Principe des miroirs interférentiels multicouches
Un miroir interférentiel multicouche est généralement constitué d’un empilement périodique de deux matériaux (cf. figure 1), dont le matériau le plus absorbant est dit « réflecteur », et l’autre est dit « espaceur ». Le principe des miroirs multicouches est le suivant : si une simple interface ne reflète qu’une petite fraction d’un faisceau de lumière incident, une multicouche ayant un grand nombre d’interfaces pourra générer une réflectivité substantielle si toutes les portions réfléchies par ces interfaces s’additionnent en phase. Une telle interférence constructive se produira à un angle de rasance et une longueur d’onde (ou énergie) voulus si les épaisseurs des couches satisfont la loi de Bragg corrigée : deltak 1,k 1, , sin 2 1sin2 2 λ δ <<<<<<=− θ δ θ avecmd (1.1) où m est un entier représentant l’ordre de Bragg, λ la longueur d’onde du rayonnement, θ l’angle de rasance, ñ l’indice complexe moyen de l’empilement, ñ = (1-δ) + i k où k est le coefficient d’absorption et (1-δ) la partie réelle de l’indice.D’après l’équation de Bragg, nous pouvons constater que le miroir multicouche de période d est un élément dispersif : chaque longueur d’onde pour chaque ordre de Bragg est réfléchie à un angle particulier. Cependant, en raison de l’absorption, une longueur d’onde est réfléchie pour une plage angulaire ∆θ. Une multicouche peut être caractérisée par sa réflectivité et sa résolution angulaire ∆θ/θ à une longueur d’onde donnée ou, si nous regardons à angle fixe, par sa résolution spectrale ∆λ/λ.Le pouvoir réflecteur d’une multicouche est proportionnel au contraste optique entre les deux matériaux constituant l’empilement, c’est à dire à la différence entre leurs indices de réfraction et leurs coefficients d’absorption (R ∝ ∆n² + ∆k²). Les indices varient de manière très abrupte au voisinage des seuils d’absorption.
Les multicouches dans la gamme spectrale 180-530 eV
Dans la gamme spectrale comprise entre 180 eV et 530 eV, six seuils d’absorption principaux sont à considérer : le seuil K du bore (E = 188 eV, λ = 6,59 nm), le seuil K du carbone (E = 284 eV, λ = 4,36 nm), le seuil L3 du scandium (E = 398 eV, λ = 3,11 nm), le seuil L3 du titane (E = 453 eV, λ = 2,74 nm), le seuil L3 du vanadium (E = 512 eV, λ = 2,42 nm), et le seuil K de l’oxygène (E = 543 eV, λ = 2,28 nm). Les multicouches développées pour cette gamme d’énergie ont des périodes d de l’ordre de 1 à 10 nm, selon l’énergie et l’angle d’incidence du rayonnement incident.Dans la littérature, la plupart des multicouches dans cette gamme spectrale sont utilisées en incidence proche de la normale. La figure 2 représente une revue des réflectivités mesurées en incidence normale pour les principaux couples de matériaux étudiés dans cette gamme d’énergies [1].La fabrication de multicouches de faible période est particulièrement utile en incidence normale pour la gamme spectrale appelée « fenêtre de l’eau » (284 eV < E < 543 eV), définie par les seuils d’absorption du carbone et de l’oxygène. Cette gamme spectrale est particulièrement attractive pour la microscopie X ayant des applications en biologie. En effet, un très bon contraste peut être obtenu à partir de cellules biologiques vivantes, car l’absorption de l’oxygène (et donc de l’eau) est très faible dans cette gamme d’énergies alors que l’absorption des cellules biologiques qui contiennent du carbone est élevée. De tels miroirs multicouches en incidence normale peuvent aussi être utilisés pour des applications en astronomie (télescopes EUV), pour la lithographie X, et pour les diagnostics de plasmas denses. D’après les résultats montrés en figure 2, nous pouvons remarquer que la meilleure réflectivité expérimentale en incidence normale est de 39,3% proche du seuil d’absorption du bore pour une multicouche La/B4C, obtenue par Y. Platonov (Osmic). En ce qui concerne le seuil d’absorption du carbone, la plus haute réflectivité expérimentale (R = 14,8%) a été obtenue par I. Artyukov [2] avec une multicouche Co/C. Proche du seuil d’absorption du scandium, une très bonne réflectivité de 31,2% a été obtenue par F. Salmassi et al. à l’aide d’une multicouche Cr/Sc. Une seule valeur de réflectivité (R = 17%) proche du seuil du titane est publiée à ce jour et a été obtenue par F. Salmassi et al. à l’aide d’une multicouche Cr/Ti. Finalement, en ce qui concerne le seuil d’absorption du vanadium, F. Salmassi et al. ont obtenu une réflectivité de 9,1 % à à l’aide d’une multicouche Cr/V. Nous pouvons remarquer que toutes ces multicouches contiennent le matériau correspondant au seuil d’absorption proche duquel la multicouche est destinée à réfléchir. Ces couples de matériaux peuvent aussi être utilisées pour des incidences plus faibles. La figure 3 représente une revue des réflectivités mesurées pour des incidences rasantes de 45° (cf. figure 3(a)) et de 20 à 30° (cf. figure 3(b)), pour les principaux couples de matériaux étudiés dans cette gamme spectrale. Ces multicouches sont notamment utilisées pour la spectroscopie de photoélectrons, pour des analyses X des matériaux. En effet, l’utilisation de miroirs multicouches permet d’obtenir de très bonnes performances, en diminuant le bruit de fond dans une large gamme spectrale, spécialement entre 180 et 530 eV. Pour des énergies supérieures à 500 eV, les cristaux naturels sont utilisés.
Les composants optiques asphériques pour les rayons X et XUV
Afin d’effectuer une focalisation par réflexion, la surface réfléchissante (revêtue de multicouches) doit être courbe. Pour des incidences proches de la normale, un miroir concave sphérique peut être utilisé pour obtenir une bonne image d’un point objet sur l’axe optique. Ceci n’est plus le cas si le point objet est loin de l’axe optique, et les aberrations (astigmatisme, aberrations sphériques, coma) deviennent importantes pour des angles d’incidence rasants [9, 10, 11]. Il est possible de réduire ces aberrations à faible incidence, par l’utilisation d’un miroir asphérique, d’une paire de miroirs cylindriques avec des axes de révolution perpendiculaires, ou de systèmes à sections coniques [12]. De la même manière, il est possible d’asphériser [13] les surfaces des miroirs initialement sphériques utilisés en incidence normale, afin de limiter les problèmes principalement dus aux effets d’aberrations sphériques. Des systèmes couramment utilisés pour effectuer une focalisation par réflexion en incidence normale peuvent être de type Schwarzchild (combinaison de deux miroirs sphériques concentriques) [13, 14, 15], ou encore de type Ritchey-Chrétien (combinaison de deux miroirs hyperboliques, le plus souvent utilisé pour des télescopes) [13]. Les systèmes les plus couramment utilisés pour effectuer une focalisation par réflexion en incidence rasante à partir de deux (ou plus) surfaces sphériques ou asphériques sont de deux types. Le premier type, connu sous le nom de Kirkpatrick-Baez (KB) [9, 16, 17], est composé de deux réflecteurs dont les plans méridiens sont perpendiculaires (croisés). Le second type, connu sous le nom de Wolter [18, 19], utilise une combinaison de surfaces à sections coniques coaxiales et confocales.Le problème principal de ces systèmes est l’utilisation de deux réflecteurs, ce qui engendre des pertes de réflectivité par rapport à l’utilisation d’un seul réflecteur. L’idée de ce travail de thèse est d’utiliser des surfaces ellipsoïdes afin de focaliser dans deux dimensions avec une seule réflexion un point objet en un point image. Ce type de surface ellipsoïde a déjà été utilisé en incidence quasinormale (θ = 6°) au sein du Laboratoire Charles Fabry de l’Institut d’Optique par D. Joyeux et al. [20], pour la réalisation d’un microscope interférentiel permettant d’effectuer de l’imagerie d’un plasma émettant à E = 89 eV (λ = 13,9 nm).
Description et principe de l’EPMA
La principale application des multicouches développées dans cette thèse est la microanalyse par sonde électronique (EPMA : Electron Probe Micro Analysis). Cette technique est basée sur la spectrométrie des rayons X caractéristiques émis par un matériau excité par un faisceau incident d’électrons (cf. figure 5). Le faisceau d’électrons incident est focalisé sur l’échantillon à analyser, constituant ainsi une sonde très fine permettant une analyse localisée à l’échelle du micromètre (microsonde), ou même à l’échelle du nanomètre (nanosonde) [21]. Les éléments de base de tout appareillage de microanalyse X sont le système de production de la sonde électronique, la platine goniométrique permettant un positionnement précis de l’échantillon, le spectromètre des rayons X (cristal analyseur + détecteur) associé à un système d’acquisition et de traitement de données. Le diamètre de la sonde sur l’échantillon dépend de la source d’électrons et du système optique de focalisation. Avec un canon à électrons couplé à une colonne électronique constituée de lentilles électromagnétiques, on peut descendre à un diamètre de sonde de l’ordre du nanomètre ou moins. Il faut toutefois que l’intensité totale du faisceau incident soit assez grande pour assurer un taux de comptage sur le détecteur suffisant. Le volume actif de l’échantillon est déterminé par la taille de la sonde, par l’énergie des électrons incidents et par la propagation des électrons dans l’échantillon. Deux types de spectromètres existent : le spectromètre à dispersion d’énergie (EDS) et le spectromètre à dispersion de longueur d’onde (WDS). Nous ne nous intéresserons qu’au second type de spectromètre (WDS) dans notre description (cf. figure 5). Le spectromètre à dispersion de longueur d’onde est constitué d’un cristal monochromateur, d’un compteur proportionnel à flux gazeux et d’une chaine de comptage.