PREVALENCE ET ANTIBIORESISTANCE DES
DANS LES ELEVAGES AVICOLES
Aviculture moderne
L’histoire de l’aviculture moderne en Côte d’Ivoire a commencé en 1934, par la création de la première ferme avicole, et la mise en place d’une couveuse (ADAMA, 1989). Vingt ans plus tard, le service d’élevage a encouragé l’initiative d’un pionnier, qui tentait de développer une aviculture moderne. Plusieurs éleveurs tentèrent de suivre son exemple, mais les résultats ont été catastrophiques. Eu égard à cet échec, des études sérieuses et spécifiques furent menées, et aboutirent finalement à la mise en place de deux sociétés dont entre autres, la SODEPRA (1972) et la SIPRA (1976). Actuellement, l’aviculture moderne connaît principalement trois types de spéculation que sont : la spéculation « chair », la spéculation « ponte » et la spéculation « mixte ». Mais, dans la région d’Abidjan, plus de la moitié des unités sont spécialisées dans l’élevage des poulets de chair alors qu’à Agnibilékrou, ce sont les pondeuses qui prédominent (KONE, 2007).
Alimentation
Les aliments utilisés en aviculture ivoirienne sont fournis par les fabriques locales spécialisées en alimentation des volailles et du bétail. Ces unités de fabrication d’aliments utilisent les sous-produits agricoles, produits localement comme les tourteaux d’arachide, de coton, de coprah, les sons de mil, de riz (KONE, 2007). 7 Cependant, dans le département d’Abidjan, une analyse des aliments de poulets de chairs, menée en 2000, a montré que les aliments vendus sur le marché ne remplissaient pas les qualités nécessaires. En effet, seulement 11% des échantillons analysés avaient un niveau protéino-énergétique, et des teneurs en cellulose et en humidité satisfaisants (M’BARI, 2000). Une alimentation non conforme peut avoir des effets néfastes sur le plan sanitaire des animaux et leurs produits. La contamination bactérienne des aliments pour animaux aura comme conséquences, la contamination des animaux entrainant par la suite la contamination de leurs produits. I.2.2.2. Abreuvement A Abidjan, la plupart des éleveurs (plus de 97%) utilisent l’eau des puits sans avoir demandé au préalable des analyses bactériologiques (M’BARI, 2000). Cette situation est presque la même que celle qui prévaut à Agnibilékrou où, lors de ces travaux, DOSSO (2014) a montré que le système d’abreuvement pour volailles présentait quelques manquements. En effet, selon ses résultats d’enquêtes, l’eau utilisée pour abreuver les poulets était la même que celle utilisée pour administrer les antibiotiques. Cette eau provenant des puits (69%) ou des forages (31%), n’était jamais analysée et moins de 60% des éleveurs traitent cette eau avant son utilisation dans les élevages. Or, plus les élevages sont intensifs, plus les animaux sont sensibles à la qualité microbiologique de l’eau. Les germes impliqués dans l’altération de la qualité de l’eau étant les germes totaux, les coliformes fécaux, les entérocoques, les salmonelles et les parasites (NDIAYE, 2010).
Hygiène des systèmes d’abattage et gestion des cadavres
Hygiène des systèmes d’abattage
BOKA (2009), a classé les tueries de volailles dans le district d’Abidjan en 3 catégories (types) selon les types d’infrastructures, d’équipements présents, des effectifs des abatteurs et des animaux abattus par jour. 8 • Les tueries de type I Elles se distinguent par leur bonne conception et construction. Elles sont plus petites et moins équipées qu’un abattoir moderne, et accueillent en moyenne 393,75 oiseaux par jour. • Les tueries de type II La volaille est abattue à ciel ouvert, et le lieu d’abattage est plus ou moins cimenté. Le niveau de production est estimé à 158,75 carcasses de volailles/jour et par tuerie. Le matériel de travail est très diversifié et de fabrication artisanale (Figure 1). Figure 1 : Tuerie de type II au marché de Port-Bouët II Source : BOKA, 2009 • Les tueries de type III Elles sont en nombre plus important. Mis à part le fait que le lieu d’abattage des oiseaux est sur un sol nu, ces tueries ont les mêmes équipements et les mêmes conditions de préparation des volailles que celles du type II (Figure 2)
Gestion des cadavres
Les cadavres dans les fermes avicoles ne sont pas systématiquement brulés ou enterrés. DOSSO (2014) a révélé dans son étude, à Agnibilékrou, que les cadavres issus des élevages sont soit rejetés dans la nature (38%), soit enfouis (5%) ou servent à l’autopsie (1%). A Abidjan, selon N’GUESSAN (2009), les cadavres de volailles sont dans 22,7% des cas jetés à l’air libre. I.3. Circuits de commercialisation et de distribution des produits avicoles En Côte d’Ivoire, comme un peu partout ailleurs en Afrique, il existe deux principaux circuits de distribution des productions avicoles. Selon le bulletin d’information du Fonds Interprofessionnel pour la Recherche et Conseil Agricole FIRCA (2011), les 2 circuits sont entre autre le circuit moderne et le circuit traditionnel organisés de la manière suivante : • le circuit moderne assure la distribution de près de 50% de la production de volailles, à travers une chaîne d’abattage et la distribution d’environ 10% de la production d’œufs de consommation en produits conditionnés. • le circuit traditionnel assure également la distribution de 50% de la production de volailles en produits vifs et la distribution de près de 90% de la production d’œufs de consommation. Selon FOFANA (2009), dans ce circuit les œufs et les animaux sont issus de tous les types d’élevage. Ils sont transportés d’un endroit à un autre par divers moyens (paniers, cages, vélo, moto ou en camion) et parfois même sur de longues sans aucune application de mesures de biosécurité. Les conséquences peuvent être des manipulations des produits sans les moindres mesures hygiéniques, les mélanges des produits venant des fermes qui n’ont pas les mêmes statuts sanitaires et un défaut de traçabilité des produits sur le marché. Ce qui demande une attention particulière car certains acteurs véreux pourraient tenter d’écouler des produits normalement insalubres.
Principales pathologies rencontrées
Les investigations faites par BITTY (2013) au Laboratoire Central Vétérinaire de Bingerville (Côte d’Ivoire), permettent de classer les pathologies rencontrées en : maladies parasitaires, maladies bactériennes, maladies virales et autres. I.4.1. Maladies parasitaires Les maladies parasitaires en aviculture contribuent directement ou indirectement dans la baisse de la productivité et de la rentabilité d’une exploitation. En Côte d’Ivoire, BITTY (2013) a montré que parmi les maladies parasitaires, les coccidioses venaient en tête avec 48% à elles seules (Figure 5).
Maladies bactériennes
Les maladies bactériennes occupent une place importante en santé animale et en hygiène alimentaire. BITTY (2013) a montré que les colibacilloses sont les plus fréquentes (59%). Les salmonelles viennent en troisième position avec une part de 12% (Figure 6). 12 Figure 6 : Maladies bactériennes en élevages périurbains d’Abidjan Source : BITTY, 2013 I.4.3. Maladies virales Les maladies virales sont toujours sévères en aviculture. Certaines sont inéluctablement mortelles tandis que d’autres entraînent des morbidités importantes. Les plus importantes sont la maladie de Gumboro, la maladie de Newcastle ou pseudo peste aviaire, la variole aviaire, les leucoses aviaires, la bronchite infectieuse et la maladie de Marek (Figure 7).
Autres maladies
Les autres maladies rencontrées en aviculture ivoirienne, comme un peu partout ailleurs, sont surtout d’ordre carentiel. Il s’agit notamment des avitaminoses, des carences en minéraux,… Elles ne sont pas non plus à négliger du fait qu’elles peuvent directement ou indirectement influencer négativement sur la santé et les productions avicoles. I.5. Utilisation des antibiotiques Dans les élevages en général, les antibiotiques ne sont pas utilisés uniquement pour traiter les maladies déjà présentes. Ils sont également utilisés à des doses sous-thérapeutiques en prévention, mais aussi comme promoteurs de croissance. Les observations faites par CHAUVIN et al. (2010) ont permis de constater que l’usage des antibiotiques en aviculture est fortement lié à des déterminants non seulement sanitaires mais également socio-économiques.
Fréquence d’utilisation
En Côte d’Ivoire, l’utilisation des antibiotiques dans les fermes avicoles est une pratique courante. La durée de traitement la plus observée se situe entre 1 et 3 jours avec une fréquence de 50%. La voie orale (eau de boisson et aliment) représente 99% des voies d’administration (DOSSO, 2014). Cette voie d’administration des antibiotiques peut poser des problèmes notamment par des sous dosages ou des surdosages qui peuvent être dangereux pour les animaux. D’autres études ont montré l’existence d’une pratique d’automédication dans les fermes avicoles. Les dernières, récemment conduites par DOSSO en 2014 et TIECOURA (2015) ont montré que l’automédication était pratiquée dans 79% et 59,70% respectivement à Agnibilékrou et Abidjan. Selon BADA-ALAMBEDJI (2008), dans ce genre de traitement, même si le type de molécules utilisées sont des fois les mêmes que celles des vétérinaires, les notions sur les conditions et les quantités à administrer ou les délais d’attente sont souvent absentes.
Antibiotiques utilisés en Aviculture en Côte d’ivoire
En Côte d’ivoire, les antibiotiques utilisés en santé animale peuvent être regroupés en 7 familles que sont : les β-lactamines, les macrolides, les tétracyclines, les aminosides, les diaminopyrimidines, les quinolones, les polypeptides. Dans le cas d’une antibioprévention, la famille des tétracyclines est la plus utilisée. En cas de pathologie digestive, les familles des βlactamines, polypeptides et diaminopyrimidines sont les plus utilisées pour un traitement de prémière intention tandis qu’en deuxième intention, ce sont les β-lactamines, quinolones et aminosides qui sont les familles les plus utilisées (DOSSO, 2014). Certains antibiotiques considérés comme « critiques », retiennent de plus en plus l’attention des acteurs de la santé publique vétérinaire et humaine. La réunion mixte des experts FAO/OMS/OIE (2007) a estimé que les antibiotiques « critiques » regroupent à la fois ceux qui sont particulièrement générateurs de résistance bactérienne et ceux qui présentent un intérêt particulier en traitement dit de « dernier recours ». C’est ainsi que selon l’agence Française de sécurité des médicaments et des produits de santé, ANSM (2013), l’utilisation doit être rigoureusement contrôlée pour les antibiotiques suivants : • les antibiotiques particulièrement générateurs de résistance bactérienne. il s’agit : de l’association amoxicilline-acide clavulanique, des céphalosporines (en particulier les spécialités administrées par voie orale plutôt que par voie injectable ; les céphalosporines de troisième et quatrième générations, la ceftriaxone) et les fluoroquinolones. • les antibiotiques dits « de dernier recours » : vis à vis des cocci à Gram positif (la daptomycine, le linézolide), vis à vis des bactéries à Gram négatif (la colistine injectable, la tigécycline, les pénèmes, la fosfomycine injectable, les phénicolés, la témocilline).
Conséquence de l’usage des antibiotiques en aviculture
Antibiorésistance et résidus d’antibiotiques L’antibiorésistance ou la résistance aux antimicrobiens est une baisse d’efficacité des médicaments antimicrobiens utilisés pour lutter contre un microbe donné. Cette résistance s’établit progressivement jusqu’à ce que ces antimicrobiens deviennent totalement impuissants en raison des mutations biologiques du microbe : ce dernier résiste dorénavant au traitement (CANADA, 2014). Certaines bactéries sont intrinsèquement insensibles aux antibiotiques, et 15 l’étaient même avant la généralisation de ces produits. Mais, les bactéries peuvent développer une résistance à pratiquement n’importe quel antibiotique en réponse à son utilisation (MORITZ, 2001). D’autres auteurs disent que c’est chaque antibiotique qui sélectionne des bactéries résistantes à lui-même (ANSM, 2013). Ce qui est pire est que ces microbes résistants aux antimicrobiens se déplacent et se propagent de la même manière que tous les microbes qui entraînent des maladies infectieuses (CANADA, 2014). Les résidus d’antibiotiques sont tous les principes actifs ou leurs métabolites qui subsistent dans les viandes ou autres denrées alimentaires provenant de l’animal auquel le médicament en question a été administré. Les risques peuvent être la toxicité, l’allergie, la sélection et la dissémination de résistance bactérienne aux antibiotiques au sein des populations humaines et animales (COMMISSION EUROPEENNE, 1981). I.5.3.2. Conséquences sur les animaux Les conséquences de l’usage des antibiotiques sur l’animal se résument surtout aux accidents et échec de l’antibiothérapie. Ceci arrive dans les cas d’une détection tardive des malades, d’une erreur d’identification des agents bactériens en cause ou d’une erreur de prescription. C’est également dans le cas d’une mauvaise conservation des formulations antibiotiques ou d’une mauvaise observance du traitement (CHATELLET, 2007).
Conséquences sur l’environnement
Outre la sélection immédiate de résistance chez les animaux exposés, les usages abusifs concourent à enrichir l’environnement en bactéries résistantes susceptibles de persister dans les bâtiments d’élevage et de contaminer les lots ultérieurs (CHAUVIN et al., 2010).
Conséquences sur l’homme
Selon CHATELLET (2007), l’administration d’un antibiotique à un animal peut, par l’intermédiaire de la présence de résidus, présenter des risques. Ces risques sont accrus lorsque, accidentellement ou intentionnellement, le temps d’attente n’est pas respecté. De plus, la flore intestinale des animaux peut constituer un réservoir de bactéries antibiorésistantes capables d’infecter les hommes par la chaîne alimentaire (MORITZ, 2001). Ce qui entraîne par la suite, les traitements des infections zoonotiques plus difficile et plus coûteux et des maladies plus 16 graves et de plus longue durée (BADA-ALAMBEDJI, 2006). I.6. Surveillance de la résistance aux antimicrobiens Le développement de la résistance chez les bactéries des animaux pouvant conduire à des infections d’origine alimentaire (Salmonella, Campylobacter) est à surveiller dans le contexte d’une approche de santé publique globale (SANDERS et al., 2012). La surveillance de résistance aux antibiotiques devient de plus en plus nécessaire si on ne veut pas, à long terme, nous retrouver sans aucun moyen efficace pour traiter certaines infections animales et humaines. En Côte d’Ivoire, l’Observatoire de la Résistance des Micro organismes aux anti Infectieux en Côte d ’Ivoire (ORMICI) a été créée en 2002 avec comme principales missions, la formation et information des professionnels de santé et population, constitution d’une base de données et notification des cas de résistance aux autorités sanitaires (GUESSENND, 2013).
INTRODUCTION |