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Importance de la structure de l’atmosphère
L’atmosphère se divise en quatre couches principales, mais seules les deux plus basses joueront un rôle dans ce travail. La stratosphère se situe, sous nos latitudes, entre 10 et 50 km d’altitude et nous en parlerons essentiellement pour son rôle dans les mesures intégrées de NO2 par spectrométrie UV-visible. En dessous, se trouve la troposphère, qui se subdivise elle-même en deux parties. Dans la tro-posphère libre, le mouvement des masses d’air répond aux phénomènes d’échelle synoptique (de l’ordre du millier de kilomètres). Le vent y est régulier et varie en fonction du passage des dépressions et des anticyclones. En-dessous, il existe une zone d’interface rendue turbulente par les échanges de chaleur avec la surface et le frottement du vent sur le sol. Le mouvement de l’air s’y fait à l’échelle – beau-coup plus réduite – des phénomènes turbulents (de l’ordre de la dizaine ou de la centaine de mètres). Cette couche porte le nom de couche limite atmosphérique, ou simplement de couche limite.
Structure et dynamique de la couche limite
L’épaisseur et la structure interne de la couche limite sont très variables selon le type de surface (océan ou continent, végétation ou désert), selon la saison (cycle annuel) mais surtout selon l’heure de la journée (cycle diurne). Les phénomènes météorologiques de grande échelle peuvent également jouer un rôle (forçage sy-noptique). Nous allons revenir ici sur les principales caractéristiques de la couche limite continentale telle que nous pourrons l’observer au-dessus de Paris, avec des particularités liées au milieu urbain.
La couche limite convective
Pendant la journée, la couche limite continentale connaît une forte croissance sous l’effet du rayonnement solaire : elle passe de quelques dizaines de mètres au lever du soleil à parfois 4 km dans l’après-midi. Une petite partie du flux solaire est absorbée par le sol, mais le reste repart vers l’atmosphère sous forme de flux de chaleur latente (évaporation de l’humidité du sol et des plantes) ou de chaleur sensible (voir annexe A). Ainsi, l’air situé au plus près du sol s’échauffe et se charge en vapeur d’eau avant de s’élever rapidement par convection vers le sommet de la couche limite. Hors de cette couche de surface, les ascendances thermiques (ou panaches) assurent un brassage rapide et vigoureux de la couche limite, c’est pourquoi on parle de couche mélangée pour désigner cette partie de la couche limite.
La structure interne de la couche limite convective est schématisée dans la fi-gure 1.1(a) qui donne les profils typiques de température absolue T et potentielle θ, d’humidité spécifique q 1 et de vitesse du vent horizontal V dans la couche li-mite. La température potentielle permet de comparer directement la température de l’air à des altitudes, donc à des pressions différentes 2 . L’air chaud ayant ten-dance à monter, si la température potentielle décroît avec l’altitude (dθdz < 0), l’atmosphère sera instable tandis qu’elle sera stable si dθdz > 0 et neutre si dθdz = 0.
Dans la couche de surface, le flux de chaleur sensible et de vapeur d’eau crée un maximum très marqué de θ et q au niveau du sol, suivi d’une décroissance rapide avec l’altitude, au fur et à mesure que l’air se mélange. Plus haut, dans la couche mélangée, θ et q sont homogènes en raison du brassage intense par les panaches thermiques. Pour les polluants primaires qui, comme la vapeur d’eau, sont principalement émis au niveau du sol, on observera le même genre de profil que pour q, pourvu que les processus chimiques n’interviennent pas en parallèle. On reviendra plus loin sur le cas des polluants primaires réactifs (partie 1.2).
Au sommet de la couche limite, les parcelles d’air ascendantes peuvent faire in-trusion dans la troposphère libre sous l’effet de l’inertie. Toutefois, elles ne peuvent s’y maintenir car elles se trouvent au sein d’un air beaucoup plus chaud et stable. En revanche, l’air descendu dans la couche limite pour combler le vide est intégré à la couche limite par le mélange turbulent, ce mécanisme assurant la croissance de la couche limite pendant la journée.
Dans la zone supérieure de la couche limite, appelée zone d’entraînement, on trouve donc un mélange d’air venu du sol et d’air venu de la troposphère libre. Cela se traduit par une brusque augmentation de T et θ (qui porte le nom d’inversion de température) ainsi que de V car la température potentielle et le vent sont plus importants dans la troposphère libre. En revanche, en l’absence d’émissions de vapeur d’eau ou de polluants, l’air est beaucoup plus sec et moins pollué dans la troposphère libre. q et les concentrations de polluants décroissent donc rapidement dans la zone d’entraînement.
D’autre part, lorsque la couche limite est suffisamment humide et épaisse, la vapeur d’eau peut se condenser avant d’atteindre le sommet de la couche limite. Il y a alors formation de nuages (cumulus de beau temps) au sommet des panaches thermiques, tandis que le ciel reste clair au-dessus des zones de subsidence.
En fin d’après-midi, le flux solaire décroît et avec lui l’altitude atteinte par les panaches thermiques. Ainsi, l’air anciennement situé au sommet de la couche limite se retrouve dans la troposphère libre (on parle de détraînement). Ce processus permet à une partie des polluants de franchir la barrière formée par l’inversion de température.
La couche limite nocturne
Au crépuscule, la convection s’interrompt faute d’énergie solaire pour l’alimen-ter et l’ancienne couche limite prend le nom de couche résiduelle. Cette couche ne se confond pas avec la troposphère libre car elle contient encore la chaleur, l’humi-dité et les polluants venus du sol pendant la journée. C’est pourquoi un gradient de température ainsi que de concentrations en vapeur d’eau et en polluants persiste au sommet de la couche résiduelle. La persistance de l’inversion de température au sommet de la couche résiduelle fait aussi que les polluants y restent bloqués jusqu’au matin, sauf si le vent est assez fort pour les exporter loin des sources.
Près du sol, une nouvelle couche limite nocturne se développe, mais le sens du flux de chaleur sensible s’est inversé. En effet, pendant la nuit, le sol se refroidit en restituant sous forme de rayonnement infrarouge thermique la chaleur stockée pendant la journée. L’air de la couche de surface se refroidit donc au contact du sol et on observe un minimum de T , θ dans la couche de surface. On observe alors la formation d’une zone d’inversion de température près du sol, appelée inversion nocturne. Si le refroidissement est suffisamment important, il provoque la conden-sation de la vapeur d’eau au voisinage du sol et le dépôt de rosée (d’où un minimum de q dans la couche de surface).
La couche limite nocturne est donc thermiquement stable (dθdz > 0 près du sol). Toutefois, le frottement du vent sur les obstacles (arbres, immeubles. . . ) génère une turbulence d’origine mécanique dont l’importance est d’autant plus grande que la turbulence d’origine thermique a disparu. Si le vent est suffisant, on obtient un profil de température potentielle neutre. Quoi qu’il en soit, le brassage vertical des polluants est beaucoup moins efficace pendant la nuit. Leur profil de concentration peut donc devenir très hétérogène dans la couche limite nocturne.
Le matin, la nouvelle couche limite convective en croissance grignote la couche résiduelle de la veille et on obtient le cycle diurne schématisé par la figure 1.2. Les polluants stockés en altitude sont alors rapidement ramenés vers la surface par le mélange turbulent. On peut alors observer une brusque augmentation des concentrations au niveau du sol (c’est le cas en particulier pour l’ozone).
D’autre part, les polluant émis pendant la nuit s’accumulent dans la fine couche limite nocturne, ce qui permet aux concentrations au sol d’atteindre des valeurs bien plus élevée qu’en journée. Ce phénomène d’accumulation est particulièrement néfaste en hiver, lorsque des conditions anticycloniques favorisent la formation d’une inversion de température proche du sol, très marquée et persistant même la journée. La couche limite monte alors très peu, même pendant la journée, et les polluants peuvent s’y accumuler pendant plusieurs jours d’affilée, donnant lieu à un épisode de pollution hivernale aux NO x et aux particules.
Effet des nuages
Pendant la journée, les nuages réduisent le flux solaire, dont ils réfléchissent une partie vers l’espace (on parle d’effet parasol). L’énergie disponible pour alimenter la convection est donc plus faible, ce qui limite la montée de la couche limite. Cet effet est prédominant pour les nuages optiquement épais et occupant une large fraction du ciel, ce qui est plutôt le cas des nuages bas et moyens de type stratus alors que l’effet des nuages hauts (cirrus) est faible. Inversement, les petits cumulus de beau temps qui se forment au sommet de la couche limite peuvent favoriser sa croissance grâce à la chaleur libérée par condensation de la vapeur d’eau.
Pendant la nuit, les nuages renvoient vers le bas une partie du rayonnement infrarouge émis par le sol (on parle d’effet de serre). Cela limite le refroidissement de l’air des basses couches pendant la nuit, et conduit à des couches limites moins stables, donc plus épaisses. Toutefois, cette effet n’est significatif que pour les nuages bas.
Les nuages jouent également un grand rôle dans la chimie atmosphérique car de nombreuses espèces sont solubles et peuvent se dissoudre dans les gouttelettes d’eau. C’est le cas par exemple de l’acide nitrique, dont on verra qu’il constitue l’un des principaux réservoirs de NO x (partie 2.2). S’il y a précipitation, les gaz dissous sont retirés définitivement du système chimique (on parle de lessivage) et le nuage joue le rôle de puits. Mais il peut également s’évaporer et relâcher les polluants plus loin, jouant lui-même le rôle de réservoir. De plus, il existe des mé-canismes réactionnels particuliers prenant place à la surface des gouttelettes d’eau (chimie hétérogène) ou à l’intérieur, en phase aqueuse (chimie multiphasique). Ces processus jouent un rôle important dans la chimie de l’ozone et des NO x (Jacob, 2000).
Enfin, les nuages orageux (cumulonimbus) sont le siège d’intenses mouvements convectifs qui peuvent soulever les polluants depuis le sommet de la couche limite jusqu’au sommet de la troposphère.
Forçage local VS forçage synoptique
Le flux solaire correspond à un forçage local de la couche limite car c’est le flux en un endroit qui détermine l’évolution de la couche limite en ce même endroit. Inversement, les conditions météorologiques répondent à une évolution à grande échelle, c’est pourquoi on parle de forçage synoptique.
On a vu précédemment que le flux solaire, donc les forçages locaux, dominent la variabilité diurne de la couche limite via l’alternance jour/nuit. Le flux solaire gouverne également la variabilité annuelle de la couche limite via le cycle annuel de l’éclairement.
Aux échelles de temps intermédiaires, la variabilité à quelques jours dépend surtout de la situation météorologique, c’est-à-dire du passage des dépressions et des anticyclones. Trois exemples :
– Le passage d’un front froid s’accompagne d’une couverture nuageuse plus importante. Or on a vu que les nuages réduisent l’amplitude du cycle diurne du flux solaire, de la température, et donc de la couche limite.
– Après le passage du front, l’arrivée de la masse d’air froid au-dessus d’une surface continentale plus chaude crée un profil de température potentielle décroissante. Cela rend la couche limite très instable et favorise l’activité convective, donc de grandes épaisseurs de couche limite, surtout en été.
– Dans des conditions anticycloniques, les mouvements de subsidence à l’échelle synoptique limitent l’extension verticale de la couche limite. De plus, en l’absence de couverture nuageuse, les inversions de température tendent à être plus marquées, surtout la nuit et en hiver.
Le passage d’un front froid permet également la montée de polluants vers la troposphère libre. En effet, lorsque la masse d’air froid arrive, elle repousse vers le haut l’air chaud qui était présent auparavant au-dessus de la zone émettrice de polluants et cet air se retrouve intégré à la troposphère libre.
Particularités de la couche limite en milieu urbain
Le milieu urbain est un milieu complexe. La turbulence d’origine mécanique y est beaucoup plus importante du fait de la grande « rugosité » du sol, causée par des obstacles au vent de taille élevée et très hétérogène (immeubles, tours. . . ). La couche de surface tend donc à être plus épaisse, avec de complexes effets lo-caux sur le vent comme les canyons urbains 3 (Rotach, 1995, Eliasson et al., 2006) ou les brises urbaines 4 (Hidalgo et al., 2008). Ces circulations à petite échelles influencent bien sûr la dispersion des polluants à l’intérieur de la couche limite urbaine (Vardoulakis et al., 2003).
Les propriétés optiques et thermiques de la surface urbaine sont également très différentes de la campagne, et très hétérogènes. Or les propriétés du sol forcent la dynamique de la couche limite, au même titre que le flux solaire, car elles inter-viennent dans le bilan énergétique à la surface. Ainsi, le manque de verdure en milieu urbain y réduit la part du flux de chaleur latente. De plus, les surfaces bé-tonnées et goudronnées ont une inertie thermique plus élevée et un albédo souvent plus faible que les surfaces recouvertes de végétation. La fraction du flux solaire absorbée par le sol, ainsi que celle restituée à l’atmosphère sous forme de chaleur sensible, sont donc beaucoup plus importantes en ville que dans les zones rurales avoisinantes. À cela s’ajoute la chaleur dégagée par les activités humaines : gaz d’échappement, moteurs, fuites thermiques des bâtiments. . . Tout cela fait que l’air est plus chaud en centre-ville que dans la campagne environnante, avec une diffé-rence comprise entre 2 et 10˚C (fig. 1.3). Ce phénomène porte le nom d’îlot de chaleur urbain (Oke, 1982, Eliasson, 1996, Arnfield, 2003).
L’îlot de chaleur et son effet sur la couche limite urbaine sont surtout marqués pendant la nuit. En zone rurale, le sol se refroidit par émission infrarouge mais en ville, la quantité de chaleur stockée est si importante que le sol continue à ré-chauffer l’air même pendant la nuit (le flux de chaleur sensible reste dirigé du sol vers l’air). Grâce à ce surcroît de chaleur et à la turbulence d’origine mécanique, la couche limite nocturne en centre-ville est neutre voire instable, quand elle est stable en zone rurale. La couche limite nocturne sera donc franchement plus épaisse en centre-ville. Et pendant la journée, la couche limite convective aura tendance
à monter plus haut au-dessus du centre-ville. Si la différence d’épaisseur est suffi-samment marquée, l’air situé au sommet de la couche limite au-dessus de la ville peut se retrouver dans la troposphère libre lorsque le vent pousse la masse d’air en aval et que la convection diminue brusquement. On a alors formation d’un panache urbain dans la troposphère libre (fig. 1.4).
Mélange vertical des polluants primaires réactifs
Dans les sections précédentes, nous avons vu comment la vapeur d’eau ou les polluants chimiquement inertes émis au niveau du sol (polluants primaires) sont mélangés verticalement par la turbulence. Le mélange se fait d’abord dans la couche de surface, où la poursuite des émissions permet de maintenir un fort gradient de concentration, puis dans le reste de la couche limite, où les panaches thermiques assurent un brassage suffisant pour avoir une concentration homogène. Dans le cas d’un polluant primaire chimiquement actif comme les NO x, la des-truction chimique a lieu en parallèle du mélange turbulent, et le profil de concen-tration résulte d’une compétition entre ces deux processus. Pour déterminer lequel prend le pas sur l’autre, il faut comparer le temps de vie photochimique du pol-luant τchi , c’est-à-dire le temps caractéristique des réactions qui le détruisent, avec le temps de mélange turbulent τtur, c’est-à-dire le temps nécessaire à une parcelle d’air pour passer du sol au sommet de la couche limite. On introduit pour cela le nombre de Damköhler turbulent Da = τtur τ chi.
Si le temps de vie est grand devant le temps de mélange turbulent (Da < 0 1), alors on retombe dans le cas limite d’un polluant inerte. Inversement, si le temps de vie est petit devant le temps de mélange turbulent (Da > 10), alors le polluant est détruit avant d’avoir pu être mélangé et sa concentration tend rapidement vers zéro lorsqu’on s’éloigne du sol. Enfin, si les deux temps sont du même ordre de grandeur (Da ∼ 1), le polluant est distribué dans toute la couche limite mais son profil de concentration n’est pas homogène et présente un gradient vertical de concentration négatif, même dans la couche mélangée.
Mathématiquement, l’évolution de la concentration Ci de l’espèce chimique i est donnée par l’équation de continuité : ∂Ci = −div(CiV ) + ∇(K ∇Ci) + Pi − Li (1.1)
Le premier terme décrit la convergence des flux à grande échelle et correspond au transport par le vent synoptique de vitesse V . Pour les polluants primaires comme les NO x, ce terme dit d’advection représente généralement une perte en centre-ville car les polluants sont exportés vers la banlieue. Inversement, dans le panache urbain, le terme d’advection constitue un gain. Le second terme décrit le flux dû au transport turbulent. K, le coefficient de diffusion turbulente, est noté comme un vecteur car sa valeur dépend de la direction de diffusion (verticale ou horizontale). Le temps caractéristique associé à la diffusion verticale est la grandeur τtur du paragraphe précédent. Dans une couche limite convective, l’ordre de grandeur communément admis est de 10 à 20 minutes (Stull, 1988).
Pi correspond au terme de production chimique et Li à la destruction chimique. Le temps caractéristique associé à la production chimique nette (Pi − Li) est la constante τchi introduite au paragraphe précédent. Les émissions n’apparaissent pas explicitement dans l’équation de continuité car elles n’existent qu’à la surface. En revanche, elles imposent une condition aux limites au niveau du sol : − Kz ∂Ci = Fem − Fdep (1.2)
Le membre de gauche correspond au flux turbulent vertical au niveau du sol (Kz est le coefficient de diffusion turbulente selon la verticale). Fem est le flux d’émissions et Fdep le flux de dépôt. La déposition au niveau du sol peut-être soit humide (polluants dissous dans les précipitations) soit sèche (chute au sol par gravitation).
Les oxydes d’azote dans l’atmosphère
Le terme « oxydes d’azote » regroupe le monoxyde d’azote (NO) et le dioxyde d’azote (NO2), la notation NO x désignant la somme des deux espèces. Dans la section 2.1, nous commencerons par présenter les sources de NO x, naturelles et anthropiques, ainsi que leur partitionnement en Île de France. Ensuite, dans la section 2.2 nous discuterons de la chimie des oxydes d’azote, notamment du par-titionnement de la famille entre NO et NO2, ainsi que des puits et des réservoirs de NO x, et surtout du temps de vie des oxydes d’azote. Enfin, dans la section 2.3 nous parlerons de la variabilité verticale et horizontale des NO x.
Les sources de NO x
Une partie des oxydes d’azotes présents dans l’atmosphère résulte de processus naturels (émissions naturelles) tandis qu’une autre partie provient des activités humaines (émissions anthropiques).
Sources naturelles
L’azote est un élément essentiel à la croissance des végétaux. Toutefois, le diazote N2 présent dans l’air n’est pas sous une forme utilisable par les plantes. Il doit d’abord être transformé en ammoniac NH3, puis en nitrate NO3– par des bactéries spécifiques, selon deux processus appelés fixation biologique de l’azote et nitrification. Inversement, les végétaux morts sont dégradés par d’autres bactéries qui ramènent le nitrate à son état de diazote (dénitrification). Au cours de ce processus, on passe par deux intermédiaires gazeux – NO puis N2O – qui peuvent s’échapper du sol dans l’atmosphère. Le protoxyde d’azote N2O ne joue pas de rôle dans la troposphère car son temps de vie photochimique est très long (130 ans), mais il intervient dans la chimie stratosphérique. En revanche, les émissions de monoxyde d’azote des sols constituent l’une des trois sources naturelles de NO x.
Le monoxyde d’azote peut également se former lors des feux de forêt. La chaleur dégagée par la combustion rend alors possible la combinaison du diazote et du dioxygène de l’air (il faut des températures supérieures à 1400˚C). Contrairement aux émissions biogéniques, qui se font au ras du sol, les panaches thermiques générés par les incendies distribuent le NO dans toute la couche limite et peuvent même l’injecter directement dans la troposphère libre (Damoah et al., 2006, Kahn et al., 2008). De plus, la production de NO est alors couplée à celle des composés carbonés nécessaires au démarrage de la photochimie.
Enfin, les éclairs peuvent également générer du monoxyde d’azote. De la même façon que pour les incendies, l’échauffement de l’air au voisinage de l’éclair per-met l’oxydation du diazote en NO et en NO2. Il s’agit d’une source de NO x très importante dans la troposphère libre car il y a peu d’émissions en altitude.
Sources anthropiques
La production anthropique de NO x se fait selon les mêmes processus chimiques (combustion) et biologiques (dénitrification) que la production naturelle, mais à partir de matières premières issues des activités humaines. Ainsi, les émissions de NO par les sols sont augmentées par les pratiques agricoles telles que l’utilisation d’engrais ou l’épandage de lisier (déjections du bétail). Engrais et lisier sont des substances riches en azote, qui sont également dégradées par les bactéries du sol, surtout s’ils sont répandus en excès par rapport aux besoins des cultures.
Tous les processus de combustion donnent également lieu à la formation de NO x par combinaison N2/O2 à haute température. Ces émissions peuvent être réparties dans trois grandes familles :
– les transports, où les NO x se forment dans le moteur ou au niveau du pot catalytique. On les subdivise en trois sous-familles : transport routier, aérien et maritime.
– le chauffage résidentiel et tertiaire, où les NO x se forment dans la chaudière, qu’elle fonctionne au gaz, au fioul ou au bois.
– l’industrie avec une sous-famille pour la production électrique pure (centrales au gaz, au charbon ou au pétrole).
Hormi le transport aérien et maritime, toutes ces sources sont majoritairement situés dans les villes, ce qui fait que les émissions de NO x sont concentrées dans les grands centres urbains.
Ces émissions se font majoritairement sous forme de NO car son oxydation en NO2 nécessiterait des conditions encore plus drastiques. Toutefois, les pots catalytiques équipant les véhicules diesels, qui sont conçus pour oxyder les résidus d’essence non brûlés en CO2, ont pour effet secondaire d’oxyder le NO créé dans le moteur en NO2. Ainsi, un véhicule à essence moderne rejette seulement 5% de ses NO x sous forme de NO2 alors que cette fraction peut atteindre 50% pour un véhicule diesel équipé d’un pot catalytique. Cela se traduit par une baisse des concentrations de NO x mais une quasi stagnation des concentrations de NO2 (Carslaw et al., 2007, Tian et al., 2011, AIRPARIF, 2011) malgré le durcissement des normes anti-pollution appliquées aux véhicules. Or, le partitionnement des émissions de NO x entre mono et dioxyde d’azote joue un rôle important dans la limitation des concentrations d’ozone, comme on va le voir dans la partie 2.2.
Sources de NO X en Île de France
L’association AIRPARIF, chargée de la surveillance de la qualité de l’air en Île de France, compile régulièrement les données sur les émissions franciliennes de polluants et de gaz à effet de serre, dont les NO x. Le rapport le plus récent porte sur les émissions de l’année 2005 (AIRPARIF, 2010a, pp. 35-37), avec une mise à jour pour les émissions de 2007 (AIRPARIF, 2010b, pp. 2-3).
La figure 1.5 présente la répartition par secteur d’activité des émissions de NO x en Île de France en 2005. Les transports routiers représentent une grosse moitié des émissions franciliennes, avec une légère augmentation entre 2005 et 2007 (51% puis 53%). Les 51% de 2005 se partagent entre 21% pour les voitures, 15% pour les poids lourds, 10% pour les véhicules utilitaires et 5% pour les bus et cars. Les émissions dues aux autres modes de transport sont beaucoup plus faibles : 6-7% pour les aéroports et 1-2% pour le transport fluvial en 2005-2007.
Le deuxième secteur d’émissions est le chauffage, qui est responsable de 20% des émissions, en 2005 comme en 2007. Ces 20% se partagent entre 11% pour le chauffage résidentiel (particuliers) et 9% pour le tertiaire (bureaux, commerces). Ensuite, vient l’industrie qui représentait 18% des émissions en 2005, en baisse à 14% en 2007. Ces émissions se subdivisent en trois sous-secteurs, tous en baisse : la production d’énergie (centrales électriques) qui compte pour 7 puis 6%, l’industrie manufacturière à 6 puis 5% et le traitement des déchets (incinérateurs) à 5 puis 3%.
Reste l’agriculture qui ne représente que 4% des émissions, en 2005 comme en 2007. Les émissions naturelles sont négligeables en Île de France, où l’activité orageuse n’est pas très élevée et où il n’y a pas de grands incendies de forêt.
En terme de répartition géographique, la zone Paris intra-muros totalise seule-ment 10% des émissions de NO x franciliennes. La majorité des émissions (68%) provient en réalite de la couronne tandis que les zones rurales représentent 22% des émissions. Cela s’explique par la présence de grands axes routiers dans la couronne et les zones rurales et par la faible superficie de la zone intra-muros.
Variabilité temporelle des sources franciliennes
Les bases de données d’émissions fournissent des sommes annuelles par secteur. En revanche, les renseignements sur la variabilité annuelle, hebdomadaire ou diurne des émissions sont beaucoup moins accessibles. En conséquence, on ne rentrera pas ici dans le détail de la variabilité temporelle des émissions. On peut néanmoins tirer des informations indirectes des rapports sur le trafic en Île de France, sachant que cette source est responsable d’une bonne moitié des émissions franciliennes de NO x.
La figure 1.6 présente une mesure de la densité du trafic sur les principales voies de circulation entrant et sortant de Paris. Elle représente la vitesse moyenne de circulation ainsi que la distance cumulée parcourue par l’ensemble des véhicules, c’est-à-dire l’intégrale du débit (en véhicules.s−1 ) sur les tronçons étudiés et sur une heure. La nuit, la circulation est très faible entre 1h et 5h locales. Elle réaugmente
à partir de 6h pour culminer pendant le pic du matin, entre 7h et 10h, surtout dans le sens banlieue→centre-ville. De 10h à 16h, la circulation est plus fluide (la vitesse augmente) mais le trafic reste intense (la distance cumulée reste élevée). Toutefois, les émissions sont plus importantes dans les bouchons du matin, car les moteurs polluent plus lors des redémarrages et des accélérations brusques.
Table des matières
Introduction
Chapitre 1 Contexte scientifique
1 Importance de la structure de l’atmosphère
1.1 Structure et dynamique de la couche limite
1.2 Mélange vertical des polluants primaires réactifs
2 Les oxydes d’azote dans l’atmosphère
2.1 Les sources de NOx
2.2 Bases de la chimie des NOx
2.3 Variabilité spatiale des NOx dans l’atmosphère
3 Enjeux de l’étude de la distribution verticale des NOx
Chapitre 2 Mesures et méthodologie
1 La station Qualair
1.1 Objectifs
1.2 Instrumentation
2 Suivi de la couche limite par lidar
2.1 Principe du lidar et de la mesure de la hauteur de couche limite
2.2 Construction de la base de données des hauteurs de couche limite
2.3 Maximum journalier et taux de croissance de la couche limite
3 Les méthodes de mesure de NO2 en Île de France
3.1 Mesures in-situ
3.2 Mesures par spectrométrie UV-visible
3.3 Autres méthodes de mesures
4 État de l’art des recherches sur le NO2
4.1 Mélange des NOx à l’intérieur de la couche limite
4.2 Temps de vie des NOx vs temps de mélange vertical dans la couche limite
4.3 Validation satellite et suivi de la pollution depuis l’espace
4.4 Émisions de NOx
4.5 Synthèse
5 Objectifs et méthodologie de la thèse
Chapitre 3 Variabilité de la couche limite en Île de France
1 Analyse de la base de données du lidar Qualair
1.1 Répartition temporelle des observations
1.2 Représentativité des observations par rapport à la météo moyenne
1.3 Variabilité annuelle de la couche limite
1.4 Variabilité journalière de la couche limite
1.5 Influence des paramètres auxiliaires sur la couche limite
2 Comparaison des mesures lidar avec les réanalyses ECMWF
2.1 Présentation des réanalyses ERA-interim
2.2 Comparaison aux heures de sortie modèle
2.3 Comparaison au cycle diurne observé par lidar
2.4 Interpolation aux heures de passage des satellites
3 Variabilité régionale de la couche limite
3.1 Les mesures lidar au SIRTA
3.2 Comparaison statistique Qualair / SIRTA
3.3 Cycle diurne
3.4 Discussion
4 Conclusions
Chapitre 4 Variabilité du dioxyde d’azote en Île de France
1 Variabilité des concentrations près de la surface
1.1 Variabilité au niveau du sol en centre-ville
1.2 Gradient de concentration vertical
1.3 Gradient de concentration horizontal
1.4 Conclusions pour le calcul des colonnes de NO2
2 Variabilité des colonnes intégrées
2.1 Analyse statistique
2.2 Variabilité annuelle
2.3 Variabilité hebdomadaire
3 Lien entre concentrations de surface et contenu intégré
3.1 Variabilité des colonnes du SAOZ
3.2 Relation statistique entre colonne et concentration
3.3 Comparaison aux colonnes calculées
4 Étude de cas MEGAPOLI
4.1 Contexte météorologique
4.2 Évolution des concentrations
4.3 Évolution des colonnes
4.4 Régimes chimiques et relation entre concentration et colonne
5 Discussion
5.1 Profils de NO2 dans la couche limite
5.2 Modèle explicatif
6 Conclusions
Conclusion et perspectives
Annexe A Échanges d’énergie à la surface
Annexe B Modèle simple de croissance de la couche limite
Annexe C Le microlidar CAML
1 Présentation de l’instrument dans Applied Optics
2 Algorithme de continuité temporelle
2.1 Suivi des couches existantes
2.2 Création de nouvelles couches
2.3 Exemple
3 Fonctionnement entre juillet 2009 et février 2011
Annexe D Stations AIRPARIF
1 Liste des stations
2 Rose de pollution
3 Répartition géographique des stations : amont et aval
Annexe E Chimie des NOx dans la stratosphère
Annexe F Filtrage des données SAOZ