PRINCIPE ET INTERPRETATION SISMIQUE
Introduction
L’interprétation sismique constitue une étape très importante dans la chaine de traitement relative à l’exploration pétrolière. C’est une interprétation d’imagerie sismique, dont le principe consiste à analyser des données sismiques en vue de générer des modèles et des prédictions sur les propriétés et la structure du sous-sol. Les images sont ainsi obtenues suite à des procédés de mesure géophysiques telles que la sismique réfraction et la sismique réflexion.
La sismique réfraction repose sur la mesure du temps le plus court pour qu’une impulsion sismiquese déplace de sa source vers une série de récepteurs (temps de parcours des ondes réfractées).
Cette impulsion est induite par vibration transitoire. Les vitesses sismiques et les profondeurs des diverses couches peuvent être calculées à partir de ces temps de parcours.
La sismique réflexion (figure 1) par contre utilise les ondes réfléchies au niveau des interfaces séparant plusieurs niveaux géologiques. Le principe de cette méthode consiste à générerartificiellement une onde acoustique depuis la surface et d’en mesurer numériquementl’écho(Sciboz, 2010). Cette mesure a lieu à partir d’une série de capteurs sismiques (géophones ouhydrophones) disposée en surface. Il est important de préciser que c’est la méthode géophysique la plus développée du fait de son utilisation à grande échelle dans l’exploration des hydrocarbures.
Les ondes émises sont réfléchies ou réfractées en fonction des changements d’élasticité et/ou de densité observés à la surface des couches géologiques. Plusieurs étapes s’opèrent de l’acquisition des données jusqu’à la mise en place des images sismiques.
Les systèmes d’acquisition des données sismiques 2D
Les campagnes de prospection géophysique débutent toujours par une phase d’acquisition de données sismiques. Elle consiste en une collecte maximale de données utiles existant dans le secteur d’étude.
Ces systèmes d’acquisition comprennent essentiellement un dispositif d’émission, un dispositif de détection et un appareillage d’enregistrement numérique (Mbodji, 2016).
Emission d’ondes sismiques
En milieu marin, l’émission des ondes sismiques se produit à partir d’une source sismique de hautefréquence (écho-sondeurs, étinceleurs ou « sparker », les canons à gaz, les canons à eau etc.). Ellea lieu grâce à des phénomènes d’explosions artificielles (dynamites, cordeaux détonants) àintervalle de temps régulier. Les sources d’émission les plus utilisées en exploration pétrolièresont les canons à air et les canons à eau, car ils constituent des sources très pénétrantes. Elles permettent de générer une impulsion acoustique (signal) qui va instantanément produire laquantité d’énergie nécessaire à l’étude du fond marin. Le canon à air (Air-Gun) est utilisé depréférence car il ne génère pas une impulsion secondaire juste après l’impulsion initiale,contrairement au canon à eau (Water-Gun). En effet, la seconde impulsion parasite perturberait et déformerait la première donnant ainsi des informations erronées. Le canon à eau envoie de l’eauaux alentours du navire, produisant des vibrations acoustiques pouvant être lues par les récepteurs
Récepteurs ou capteurs
Les ondes acoustiques réfléchies au niveau des interfaces des différentes structures rencontrées, sont récupérées à la surface par des capteurs (géophones ou hydrophones). Ces derniers sont montés en parallèle ou en série, formant des traces échelonnées à intervalle constant le long descâbles d’enregistrement. L’ensemble de ces traces constitue un dispositif flottant appelé flûteou »streamers ». Les hydrophones sont des capteurs de pression acoustique qui mesurent les variations des pressions sonores de l’onde réfléchie. Les informations récupérées sont collectées etenregistrées sous forme de signaux électriques.
Enregistrement numérique
L’enregistrement des données du capteur est représenté sous forme de trace sismique. La trace est une ligne verticale qui traduit l’amplitude des paramètres mesurés en fonction du temps.
L’enregistrement numérique, caractérise l’information comme une succession discontinue de valeurs discrètes (Lavergne, 1986). Il s’effectue alors dans un laboratoire dont les composants sont résumés dans le tableau 1.
Plusieurs phénomènes, tels que les mouvements du navire, peuvent affecter le signal reçu par les capteurs. Pour amoindrir cet effet, on place un tronçon supplémentaire sans hydrophone en tête de flûte. Lors de l’enregistrement numérique, des signaux parasites peuvent interférer la réponse du capteur ; d’où la nécessité d’effectuer des traitements sismiques.
Traitement sismique 2D
Le traitement numérique de l’information sismique consiste à normaliser et à améliorer le résultat
graphique du sous-sol obtenu après acquisition (Ameur, 2005). Le traitement classique comporte
deux phases essentielles : le prétraitement et le traitement proprement dit.
Prétraitement
Le prétraitement s’effectue suivant deux phases :
le démultiplexage : qui consiste à réarranger les signaux sismiques de manière à rassemblerséquentiellement la suite des échantillons correspondant à chaque détecteur d’une mêmetrace.Laboratoire d’enregistrement sismiqueAppareils d’enregistrement Rôles
Préamplificateurs et filtresanalogiques
Accorder la bande passante enregistrée aux fréquences du signal sismique et éliminer autant que possible les bruits
Multiplexeur
Commuter un à un les canaux sismiques avec une fréquence constante de quelques millisecondes pour effectuer la mesure du signal sismique Amplificateur de cadrage de gain Maintenir à un niveau approprié l’information transmise au convertisseur analogiquenumérique pour que l’enregistrement conserve une précision satisfaisante. C’est en fait un adaptateur de sensibilité dont le gain varie au cours de l’enregistrement.
Convertisseur analogiquenumérique(montage électronique).
Traduire une grandeur analogique en une valeur numérique proportionnelle au rapport entre la grandeur analogique d’entrée et la valeur maximale du signal.
Formateur(ensemble de circuits).
Permettre la mise en forme de l’information numérisée avant l’enregistrement sur une bandemagnétique.
Dérouleur de bande Enregistrer l’information sortie du formateur en bande magnétiqueSystème de rejeu Contrôler la bonne qualité des enregistrements obtenus, en donnantune représentation analogique sur caméra ou sur console.
l’édition : qui vise à supprimer les traces bruitées causées par des arrivées parasites telles que les réfractions, à améliorer la résolution du signal, mais également à compenser les retards àl’enregistrement. Elle comprend le calibrage en temps et en amplitude des données sismiques.
Traitement proprement dit
la déconvolution : l’objectif est de contracter l’impulsion émise en une impulsion brève, avec un faible nombre d’oscillations ; soit en comprimant le signal, soit en éliminant les phénomènes répétitifs qui affectent la trace sismique (Yilmaz, 1987).
l’analyse de vitesse : sur les traces correspondant à un même point miroir, lesréflexionss’organisent le long d’une hyperbole. Le principe des analyses de vitesse est de rechercher
l’équation de l’hyperbole qui passe au mieux, à travers les signaux correspondant à uneréflexion. Les traces sismiques sont ensuite corrélées et la vitesse qui donne la meilleurecorrélation ou l’amplitude maximale correspond à la vitesse de correction. Pour obtenir debonnes analyses de vitesse, il est nécessaire d’avoir un bon rapport signal/bruit, de choisirdes réflecteurs plans ou avec un pendage faible, d’éviter les failles, les niveauxd’anomalies et les zones à multiples interférence ; corrections statiques et dynamiques : lescorrections statiques ne dépendent pas du temps.Elles permettent le réajustement des enregistrements par rapport à une même surface de référence horizontale (Datum Plan). Appliquées surtout en sismique terrestre, ellespermettent d’éliminer les effets de relief et les perturbations créées par la couchesuperficielle altérée. Par contre les corrections dynamiques ou d’obliquité, dites aussiNMO (Normal Move Out) varient en fonction du temps. Les corrections dynamiques correspondent ainsi à une correction de temps (ms), apportée aux traces du dispositif en fonction de leur distance par rapport aux points de tir et du temps double de réflexion. Il est important de préciser que la correction dynamique provoque un allongement del’ondelette (signal initial) mesuré. Si toutefois cet allongement est supérieur à un seuildonné, le signal est supprimé (muté).
sommation en couverture multiple ou « stack » : il s’agit du regroupement, par addition, de toutes les traces sismiques de la couverture multiple ayant le même point miroir. C’est un procédé couramment utilisé pour augmenter le rapport signal/bruit et réduire le volume de données. La sommation renforce le signal au niveau des interfaces et atténue fortement le bruit aléatoire par interférence destructive.
traitement après sommation : il comprend des traitements spécifiques tels que la migration qui permet le repositionnement des évènements pentés et l’augmentation de la résolution latérale, le filtrage des traces sismiques qui consiste à éliminer les bruits indésirables ayant des caractéristiques fréquentielles différentes de celles des signaux utiles. Nous avons également l’égalisation dynamique ou préservation des amplitudes qui permet une pondération statistique des signaux de chaque trace sismique, supposés stationnaires au cours du temps. Ce traitement s’effectue en jouant sur les amplitudes de réflexion. Après acquisition, les données sismiques sont expédiées au centre de traitement informatique où elles sont rejouées suivant plusieurs processus. Les traces sismiques obtenues sont rassemblées et représentées sous forme d’images sismiques qui mettent en évidence l’ensemble des différentes structures géologiques du sous-sol. Ces dernières sont ensuite interprétées du point de vue stratigraphique et/ou structural suivant une méthologie bien particulière. Le principe de l’interprétation stratigraphique est d’examiner les réflexions qui se produisent au niveau des interfaces séparant deux milieux d’impédance acoustique différente (réflecteurs). Sonobjectif final est d’identifier les séquences sismiques mais également d’analyser les faciès sismiques en termes de lithologie et d’environnement de dépôts sédimentaires.
Par contre l’interprétation structurale permet à partir d’une image sismique, d’identifier lesstructures tectoniques telles que les failles, les plis, les chevauchements etc. La localisation des failles est basée sur le repérage des décalages horizontaux des réflecteurs de part et d’autre de la faille. De plus, elle permet de déceler l’ensemble des événements volcaniques qui se sont produites dans la zone à étudier.
Les méthodologies d’interprétation
Le calage
Il s’effectue grâce aux données de forage et consiste à faire correspondre les données de puits, exprimées en profondeur, aux données sismiques, exprimées en temps. Cette méthode permet de dater les différents événements géologiques identifiés à travers les images sismiques. Pour effectuer un bon calage, il faut préalablement convertir les profondeurs des puits en temps. Cette conversion s’effectue sur la base des « Checkshot » (courbe de profondeur en fonction du temps).
Le pointage des horizons ou « Picking »
Le « picking » représente l’opération la plus basique de l’interprétation sismique. Elle vise à pointer manuellement ou de façon automatique, avec l’aide de la souris, les réflecteurs sur des coupes 2Dde l’image sismique. L’ensemble des positions cliquées représente une partie d’un objet à extraire de l’image. Il se fait généralement sur plusieurs coupes 2D du bloc sismique afin de suivre le comportement d’un horizon d’intérêt dans un espace bien défini.
Le « Picking » est une opération très délicate car il nécessite le maximum de concentration et de vigilance pour suivre correctement le réflecteur, qui est l’objet sismique le plus simple à pointer. Toutefois, la qualité de l’image sismique peut rendre cette opération très fastidieuse.
L’interprétateur ne doit pas se limiter à une simple lecture de l’image, car cette opération nécessiteun raisonnement plus poussé, basé aussi bien sur l’image que sur la connaissance du domaine d’étude. Dans la pratique, on ne pointe jamais l’ensemble des réflecteurs d’une image sismique,mais plutôt ceux qui représentent des interfaces sédimentaires clés nécessaires à la construction du modèle d’étude (Verney, 2010). Dans la plupart des cas, les campagnes sismiquescomportent des « inlines » (lignes droites) et des « crosslines » (lignes qui se croisent). Ces »crosslines » permettent, au cours du pointage de suivre le même horizon sur les autres lignes.
En dehors des horizons, d’autres structures complexes telles que les failles, les chenaux, les dômesde sel etc, peuvent être identifiées et pointées sur les images sismiques. Ces dernières sont, pourlaplupart, signalées par une ou plusieurs caractéristiques particulières telles que, des déconnectionsde réflecteurs accompagnées d’un léger soulèvement ou affaissement (cas d’une faille) ou deschangements de pendages dans le cas d’une succession de séquences sédimentaires.Quatre paramètres sont nécessaires pour effectuer un bon pointage. Il s’agit de :
l’amplitude des réflecteurs : c’est la réponse au contraste d’impédance acoustique au niveau des réflecteurs. L’amplitude est directement proportionnelle au coefficient de
réflexion des couches géologiques et dépend de l’énergie et de la fréquence de la sourced’émission. En stratigraphie sismique appliquée à l’exploration pétrolière, la présenced’anomalies sismiques de forte amplitude (Bright spot) dans des contextessismostratigraphiques précis est parfois révélatrice de la présence d’hydrocarbures(Helbig, 1998). Ces anomalies d’amplitude peuvent également renseigner sur la lithologied’une séquence sismique ou sur la nature d’une quelconque intrusion identifiée ;
la continuité des réflecteurs : ce paramètre dépend du prolongement du contraste d’impédance acoustique le long de la surface délimitant deux corps géologiques présentantdes propriétés élastiques différentes. La continuité des réflecteurs peut être bonne,moyenne,passable, médiocre ou discontinue. Une bonne continuité des réflecteurs sur unegrandedistance est souvent associée à un environnement de dépôts sédimentaire calme àl’exemple des milieux marins profonds et ultra profonds ;
la terminaison des réflecteurs : elle détermine la relation stratigraphique existante entre les différentes interfaces sédimentaires. En plus de renseigner sur le mode de dépôt des strateset éventuellement sur les événements ultérieurs qui les ont affectées, l’analyse de ces terminaisons permet de définir les discontinuités qui délimitent les différentes séquencesd’une image sismique. Mitchum et al. (1977) puis Catuneanu (2002) ont caractérisé (figure2) et défini (tableau 2) les différents types de terminaisons d’un horizon.
Conclusion partielle
Le principe de la prospection sismique consiste à émettre des ondes sismiques à partir d’unesourceet d’en analyser la propagation. Les enregistrements bruts présentent des déformations qui sontcorrigées après plusieurs phases de traitement. A l’issue de ce traitement, il en résulte une imagereprésentative des caractères du sous-sol, dont l’interprétation stratigraphique et/oustructuralepermet d’identifier les structures tectoniques présentes dans le milieu, de définir lesprocessus de sédimentation, ainsi que la nature et les environnements des dépôts. Le but de l’ensemble decesprocédés est la reconstitution de l’historique des dépôts ainsi que la reconnaissance d’indicateursdirects d’hydrocarbures.
Néanmoins, l’interprétation sismique présente des limites qui peuvent être compensées par lesforages. Pour une meilleure caractérisation des formations géologiques le long des côtessénégalaises, nous allons effectuer une interprétation sismique 2D au niveau de la zone Nord de l’offshore profond et ultra-profond du bassin sédimentaire sénégalais.