HELICOBACTER PYLORI (H pylori) est un bacille hélicoïdal, à Gram négatif, microaérophile, de culture lente, dont le réservoir est essentiellement l’estomac humain (1). Découvert en 1983 par Marshall et Warren (2,), H pylori est reconnu comme responsable de la maladie ulcéreuse gastroduodénale, de la gastrite chronique, du lymphome gastrique du MALT (Mucosa Associated Lymphoïd Tissue) et du cancer gastrique (3). La gastrite à H pilori est l’infection bactérienne la plus répandue dans le monde. Elle est très fréquente dans les pays en développement où elle peut, dans certaines circonstances, atteindre pratiquement toute la population (4). Comme Madagascar se trouve dans un contexte tropical, là où la prévalence de H pylori est très élevée, il nous a paru intéressant de mener notre propre étude.
HISTORIQUE
Les premières descriptions d’un micro-organisme ressemblant au genre Campylobacter étaient probablement celles réalisées au microscope à la fin du siècle dernier. Des micro-organismes similaires auraient été observés dans la muqueuse gastrique de certains animaux, et, dès le début du siècle, le rôle pathogène éventuel de tels micro-organismes dans la survenue de tumeurs gastriques humaines a été évoqué .
Deux revues générales (5), (6) résument l’historique de la découverte de H pylori. Il est en particulier intéressant de noter que, dès 1915, un lien possible entre une telle bactérie et l’ulcère duodénal a été suggéré, et qu’en 1950, une étude réalisée chez l’homme (7) a souligné l’association entre l’activité uréase et la pathologie ulcéreuse .
Mais cette bactérie a ses détracteurs. Palmer (9), en 1954, contredit les données précédentes. Avec une méthodologie probablement inadaptée, cet auteur ne détecte pas de micro-organisme sur la muqueuse gastrique humaine de plus de 1000 cadavres et conclut que sa présence lors des études antérieures était liée à une contamination de l’estomac par des bactéries dégluties et/ou à une infestation postmortem. Il faut attendre 1975 pour que STEER et COLIN JONES (10) redécouvrent chez l’homme une association entre ulcère gastrique et la présence, au sein du mucus, à la surface de la muqueuse gastrique, d’un micro-organisme visible au microscope optique et en prenant la coloration par le Gram.
MICROBIOLOGIE
H pylori partage certaines similitudes morphologiques avec le genre Campylobacter (du grec Kampulos = incurvé, et bacter = bâtonnet), de la famille des sirillaçae et du groupe des Vibrio (13). Cependant, les caractères biochimiques, génétiques et antigéniques de H pylori le différencient des autres genres bactériens.
CARACTÈRES MORPHOLOGIQUES
A l’examen direct, H pylori (longueur : 2,3 µm , diamètre : 0,5 µm) a une forme hélicoïdale, spirale ou en S. Flagellé à ses deux extrémités, il est théoriquement capable de se déplacer rapidement par frétillement et par des mouvements de rotation caractéristiques. A l’extrémité distale de ses flagelles, on observe un bulbe ou disque que l’on ne retrouve dans aucune autre espèce de Campylobacter (14) (15). Le reste de la surface de H pylori est lisse.
CARACTÈRES CULTURAUX
H pylori ne peut pas être cultivé sous une atmosphère d’oxygène de 20 % et nécessite un enrichissement du milieu en hémine. Le milieu idéal est une gélose solide (gélose ou sang de ph 6 à 8) en atmosphère micro-aérophile (5 % d’oxygène, 7 % de dioxyde de carbone, 8 % d’hydrogène, 70 % d’Azote, et 10 % d’autres gaz) à 37° C.
Des milieux solides standardisés supplémentés en vitamines et antibiotiques, tels que ceux de SKIRROW et GOODWINE, sont utilisés en pratique courante (16) ; (17). Il est également possible de cultiver H pylori dans un bouillon de BRUCELLA BROTH supplémenté en sang total (16). Des colonies transparentes ou grisâtres, parfois hémolytiques, de 1 mm de diamètre, apparaissent dès le 3ème ou le 4ème jour.
CARACTÈRES BIOCHIMIQUES
L’équipement enzymatique de H pylori est faible par rapport à d’autres germes. Il ne dégrade pas les hydrates de carbone. Il y a une activité uréase très intense, ce qui permet de le différencier des Campylobacters : il peut survivre à un pH acide en présence d’urée (18). H pylori dépourvu d’activité uréase semble exceptionnel. Il possède de plus des activités catalase, phosphatase alcaline, cytochrome oxydase et superoxyde dismutase, phosphatase acide, ADNase, gamma-glutamyltranspeptidase, leucine aminopeptidase et lipase estérare . Il ne réduit pas les nitrates et n’hydrolyse pas l’hippurate (13). Comme les Campylobacters, il a un métabolisme respiratoire et tire principalement son énergie des réactions de phosphorilation oxydative. Le caractère micro-aérophilique des colonies dépendrait de l’inhibition d’enzymes comme la lactate deshydrogénase, plutôt que de celles de la chaîne des cytochromes (13). Certaines activités enzymatiques telles que l’uréase, la catalase et la phospholipase peuvent expliquer la capacité de H pylori à résister à l’acidité et à la réponse inflammatoire gastrique et à modifier la composition du mucus et des phospholipides gastriques qui ont tous deux un rôle protecteur pour la muqueuse .
CARACTÈRES GÉNÉTIQUES
Il est généralement admis que les micro-organismes étroitement apparentés ont un pourcentage guanine-cytosine (G + C) voisin (13). Le statut taxonomique de H pylori est établi (17), et il se distingue par la valeur plus basse du coefficient de son ADN (G + C = 36 à 37 %) des vrais membres du groupe Vibrio (G + C = 18 à 51 %) ou du genre WOLINELLA (G + C = 46-49 %). Des expériences d’hybridation ADN-ADN et ADN-ARN montrent que H.pylori a un profil éloigné des Campylobacter (c. jejuni, c. jelus) , ce qui explique le changement de dénomination .
Le génome de deux souches a été entièrement séquencé en 1997. C’est un génome de petite taille (1,6 x 106 PB) avec un GC % de 35 à 44. De nombreux éléments de ce génome suggèrent qu’il est fréquemment remanié par des recombinaisons intragéniques ou l’acquisition d’ADN exogène. La présence de duplications, de séquence d’insertion et la structure de certains gènes démontrent chez ce génome une grande plasmicité et sont en faveur d’aptitudes d’adaptation exceptionnelle. Analysés par ribotypie, pulsotypie ou RAPD, des génomes des souches provenant de sujets non reliés sont pratiquement toutes différentes. Au contraire, les souches isolées successivement chez les membres d’une même famille vivant en communauté sont très peu différentes ou identiques.
LOCALISATION
Le réservoir de bactéries est essentiellement humain. La bactérie colonise le mucus de l’estomac avec une spécificité d’hôte. H pylori a une spécificité pour l’homme et les autres primates, et une spécificité d’organe : son uréase tamponne le milieu acide lui permettant de se nicher dans l’antre, de pénétrer le mucus et d’adhérer aux cellules épithéliales grâce à des récepteurs spécifiques. H pylori se trouve essentiellement au niveau des espaces intercellulaires sans invasion cellulaire. De la même façon, on la retrouve dans les zones de métaplasie gastrique du duodénum .
POUVOIR PATHOGÈNE D’HELICOBACTER PYLORI
PHYSIOPATHOLOGIE
Les conséquences de la colonisation de la muqueuse gastrique par H pylori sont représentées par une réaction inflammatoire de l’épithélium gastrique caractérisant la gastrite histologique. L’ingestion volontaire d’H pylori entraîne l’apparition d’une gastrite aiguë qui en quelques semaines progresse vers la gastrite chronique. Après pénétration et déplacement dans le mucus, l’H pylori se fixe à la cellule pariétale grâce à des adhésines spécifiques. Une fois fixé à la cellule épithéliale, grâce aux enzymes sécrétées en grande quantité : catalase et superoxyde dismutase, l’H pylori résiste à la phagocytose et produit une cytokine vacuolisante qui provoque une altération de la membrane apicale et une rupture des espaces intercellulaires.
D’autres cytokines ont la propriété d’activer directement les monocytes de la sous-muqueuse qui produisent les protéines de l’inflammation (interleukine 1, TNF alpha, PAF aceter) (23). Cette réaction inflammatoire s’accompagne d’une infiltration de la sous-muqueuse par des éléments lympho-plasmocytaires et par la production d’anticorps de spécificité IgA ou IgG.
INTRODUCTION |