Prévision et prédictibilité multifractales des Champs de Pluie

Prévision et prédictibilité multifractales des Champs de Pluie

Introduction

Comme nous l’avons indiqué au commencement de cette thèse, le but principal de ce travail est de définir une méthode multifractale de prévision de pluie. Celle-ci est basée sur la compréhension d’un champ de précipitation comme une cascade en espace-temps, c’est-à-dire d’un ensemble de structures hiérarchiquement emboîtes sur une grande gamme d’échelles, caractérisées dynamiquement par une relation d’échelle entre temps de vie τ et taille l telle que (Schertzer et al., 1997 ; Marsan et al., 1997 ; Marsan, 1998): −Ht =τ 1 l l (5.1) On peut conceptualiser qualitativement les problèmes à la fois de prédictibilité et de prédiction à partir de cette relation : une structure de taille donnée est perdue après une période plus grande que son temps de vie, mais durant cette période apparaissent des structures de taille plus petites, qui modifient le champ et en même temps conserve sa complexité. Ces sont effectivement les deux phénomènes fondamentaux qui définiront les modes de prévision multifractale : comment utiliser au mieux l’information du passé en prévoyant la « relaxation » des grandes structures. Nous sommes bien sûr très proche de l’actuel débat sur les paramétrisations stochastiques par rapport aux paramétrisations déterministes, ces dernières fournissant des champs trop lisses. Le cadre multifractal est par nature particulièrement simple, conceptuellement et techniquement, pour aborder ce débat. Par contre, il y a quelques difficultés techniques, mais nullement conceptuelles, pour prendre en compte le premier aspect. 

Considérations générales

Une caractéristique générale de la turbulence atmosphérique est que pour des structures d’une taille donnée il y a un temps de vie typique relié dimensionnellement par la vitesse de cisaillement. La vitesse elle-même a une loi d’échelle sur une grande gamme Prévision et prédictibilité multifractales des Champs de Pluie 110 d’échelles dynamiquement significatives pour l’atmosphère, ce qui mène à penser à un modèle d’invariance d’échelle espace-temps. Ce modèle est tout à fait différent du schéma standard de la dynamique atmosphérique qui suppose une hiérarchie de mécanismes dynamiques qualitativement différents sur différentes sous-gammes d’échelle, notamment une dynamique quasi-bidimensionnelle à grande échelle, fort différente de celle des petites échelles supposées quasi-tridimensionnelle (Monin, 1972, Pedlosky, 1979). Il est important de noter que ce schéma était lui même en contradiction avec d’autres considérations phénoménologiques classiques, telles que les relations empiriques entre temps de vie et tailles typiques de divers phénomènes atmosphériques. La figure 5-1 en donne un exemple qui présente suivant deux axes. A première vue, cela semble être bien différent de l’approche que nous avons discutée jusqu’à maintenant. Cependant, il est facile de voir que ce schéma est totalement compatible avec l’idée de l’invariance d’échelles puisque tous les phénomènes sont placés tout au long d’une droite (diagonale rouge) dans le diagramme loglog. Ceci indique que la relation temps de vie/taille suit une loi de puissance et que cette loi n’a aucune taille caractéristique. De plus, la pente est très près de 2/3 qui est théoriquement prévue en utilisant des processus de cascade et l’analyse dimensionnelle. Cette conception alternative, le modèle d’invariance d’échelle unifié de l’atmosphère est le seule compatible avec ces observations, en particulier dans la meso-échelle (exemple : Lilley et al., 2004; Lovejoy et al. 2004, pour une analyse à l’aide d’un radar embarqué, et Lovejoy et al., 2001 pour une analyse d’images satellites). 

Premiers exemples de prévisions multifractales

Dans les sections précédentes, la construction du champ (x,t) λ ε a été faite à partir d’un bruit blanc, le sous-générateur (x,t) λ γ . La construction complète (résumée en Fig. 4.7) correspond à une série de transformations (dont deux intégrations fractionnaires et une exponentiation), selon les paramètres α , C1 , H effectuée à partir du sous-générateur. En inversant cette série de transformations et les transformations elles-mêmes (partie droite de Fig. 4-7), on peut théoriquement déterminer le sous-générateur ayant défini un champ multifractal donné. Cependant que des instabilités peuvent apparaître, c’est particulièrement 111 le cas d’une déconvolution en opposition à la robustesse d’une convolution : celle-ci lisse, comme le fait une intégration, alors que celle-là accentue les fluctuations, comme le fait une dérivée. Dans notre cas, elles correspondent respectivement à des intégrations et dérivations fractionnaires. Ce problème n’est pas que théorique du fait que toutes les données ont des incertitudes. Il est en fait le seul problème technique, mais non conceptuel, que nous allons rencontrer dans le développement de procédures multifractales de prévision. 

Mode déterministe de prévision multifractale

Nous allons pour le moment nous concentrer sur le problème de la simulation d’une prévision, donc sur le choix de sous-générateur futur ( , ) , x t f λ γ . Un premier choix possible (Marsan et al., 1996 ; Marsan, 1998) est de vouloir préserver de façon déterministe le flux. Comme le processus est multiplicatif, il suffit que les contributions du futur soient l’unité, donc (aux conditions près de normalisation par euler et variation (cf. Sect. 4.5)) que le sousgénérateur futur soit nul : ( , ) 0 ~ γ f ,λ x t = (5.6) Dans le cadre de ce mode de prévision qui correspond à une paramétrisation déterministe des petites échelles dans le futur, ( , ) , x t p λ γ génère aussi bien le champ passé que sa prévision dans le futur. Celle-ci correspond à la relaxation des structures du passé. Aucune structure de petite échelle n’est rajoutée, le champ devient de plus en plus lisse : il perd de sa complexité. Il est important de remarquer que cette procédure est possible seulement parce que la causalité de la transformation (notamment l’intégration fractionnaire) est respectée, donc que le futur n’interfère pas avec le champ passé ( , ) , x t p λ ε (pour 0 t < t ); autrement, une transformation non causale mènerait à un champ (x,t) λ ε′ différent de ( , ) , x t p λ ε pour 0 t < t . Nous avons simulé cette procédure pour 3 dimensions (deux coordonnées d’espace et une coordonnée de temps) et les paramètres α = 8.1 , C1 = 1.0 , H = 3/1 , Ht = 3/1 à la résolution λ = 256 . Les résultats sont montrés dans la figure 5-2, en comparant une des prévisions possibles (colonne à droite) avec les états futurs « réels » (colonne à gauche), pour les différents temps futurs 0 t = t , t + ∆t 0 , t + 2∆t 0 , t + 3∆t 0 , t + 5∆t 0 et t +10∆t 0 . Pour des temps 0 t > t les grandes structures (en couleur jaune) sont déformées et disparaissent lentement, tandis que les structures de petite échelle disparaissent rapidement.  

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