PRESENTATION DU MANDAT D’ARRET EUROPEEN ET CAS CONCRETS D’UTILISATION
LA CREATION DU MANDAT D‟ARRET EUROPEEN
Le mandat d‟arrêt européen (MAE) a vu le jour grâce à la décision-cadre 2002/584 du 13 juin 2002 adoptée par le Conseil de l‟Union européenne, en vigueur depuis le 1er janvier 2004. Celle-ci définit le mandat d‟arrêt européen en son article 1, 1° comme « une décision judiciaire émise par un Etat membre en vue de l‟arrestation et de la remise par un autre Etat membre d‟une personne recherchée pour l‟exercice de poursuites pénales ou pour l‟exécution d‟une peine ou d‟une mesure de sûreté privatives de liberté » 9 . Le MAE est applicable dans deux situations, selon son champ d‟application énoncé à l‟article 2 de la décision-cadre : dans le cas d‟une infraction punissable d‟une peine ou mesure privative de liberté de minimum douze mois, ou en cas de condamnation définitive à une peine privative de liberté ou mesure de sûreté de minimum quatre mois10 . Les considérants de la décision-cadre expliquent l‟importance et le rôle du MAE au sein de l‟Union européenne. L‟objectif principal de cette décision est de « supprimer la procédure formelle d‟extradition pour les personnes qui tentent d‟échapper à la justice après avoir fait l‟objet d‟une condamnation définitive et d‟accélérer les procédures d‟extradition relatives aux personnes soupçonnées d‟avoir commis une infraction » 11 . La finalité de l‟Union européenne est de créer un espace de liberté, de sécurité et de justice. Cet objectif a été consacré par le Traité d‟Amsterdam du 2 octobre 199712. Pour ce faire, il faut procéder à trois étapes, énumérées au huitième considérant de la décision-cadre : « supprimer l‟extradition entre Etats membres et la remplacer par un système de remise entre autorités judiciaires ; supprimer la complexité et les risques de retard inhérents aux procédures d‟extradition ; substituer un système de libre circulation des décisions judiciaires en matière pénale » 13 . Le but du MAE est donc de remplacer l‟ancien système d‟extradition entre les Etats. En effet, ce mécanisme comporte des imperfections qui rendaient les procédures longues et compliquées. Dans les procédures classiques d‟extradition, il y a une phase politique et une phase judiciaire. Le pouvoir exécutif joue un rôle décisionnel sur la demande d‟extrader. Ensuite, l‟autorité judiciaire doit émettre un mandat d‟arrêt international, puis une demande d‟extradition au pays concerné. Avec cette procédure, l‟extradition moyenne prend généralement un an 14. De plus, il existe de nombreux motifs de refus d‟extrader tels que la nature politique des infractions, l‟exigence de la double-incrimination dans le pays d‟émission et dans le pays d‟exécution, la minorité ou encore le refus d‟extrader les nationaux15 . A l‟inverse, la nouvelle procédure de remise suite à l‟émission d‟un MAE est une procédure entre autorités judiciaires uniquement. Cela permet donc de supprimer les considérations politiques qui pourraient entrer en jeu, de même que le contrôle politique qui accompagne toute procédure d‟extradition. En effet, « du fait de l‟intervention exclusive des autorités judiciaires, le contrôle s‟opère dorénavant en légalité et non plus en opportunité » 16. Ceci permet une plus grande protection du principe d‟égalité entre les justiciables, puisque les décisions les concernant sont prises uniquement par un juge, garant de l‟impartialité et de l‟indépendance. En outre, il y a une accélération des procédures par un allégement des formalités car le MAE vaut à la fois demande d‟arrestation et demande de remise. Il n‟y a plus qu‟une seule procédure au lieu de deux (arrestation puis extradition). La décision-cadre fixe également des délais contraignants pour l‟exécution du mandat (60 jours) et la remise (10 jours). Ainsi, le délai moyen de remise d‟une personne recherchée est en général entre 14 et 17 jours si la personne consent à sa remise. Si elle n‟y consent pas, la procédure prend en moyenne 48 jours.
L‟UTILISATION DU MANDAT D‟ARRET EUROPEEN
Le mandat d‟arrêt européen est, depuis son entrée en vigueur et sa transposition dans les ordres juridiques nationaux des Etats membres, un réel succès. Le tableau suivant indique les statistiques de la fréquence d‟utilisation du MAE27: 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Mandats émis 6.889 10.883 14.910 15.827 13.891 9.784 10.665 13.142 14.948 16.144 Mandats exécutés 1.223 2.221 3.078 4.431 4.293 3.153 3.652 3.467 5.535 5.304 En 2002, en même temps que l‟adoption de la décision-cadre 2002/584, l‟Union européenne a créé un organe appelé « Eurojust » et basé à La Haye28 . Il s‟agit de l‟Agence de l‟Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale, dont le but est de faire la liaison entre les différents services judiciaires des Etats membres concernés par une même affaire relative à la criminalité grave29 . Chaque Etat membre désigne un membre national, procureur ou juge, pour un mandat de cinq ans, et ceux-ci se réunissent au sein du Collège chaque semaine afin de discuter des affaires en cours30 . Sur le site d‟Eurojust, on peut trouver un certain nombre de communiqués de presse qui relatent l‟exécution de MAE dans diverses affaires, dont nous avons relevé quelques exemples d‟une importance certaine. On peut notamment citer l‟arrestation, début novembre 2008, d‟un criminel recherché par les autorités roumaines, lié à des faits de trafic d‟êtres humains, d‟exploitation sexuelle d‟enfants et d‟abus sexuels sur enfants. Ce dernier a accepté d‟être remis par Malte aux autorités roumaines, qui avaient émis un MAE31. Dans une autre affaire, trente-deux arrestations ont été réalisées, début mars 2009, dans une histoire de trafic de cocaïne, à la suite d‟une coopération entre les membres nationaux Eurojust de l‟Italie, de l‟Espagne et de la France, après un MAE délivré par le Procureur italien à la France d‟arrêter et remettre trois suspects arrêtés à Lyon et Marseille32 . Une troisième affaire s‟est soldée par l‟arrestation, le 29 juillet 2011, d‟une figure emblématique de la mafia italienne, A.D., à Zeewolde, aux Pays-Bas, où il se cachait, à la suite d‟un MAE délivré par l‟Italie.