Présentation des zéolithes
Les matériaux poreux
Les matériaux poreux sont des matériaux présentant un grand nombre de cavités. L’existence de ces cavités crée une surface interne importante ; il en résulte une grande surface par unité de volume. Ces matériaux sont de ce fait métastables. Les matériaux sont classés en différentes catégories, en fonction de la taille de leurs pores [1]. On distingue ainsi les matériaux microporeux qui possèdent des pores de taille inférieure à 2 nm, les solides macroporeux dont les pores mesurent plus de 50 nm et la catégorie intermédiaire est appelée matériau mésoporeux. Les zéolithes font partie des matériaux microporeux. On regroupe les matériaux microporeux et mésoporeux dans la famille des matériaux nanoporeux (taille de pores inférieure à 50 nm). Trois exemples de matériaux poreux sont représentés sur la figure I.1. Les trois cas présentés sur cette figure sont des matériaux ordonnés. Ce n’est pas toujours le cas. On peut distinguer trois types de matériaux poreux (cf. figure I.2) : – les matériaux cristallins, comme les zéolithes et les MOF (Metal Organic Framework). La taille et la forme des pores sont contrôlées, – les matériaux réguliers, comme les argiles ou les nanotubes de carbone, – les matériaux amorphes (les plus nombreux), comme les charbons actifs, les gels de silice, les alumines activées, les verres de vycor, les aérogels et les xérogels. La distribution de la taille des pores est très large, et la forme des pores très irrégulière. Enfin, on peut aussi classer les matériaux nanoporeux d’après leur composition chimique. On distingue deux grandes catégories : les matériaux organiques et les matériaux inorganiques. Parmi ces derniers, qui constituent le groupe le plus important, on peut citer : – les matériaux de type oxyde : à base de silice, titane ou zircone … ; – les charbons actifs et autres matériaux à base de carbone, plus ou moins ordonnés ; – des composés binaires comme les sulfures, les phosphates, etc. On peut citer notamment le composé AlPO4 ; – les matériaux constitués d’un seul élément tel qu’un métal ou un semi-conducteur (ex : le silicium). Il y a beaucoup moins d’exemples de matériaux organiques ; on peut citer par exemple, les polymères. Depuis quelques années plusieurs familles de matériaux mixtes organique-inorganique se développent. On peut citer les MOF, dans lesquelles des centres inorganiques (en général des cations métalliques) sont reliés par des molécules organiques, mais aussi les matériaux organo-siliciques développés par Inagaki [2]. Beaucoup de ces matériaux contiennent des cations (notamment les matériaux de type oxyde, ainsi que les charbons actifs, qui au cours de leur traitement d’activation peuvent être mis en contact avec du chlorure de zinc, de l’acide phosphorique, du chlorure de baryum ou de la potasse) ou des groupements fortement polaires (oxydes, sulfures …). Ce sont donc des matériaux souvent fortement hydrophiles.
Applications des matériaux nanoporeux
Les matériaux nanoporeux ont un champ d’application extrêmement large, car la présence de pores dans leur structure leur procure des propriétés d’adsorption importantes. Nous pouvons citer quelques-unes des applications les plus courantes : – les charbons actifs sont utilisés dans les domaines de la séparation et de la purification de gaz, comme par exemple la séparation du diazote et du dioxygène de l’air, et la séparation du dihydrogène lors du recyclage des gaz provenant des fours à coke. Ils sont aussi utilisés dans le domaine de la catalyse. – les zéolithes peuvent agir comme agents déshydratants, adsorbants sélectifs, échangeurs d’ions, et surtout comme catalyseurs de nombreuses réactions. Elles servent aussi pour sécher les gaz réfrigérants, retenir les gaz polluants de l’atmosphère comme le SO2, séparer des hydrocarbures, récupérer les ions radioactifs des eaux polluées. Les zéolithes chimiquement activées présentent une forte acidité de Brönsted. – les matériaux mésoporeux ont des applications en catalyse, revêtements diélectriques, et en tant que tamis moléculaires. Ces matériaux possèdent donc tous des propriétés d’adsorption aux applications multiples dans de nombreux domaines industriels.
Adsorption dans ces matériaux
Les propriétés d’adsorption des matériaux poreux interviennent dans toutes les applications de ces matériaux. Ces phénomènes d’adsorption sont caractérisés expérimentalement par la mesure des isothermes d’adsorption. Ces isothermes représentent la quantité de molécules adsorbées dans le matériau en fonction de la pression de gaz ou de liquide extérieur. On parle d’adsorption lorsque l’on remplit le matériau initialement vide, et de désorption lorsque l’on vide le matériau initialement plein. L’allure de l’isotherme est liée au mécanisme d’adsorption. IUPAC classe les isothermes en six types différents. Les six types d’isotherme sont représentés sur la figure I.3. Les différents types d’isothermes sont liés à des interactions et des types de porosité différentes. – Une isotherme de type I est observée pour un milieu qui ne contient que des micropores, ou pour lequel seuls les micropores se remplissent lors de l’adsorption. C’est l’isotherme que l’on observe le plus couramment dans le cas des zéolithes ; – Une isotherme de type II caractérise un milieu non poreux ou macroporeux. On forme une couche adsorbée qui s’épaissit progressivement ; – Une isotherme de type III caractérise un système proche de celui caractérisé par une isotherme de type II, mais pour lequel les interactions entre le matériau poreux et l’adsorbat sont faibles ; – Une isotherme de type IV caractérise en général un matériau mésoporeux pour lequel une première couche d’adsorbat se forme sur la surface interne du matériau, puis l’adsorbat condense à l’intérieur des pores. Contrairement au cas d’un isotherme de type II (pour lequel le phénomène est très similaire) on observe un palier de saturation. De plus, le phénomène de condensation n’est en général pas réversible. – L’isotherme de type V est très similaire à l’isotherme de type IV, mis à part que les interactions entre l’adsorbat et le matériau poreux sont faibles. La monocouche qui se forme n’est pas complète lorsque la condensation a lieu à l’intérieur des pores ; – L’isotherme de type VI caractérise un système dans lequel les couches adsorbées se forment les unes après les autres. Au cours de cette thèse, nous nous sommes particulièrement intéressés aux matériaux zéolithiques. De part leur cristallinité, ces matériaux possèdent des propriétés d’adsorption particulières et relativement bien caractérisées. Cela leur confère des potentialités intéressantes, notamment en ce qui concerne les procédés de séparation.
Les zéolithes
Structure
Les zéolithes (en grec pierre qui bout) sont des aluminosilicates poreux cristallins. Le terme zéolithe a été introduit par Cronstedt qui les a découvertes en 1756. Elles appartiennent à la catégorie des solides nanoporeux (taille de pore < 5 nm). La structure cristalline donne aux zéolithes des pores de forme et de taille parfaitement homogènes ce qui a des conséquences importantes sur les propriétés du matériau. Elles sont constituées d’un arrangement de tétraèdres TO4 (où T désigne un atome de silicium ou d’aluminium) qui sont connectées par leurs sommets (figure I.4). L’arrangement régulier de tétraèdres crée un réseau de cavités dont la forme et le diamètre varient en fonction de la structure cristalline du matériau. Depuis leur découverte en 1756 par Cronstedt, les zéolithes ont été étudiées pendant deux siècles sans que l’on sache les synthétiser. Le travail de Barrer dans les années 1950 a révolutionné le monde des matériaux poreux en montrant qu’il était possible de synthétiser des matériaux zéolithiques. On connaît actuellement 194 structures de zéolithe, dont 62 ont été observées dans des matériaux naturels. Les pores peuvent être cylindriques ou sphériques, connectés ou non. L’International Zeolite Association attribue à chaque structure cristalline un code à trois lettres : LTA, FAU, MFI … La composition chimique du matériau peut varier. La composition générale d’une zéolithe est Mx/mAlxSi1−xO2. La plupart des zéolithes, très hydrophiles, contiennent des molécules d’eau adsorbées. Le rapport entre le nombre d’atomes de silicium et d’aluminium (appelé souvent rapport Si/Al) peut varier entre un rapport ∞ (matériau purement silicé) et 1 (autant d’aluminium que de silicium). La substitution (par rapport à un matériau purement silicé) d’un silicium de degré d’oxydation +IV par un aluminium de degré d’oxydation +III, conduit à l’introduction d’un défaut de charge négatif qui est compensé par l’introduction d’un cation qui ne fait pas partie du réseau cristallin, dit cation extracharpente. La nature de ce cation peut être diverse : le plus courant est le cation sodium, mais on trouve aussi K+ , Ba2+ , Ca2+ . Les matériaux naturels contiennent souvent un mélange de cations. On étend souvent le terme de zéolithe à des matériaux contenant d’autres atomes dans la charpente que les atomes d’aluminium et de silicium. Ainsi, on retrouve sous le terme de zéolithe des matériaux contenant du phosphore (AlPO), mais aussi du Germanium ou du Gallium.
Applications
La cristallinité, la gamme de tailles et de formes de pores existante, le large panel de compositions chimiques possibles, font que les zéolithes ont trouvé leur place dans un grand nombre de procédés. La production mondiale atteint actuellement 4 millions de tonnes par an. Les zéolithes sont utilisées comme échangeurs d’ions, dans des procédés de séparation et de stockage ou en tant que catalyseur.
Echange ionique
Les cations extracharpentes de la structure peuvent être échangés partiellement ou totalement par d’autres cations par un processus réversible. La principale application de ce phénomène est l’utilisation des matériaux zéolithiques en tant qu’adoucissant des eaux. Par exemple, la zéolithe A (ou LTA) est utilisée pour extraire des eaux usées de lessives, les ions calcium et magnésium. Les propriétés d’échangeurs ioniques sont aussi utilisées dans les centrales nucléaires pour éliminer certains déchets comme le césium et le strontium, ou dans le traitement des eaux usées (NH+ 4 , Cd2+ , Pb2+ , Zn2+ et Cu2+ ). L’échange ionique est aussi utilisé pour modifier les propriétés du matériau. Cela permet l’introduction de sites acides via des protons utilisés dans les zéolithes cationiques en catalyse acide, ou de métaux de transition pour des utilisations en catalyse hétérogène.