Présentation du système laser femtoseconde
L’oscillateur Vitesse
Le Vitesse regroupe le laser de pompe de type « Verdi » (Coherent) et l’oscillateur femtoseconde. Le Verdi est un laser continu vert délivrant une puissance de 10 W. Deux diodes laser de puissance (808 nm) pompent un cristal de Nd :YVO4, un doublage de fréquence étant réalisé en intracavité par un cristal de LBO afin d’obtenir un faisceau à 532 nm centré sur le spectre d’absorption du cristal de titane-saphir. La puissance de ce laser est utilisée à 20% pour pomper l’oscillateur femtoseconde, le reste servant à pomper l’amplificateur régénératif RegA. La cavité de l’oscillateur est basée sur un cristal de titane-saphir (Ti:Al2O3). Le fonctionnement impulsionnel est assuré par un système classique de blocage de mode par lentille de Kerr (Kerr-Lens Modelocking) : en régime impulsionnel, l’effet Kerr dans le cristal de Ti:Sa conduit à une autofocalisation du faisceau. La présence d’une fente dans la cavité favorise alors le mode impulsionnel au détriment d’un fonctionnement continu. La cavité comprend également un système de compensation de la dispersion de vitesse de groupe (DVG), autre élément classique des cavités laser femtoseconde. La DVG positive introduite par les multiples passages dans le cristal de titane-saphir est ici compensée par des miroirs de cavité dits « chirpés », afin de remettre en phase les différentes composantes spectrales émises par le cristal de titane-saphir. Cet oscillateur est très fiable, il délivre des impulsions de 120 fs autour de 800 nm à la cadence de 76 MHz. La puissance moyenne est de 150 mW, soit une énergie par impulsion de 2 nJ. La qualité spatiale du faisceau est très bonne, le facteur M2 est égal à 1.2.
L’amplificateur régénératif RegA
L’énergie délivrée par ce type d’oscillateur étant trop faible pour les applications visées par ce travail, il convient de lui adjoindre un système amplificateur. Le RegA est un système à amplification régénérative, pour lequel la qualité de faisceau est généralement meilleure qu’avec un amplificateur multipassages puisque la cavité effectue un filtrage spatial de mode. La cavité régénérative, représentée sur la figure 1.2, est composée de deux bras organisés autour d’une sous-cavité. Le cristal de Ti:Al2O3, placé dans une sous-cavité, est pompé en continu par 8W de vert à 532 nm. La cavité fonctionne selon la technique classique d’amplification à dérive de fréquence ou « Chirped Pulse Amplification » [5]. L’impulsion source provenant de l’oscillateur (120 fs) est étirée temporellement pour diminuer sa puissance crête, de façon à pouvoir réaliser une amplification sans dommage pour le cristal amplificateur. L’impulsion est ensuite recomprimée à sa durée initiale. Le système utilisé ici ne comporte pas d’étireur : la DVG positive, introduite à chaque tour dans la cavité par les cristaux traversés (Ti:Sa, Q-switch, cavity dumper) étire suffisamment l’impulsion (jusqu’à ∼30 ps) pour ne pas craindre de dommage sur les composants optiques. Cette cavité amplificatrice comporte deux éléments importants : le Q-switch et le cavity dumper, qui sont tous deux des cristaux acousto-optiques de TeO2. Le Qswitch permet d’empêcher l’effet laser continu dans la cavité sans injection, c’est-à-dire en l’absence d’impulsion source provenant de l’oscillateur. Quand la cavité est injectée et qu’elle fonctionne en mode d’amplification régénérative, le Q-switch permet de couper la cavité pour stocker à nouveau le gain dans le cristal de titane-saphir avant l’arrivée de l’impulsion suivante. Le cavity dumper permet de contrôler l’injection/éjection des impulsions de l’oscillateur femtoseconde dans la cavité régénérative. Ce cristal est monté sur une cale piezoélectrique permettant d’établir un système d’ondes acoustiques stationnaires dans le cristal. Celles-ci jouent alors le rôle d’un réseau d’indice permettant de dévier le faisceau dans l’ordre 1 (Bragg) quand une tension électrique radio-fréquence est appliquée, et ainsi d’injecter/éjecter le faisceau de la cavité. Le réglage du cavity dumper est très délicat car il perturbe l’alignement de la cavité. Par rapport à un contrôle d’injection/éjection du faisceau source dans la cavité régénérative par une rotation de polarisation couplée à une cellule de Pockels, ce système présente l’avantage d’offrir des cadences de commutation beaucoup plus élevées (jusqu’à 250 kHz) car la commutation acousto-optique est plus rapide qu’une commutation électrique (typiquement 1-10 kHz). De plus, la cadence est aisément variable par contrôle de la fréquence de la tension appliquée au cristal acousto-optique. En outre, ce système ne nécessite que de faibles tensions, contrairement aux cellules de Pockels.
Caractéristiques sensibles pour la mise en forme de faisceau
Les points délicats pour la mise en forme de faisceau résident à la fois dans les caractéristiques de phase et d’amplitude du faisceau incident. Distorsions de phase Les distorsions de phase constatées en sortie de chaîne laser peuvent se décomposer en deux contributions différentes. Tout d’abord, un problème de forte divergence du faisceau en sortie du laser, issu d’une courbure de phase relativement importante puisqu’elle correspond à un rayon de courbure d’environ 2,5 m. Comme un télescope est requis directement en sortie du système laser afin d’ajuster la taille du faisceau sur le modulateur de phase, cette courbure de phase peut donc être annulée en déréglant le télescope. Il faut cependant tenir compte de ce réglage lors du dimensionnement du télescope, car la taille du faisceau sur le modulateur de phase doit être précisément ajustée pour obtenir une mise en forme de qualité. La deuxième cause de distorsion du front d’onde provient de la cavité régénérative, et résulte de causes multiples : défauts de surface des optiques, aberrations thermiques dans le barreau de Ti:Sa, aberrations introduites par les cristaux acousto-optiques, défauts d’alignement de la cavité ou du compresseur… Ces distorsions de surface d’onde exhibent une amplitude totale d’environ λ/4 avec un écart-type de λ/15. Ainsi, en plus de la modulation de phase nécessaire à la mise en forme de faisceau, nos expériences devront tenir compte des propres aberrations du laser et les corriger.
Distorsions d’amplitude
Le problème le plus gênant pour notre application de mise en forme de faisceau est la qualité spatiale du faisceau initial, c’est-à-dire en sortie de laser. Dans la chaîne d’amplification régénérative, le compresseur introduit une déformation importante du faisceau lorsqu’il est ajusté de manière à optimiser la puissance de sortie. Le faisceau incident pour nos expériences présente donc à la fois des aberrations de phase et d’amplitude. Ceci pose problème car si la modulation de phase spatiale permet de corriger ou de mettre en forme le faisceau dans un plan donné, elle ne procure pas de correction de l’amplitude dans le plan de modulation. En effet, quel que soit le plan considéré, un unique modulateur ne permet de jouer que sur l’un des deux paramètres. Un défaut d’amplitude par rapport à une distribution gaussienne parfaite induit donc un défaut de mise en forme. Un réglage adapté du compresseur est alors indispensable, au détriment de la puissance (perte de 1 µJ par impulsion) mais pas de la durée d’impulsion. La meilleure qualité de faisceau atteignable est représentée sur la figure 1.6, elle n’est malheureusement pas facilement reproductible quotidiennement. En conclusion, le RegA est un système laser femtoseconde complexe, sensible, et à fiabilité assez limitée. Les fluctuations nécessitent une optimisation permanente pour obtenir les performances maximales, afin de bénéficier à la fois d’une puissance maximale et d’une qualité de faisceau relativement bonne. Néanmoins, une fois maîtrisé, ce système se révèle être un outil bien adapté aux applications de microusinage et de photoinscription.