même personne, ce qui peut arriver lors d’un tirage avec remise), si la probabilité de guérir diffère d’un individu à l’autre, ce n’est pas fondamentalement pour cette raison car la probabilité de tirer une boule blanche est la même au premier ou ou dernier tirage que l’on soit dans le cas d’un tirage avec remise ou sans remise. C’est parce que tous les individus sont différents. Si Gavarret considère qu’une population est un mélange d’individus ayant chacun une probabilité différente de guérir, il fait un premier pas sans le savoir vers ce que l’on nomme aujourd’hui la théorie des modèles aléatoires “mixtes” qui prend en compte l’effet “individu”.
Activité 3.Pour la suite, il attend de la loi des grands nombres la solution à tous ses problèmes.
Principes de la loi des grands nombres
C’est le sous-titre du Chapitre II [G, p. 57-98] qui ne traite pas encore de l’application à la médecine, mais qui annonce les techniques utilisées.
Conditions auxquelles doivent satisfaire les faits à chances variables pour être comparables
Dans l’Article premier [G, p. 58-66] de ce chapitre, Gavarret défend l’idée d’utiliser une « moyenne déduite d’un certain nombre d’expériences » [G, p. 60] pour mesurer « l’influence du traitement essayé » [G, p. 60]. Il fait remarquer un peu auparavant que ceux qui critiquent la “méthode numérique”, pour certains « citent exactement les nombres de faits observés » [G, p. 60] et pour d’autres « confient ces nombres à leur mémoire » [G, p. 60]; en clair ils utilisent la “méthode numérique” sans le dire. Mais pour effectuer cette moyenne, contrairement à ceux qui pensent qu’on ne peut utiliser des statistiques que si les conditionssontstrictementidentiques,Gavarretditque«l’identitén’estpasnécessairepouradditionnerles faits dont se compose une statistique » [G, p. 61].Selon Gavarret, «pour que des observations relativesàdesfaitsdecegenresoientsemblablesoucomparables, puissent entrer dans une statistique, il faut et il suffit que l’ensemble des causes possibles qui les régissent reste invariable pendant toute la durée des épreuves. En d’autres termes, dans chaque cas particulier, le phénomène constaté doit se rattacher à l’intervention d’une ou plusieurs causes faisant partie de cet ensemble invariable ». [G, p. 61]. Pour illustrer ce qu’il entend par “un ensemble invariable de causes possibles”,il prend deux exemples. Le premier exemple est celui des causes d’un naufrage d’un navire. Parlant des mers sur lesquelles voyagent les navires, « si les circonstances favorables ou défavorables dans lesquelles sont placés les vaisseaux qui lesparcourent,peuvent se combiner entre elles de mille manièresdifférentes,ensortequedeux vaisseaux ne se trouvent jamais dans une situation identiques; ces circonstances, cependant dépendent d’une somme de causes possibles invariable dans leur ensemble. » [G, p. 62]. L’événement “naufrage d’un navire” est donc la résultante d’une “combinaison” de causes possibles appartenant à un même ensemble (fini?) de causes (ce qui laisserait sous-entendre que si on pouvait dénombrer toutes ces causes, il serait possible de calculer la probabilité de réalisation de l’événement). «D’une part,nous trouvons les phénomènes météorologiques et la disposition du fond des mers;d’autre part, nous rencontrons la construction des vaisseaux eux-mêmes et l’habilité des marins qui les dirigent » [G, p. 62]. Pour Gavarret, il n’est pas possible de comparer « les naufrages arrivés dans la Méditerranée avec ceux observés dans la mer des Antilles » [G, p. 63] car les modalités des deux premiers facteurs de naufrages sont différentes suivant les lieux. Le deuxième exemple est celui de « la recherche du rapport entre les filles et les garçons qui naissent dans l’étendue d’une même circonscription territoriale » [G, p. 64]. Il n’y a plus invariabilité des causes possibles si par exemple, « les mœurs, la législation et le bien-être public venaient à être profondément modifiés. » [G, p. 65].