PRÉVALENCE DE L’ATOPIE CHEZ LES PATIENTS
PRÉSENTANT UN PRURIGO
Les aspects épidémiologiques
L’association prurigo et atopie a été rapportée dans de nombreuses études . Elle est de 29% en 2016 dans celle de Maridet portant sur 102 cas de prurigo chronique de l’enfant [12] et de 15,59% des cas dans celle de Técléssou portant sur 476 enfants âgés de 0 à 15ans réalisée en 2016 [19]. Elle a représenté la moitié des patients dans notre étude (52%), rejoignant ainsi le taux d’une étude Malienne, réalisée en 1997 par Traoré et al qui avaient trouvé une prévalence de 49,2%. [14] et celle d’Iking et al portant sur 108 cas de prurigo nodulaire de l’adulte [17] à 46,3% des cas. Des taux supérieurs ont même été notés par d’autres auteurs. Tanaka et al, dans une étude menée au japon en 1995 sur 31 cas de prurigo nodulaire avaient noté une fréquence à 65% des cas, [15] et Moussirou un taux de 62,1%. Le prurigo s’intègre parfaitement dans la symptomatologie de la DA par le biais du prurit qui constitue le maitre symptôme. Bien que les mécanismes pathogéniques du prurigo ne soient pas élucidés, il semblerait qu’il y’ait des 32 interactions complexes entre structures nerveuses, neurotrophines, neuropeptides, cellules inflammatoires et vasculaires de la peau. L’hypertrophie des nerfs par l’hyperplasie des cellules de Schwann et des fibres nerveuses amyéliniques n’est pas un élément constant. A la notion d’hyperplasie nerveuse et des neurotrophines s’ajoute celle des neuropeptides tels que la substance P et la calcitonine gene related peptide qui sont augmentés dans les axones hyperplasiques du prurigo nodulaire mais ne le sont pas dans d’autres dermatoses prurigineuses. Les fibres nerveuses des lésions de prurigo sont également plus réactives à ces neuropeptides. On leur attribue l’abaissement du seuil de sensibilité tactile rétabli par l’application de la capsaicine. Il est probable que ces neuropeptides qui sont de puissants histamino libérateurs avec une forte action pro inflammatoire soient responsables du prurit intense qui caractérise le prurigo [2, 20, 21]. Si la DA est une affection dermatologique de l’enfant, le maximum de cas dans notre étude a dépassé l’âge pédiatrique comme le prouve l’âge moyen de 32,15ans, le maximum de cas s entre 40 et 50 ans chez les patients présentant un prurigo avec atopie. Un lien statistiquement significatif a été noté entre l’âge supérieur à 15 ans et l’existence d’atopie. Les prurigos nodulaires avec antécédents d’atopie débutent en moyenne vers l’âge de 20 ans et vers l’âge de 50 ans en l’absence d’atopie [2]. Cette prédominance des adultes a été vérifiée dans les 3 groupes à savoir tous les cas de prurigo, celui de prurigo avec atopie et celui de prurigo sans atopie. Weigelt et al dans leur étude portant sur 58 cas de prurigo avait un âge moyen de 58,38 ans [22] et de 61,5 ans dans celle d’Iking [17]. . Une prédominance féminine a été notée chez les sujets présentant un prurigo avec atopie même si le lien entre le sexe féminin et le prurigo chez les atopique n’est pas statistiquement significatif (p= 0,36). Cette prédominance féminine a été vérifiée dans les 3 groupes. Ceci rejoignait l’étude de Weigelt et al qui avaient trouvé une prédominance féminine [22]. Nos résultats étaient différents 33 de ceux de Moussirou [16], de Maridet [12] et de Ngwane [24] qui avaient trouvé dans leurs études une prédominance masculine. La prédominance féminine pourrait être expliquée par l’aspect inesthétique des macules hyper pigmentées cicatricielles résiduelles du prurigo, qui incitent à la consultation chez les femmes. La majorité des cas recrutés provenait des zones urbaines (69,2% des cas). La fréquence de ces cas de prurigo est aussi aggravée par la promiscuité, la pollution et le changement de mode de vie. Cependant l’insuffisance de dermatologue dans les structures sanitaire rurales peut expliquer ce nombre important de cas en zone urbaine. La théorie hygiéniste est une des hypothèses qui pourrait expliquer cette forte prévalence de l’atopie. Elle propose que les conditions de stérilité rencontrées dans le monde occidental et dans les zones urbaines ne polarisent pas particulièrement les réponses immunitaires vers l’allergie, mais inhibent principalement les phénomènes de régulation naturelle de l’inflammation normalement entretenus par la flore saprophyte. Ce qui explique ainsi l’émergence non seulement des maladies allergiques, mais également l’augmentation de l’incidence d’autre pathologie inflammatoire chronique en particulier immunoallergique.[6] L’atopie avait un caractère personnel dans 82% des cas et un caractère familial dans 87,5% des cas. De nombreuses études de la prévalence familiale [25, 26] ont pu estimer le risque d’atopie pour un individu en fonction des antécédents atopiques chez les apparentés du 1er degré. Ainsi, plus de la moitié des enfants nés de parents atteints de DA seront eux même atteints de DA. Diepgen a pu mettre en évidence une agrégation familiale, c’est-à-dire une prévalence accrue chez les apparentés des sujets atteints par rapport à la population générale. Toutefois cette agrégation familiale est plus nette entre membre d’une même fratrie qu’entre parents et enfant [25]
Les aspects cliniques
Le prurigo atopique constituerait une « variante clinique » de la DA, où les plaques « classiques » d’eczéma sont remplacées par des lésions papulo nodulaires chez des patients présentant une hypersensibilité tardive aux acariens domestiques [12]. Chez les sujets atopiques, la xérose même si elle est considérée comme un signe mineur, elle est fréquente et constante. Elle a été présente dans 38,47% des cas dans notre étude. L’intensité de la xérose est variable allant d’une simple desquamation à une peau crevassée, fissuraire et douloureuse. Elle joue un rôle non seulement dans l’exacerbation du prurit mais aussi dans l’altération de la fonction barrière cutanée favorisant ainsi la pénétration des allergènes et des irritants. Elle serait liée à des mutations hétérozygotes avec « perte de fonction » 35 du gène de la fillagrine, intervenant dans la formation de la couche cornée et des lipides de surface [27]. La lésion élémentaire était des papules dans 94,8% des cas et des vésicules dans 61,53% des cas. L’aspect prédominant des lésions papulo vésiculeuses a été vérifié dans les 3 groupes. Cette prédominance de l’aspect papulo vésiculeux a été également rapportée dans une étude française réalisée en 2002, portant sur 3 observations de prurigo atopique [28]. La topographie est diffuse dans 64,1% des cas. Une absence lien statistiquement significatif a été noté entre un aspect diffus des lésions et l’atopie (p=0,3). Dans l’étude de Parromat sur 3 observations de prurigo atopique les lésions étaient diffuses chez tous les patients [28]. A Abidjan, dans l’étude de Sangara portant sur les aspects épidémiologiques et sérologie rétrovirale de 213 cas de prurigo, les lésions étaient diffuses dans 68,5% des cas [29]. L’atteinte des membres est plus fréquente chez les sujets avec atopie (89,74%). Un lien statistiquement significatif a été noté entre la topographie aux membres et le prurigo chez les atopiques (p=0,0037). Ceci rejoint l’étude de Moussirou [16] où la localisation des membres inférieurs était la plus fréquente et représente 39,8%. La localisation aux membres encore appelé prurigo Strophulus est décrit depuis 1857. Il a été plus décrit chez l’enfant entre 2 à 7ans et est caractérisé par des lésions très prurigineuses siégeant sur les parties découvertes notamment les membres. Elle serait dû à une hypersensibilité cellulaire retardée à des parasites de l’environnement [24, 30, 31]. Le tronc est la deuxième localisation après celle des membres (35,89%) avec un lien statistiquement significatif entre l’existence de l’atopie (p=0,02). Cette localisation tronculaire rejoint le prurigo de Besnier qui survient sur atopie [32]. Chez les atopiques, les lésions de DA sont superposables à celles du prurigo avec des localisations aux membres, au tronc, aux zones convexes du visage et aux plis.
INTRODUCTION |