Présentation de la notion de processus ponctuels marqués et applications en risque de crédit

LA NOTION DE PROCESSUS PONCTUEL MARQUÉ 

Les modèles à intensité qui varie dans le temps ont reçu beaucoup d’attention dans la litérature micro-économétrique (les principaux domaines d’application en économie comprennent le commerce « intraday » ) ainsi qu’en gestion des risques, notamment en risque de crédit (les valeurs par défaut des entreprises et la probabilité de transition de la note de crédit). Récemment, un certain nombre de modèles d’intensités ont été proposés par Bauwens et Hautsch (2006), Koopman et Coll. (2008), Horel, Duffie, Eckner et Jacqueline Simoneau (2006), Koopman, Lucas et Schwaab (2008). Le traitement économétrique de ces paramètres par les modèles est complexe, tandis que l’estimation des paramètres exige des calculs complexes. En particulier, l’évaluation de la probabilité adéquate pour ces modèles nécessite des calculs de grande dimensions à l’aide de techniques d’échantillonnage ou d’algorithme de Monte-Carlo. Toutefois, l’utilisation de telles techniques basées sur la simulation peut faire obstacle au développement de l’application de ces modèles dans la pratique.
Dans la section 2, nous introduisons les concepts fondamentaux de la théorie des processus ponctuels marqués et nous en présentons les principales propriétés mathématiques. Dans la section 3, nous passons en revue différentes classes de modèles dynamiques de durée. Différents types d’application de modèles dynamiques d’intensité en risque de crédit sont présentés dans la Section 4.

La notion de processus ponctuel marqué

Dans cette section, nous rappelons les principales définitions et propriétés des processus ponctuels.2

Processus ponctuels marqués

Un processus ponctuel marqué est caractérisé par deux suites : La suite (Tn)n correspond à la suite des instants (ici, ceux des changements de note) ; la suite Xn correspond à la valeur à l’instant Tn (ici, la valeur de la note). La suite (Tn, Xn)n constitue un processus ponctuel marqué. Rappelons la notion de processus d’intensité.3 On considère la filtration F générée par le processus ponctuel marqué. On désigne par B(R) la tribu des boréliens.

Processus d’intensité

A partir de la théorie générale des mesures aléatoires, nous savons qu’il existe une mesure ν = ν(ω; ds; dx) appelée le compensateur de µ qui est une mesure prévisible de telle sorte que (µ − ν) est une mesure martingale locale. (en particulier, pour chaque A ∈ B(R − {0}), le processus (µ(ω; (0, t] × A) − ν(ω; (0, t]×A)t est une martingale) (voir par exemple Jacod et Shiryaev (2003) pour les définitions et les propriétés basiques).

Exemples fondamentaux

(Temps de transaction déterministes)

C’est le cadre habituel des modèles discrets : les temps de variations des processus sont fixes. Dorénavant les sauts du temps satisferont Tn = tn (ils sont déterministes). Nous déduisons que FTn = Fn où Fn est l’information disponible au temps tn. Notons que dans ce cas, nous avons :

(Processus semi-markovien)

Nous introduisons maintenant un modèle où les périodes de variation et les amplitudes de ces variations sont liées par une dépendance markovienne. Soit ((Un, Xn))n une suite de variables aléatoires à valeurs dans ]0, ∞]×X où X est au plus un ensemble dénombrable. Pour simplifier la notation, nous supposons dans ce qui suit que X est un sous-ensemble de N.
Comme on peut le voir, la formule donnant l’expression quasi-explicite de la mesure du compensateur ν, est tout particulièrement importante, entre autres pour analyser statistiquement les données financières. Heureusement, ce genre de décomposition peut être par exemple étendu à une filtration Ft générée par la filtration de saut et une filtration indépendante et continue (par exemple une filtration brownienne) :
Si la filtration (Ft)t est généré par le MPP Φ = (Tn, Xn)n et un processus indépendant (Yt)t avec une filtration continue, alors la mesure aléatoire définie par :

Modèles ACD)

Les modèles de durée sont utilisés dans différentes situations. Ils sont utilisés en premier lieu dans l’analyse des processus ponctuels multivariés. Ces derniers sont couramment rencontrés dans les modélisations économiques lorsque l’on observe par exemple les salaires et revenus de plusieurs individus…C’est également le cas lorsque, pour un individu donné, le processus ponctuel multivarié correspondant, par exemple, à son parcours sur le marché du travail.
Nous pouvons également étudier des situations où le vecteur des durées est latent et certains échantillons permettent d’observer qu’une partie de ce vecteur, ce qui est le cas dans les modèles de risques concurrents.
La distribution conditionelle des files d’attente est spécifié selon un modèle ACD(m,q) proposé par Engle et Russell (1997, 1998). La classe de modèles consiste à supposer que les durées dj+1 = Tj+1 − Tj sont telles que :

Applications en risque de crédit

Comme rappelé dans le chapitre précédent, le domaine du risque de crédit est devenu un domaine de recherche très actif, notamment depuis le début des années 1990. Plusieurs approches ont été proposées :
– L’approche structurelle : Elle repose sur le modèle de Merton (1974). Elle stipule que le spread de crédit dépend directement de la valeur de la firme. Selon Merton, plus le ratio « dette/valeur de la firme » est faible plus la probabilité de faire défaut diminue donc le spread serait croissant. Le graphique suivant illustre les variations du spread de crédit en fonction du temps restant à maturité.
Comme montré dans la figure (1), une obligation pour laquelle le ratio d’endettement est inférieur à 1, a un spread quasi nul pour des maturités très courtes. Ce spread passe par un maximum puis décroît. Une obligation pour laquelle le ratio d’endettement est supérieur à 1, a un spread très élevé pour des maturités très courtes mais qui décroît au fur et à mesure que le temps restant à maturité augmente.
Les firmes appartenant à la catégorie « investment grade » auraient dans ce cas une probabilité de défaut faible. Or, avec une bonne notation au début, la probabilité d’avoir une amélioration de la note au cours du temps est faible, la probabilité de défaut augmentant avec la durée.
Les graphiques suivants illustrent les problèmes de prédiction du comportement des spreads prévus par le modèle de Merton par rapport à ceux réellement observés. Nous notons en particulier que pour les triples B l’évolution prévue par le modèle de Merton n’est pas conforme à celle observée empiriquement (voit le graphique 2).
La limite des modèles structurels se trouve dans la qualité ou non du caractère préditif de l’instant de défaut. Plusieurs études ont été réalisées dans le but d’améliorer la modélisation et l’anticipation du risque de défaut (voir par exemple Anderson et Sundaresan (1996) ou Ericsson et Reneby (1998) où le défaut est modélisé en utilisant les modèles structurels).
– L’approche à intensité : La solution peut être alors de considérer l’évènement de défaut comme exogène. Dans ce cadre, plusieurs approches nouvelles ont été proposées, notamment en présence de taux aléatoires. Jarrow et Turnbull (1995) et Duffie et Singleton (1999) modélisent le défaut comme un évènement imprévisible (« survenant donc par surprise »), en ayant recours à des processus de saut comme ceux de Cox. Ces modèles permettent de calibrer les spreads plus facilement et sont des outils pour le « pricing » des dérivés de crédit. Ils utilisent crucialement la notion de processus ponctuels, principalement le premier instant de saut comme illustré dans ce qui suit. Anderson et Sundaresan (2000) ont expliqué les écarts des spread de crédit en utilisant le modèle de risque de crédit (« credit risk »). Ils ont trouvé que ces modèles permettent potentiellement d’expliquer les écarts de spread. Duffee (1999) a estimé un modèle d’intensité avec un seul paramètre du risque de crédit sur les obligations de sociétés américaines. L’auteur affirme avoir trouver des résultats raisonnables par rapport au rendement des obligations. Cependant, comme il est indiqué dans Duffie et Singleton (1999), le processus retenu ne permet pas de générer la corrélation négative observée des spreads (voir Duffee, 1998) tout en maintenant le taux de hasard positif. La littérature concernant la détermination des spreads via les modèles à intensité a également pris du retard durant ces dernières années, dans la mesure où notamment les effets de contagion et les problèmes de liquidité n’avaient pas été suffisamment pris en compte.
– L’approche fondée sur la notation : Une des problématiques en risque de crédit est l’évolution des notes au cours du temps. Jarrow, Lando et Turnbull, (1997) introduisent des chaînes de Markov. Plus précisement, ils utilisent des  matrices de transition, soit internes aux banques ou publiés par des agences de notation, afin de déterminer la probabilité qu’une obligation appartenant à la classe i à la date t, finisse dans la classe j à la date t+ 1. Une de ces classes représente le défaut. Il est donc possible de calculer la probabilité d’avoir défaut sur une période de temps donnée. Relativement peu de recherches empiriques ont été menées sur les liens directs entre les spreads et la notation financière.
Cependant, certains articles, tel celui de Kiesel, Perraudin et Taylor (1999), ont montré que les écarts de spread changent non seulement en fonction des notes attribuées mais aussi au sein d’une même classe de risque de crédit, en particulier pour les obligations de premier ordre. Ceci nous conduit à émettre quelques doutes sur la capacité des modèles de chaînes de Markov à reproduire avec précision les prix des obligations. Notons que cette approche est traditionnellement définie en temps discret. Cependant, si on relie le changement de rating à la durée entre deux épisodes de notation, nous devons également fondamentalement utiliser la notion de processus ponctuels, comme montré dans les chapitres 3 et 4 de la thèse.
Les trois approches (structurelle, à intensité ou fondée sur la notation) sont mises en œuvre par de nombreuses banques pour la gestion du risque de défaut. Les trois principaux modèles qu’ils utilisent pour évaluer le risque de crédit sont : le modèle KMV, dérivé de l’approche structurelle, inspiré par Merton (1974), le modèle Credit Risk+ réalisé par « Credit Suisse Financial Products » et enfin le modèle de JP Morgan’s basé sur un modèle de notation. Ces trois modèles se heurtent à des difficultés pour mesurer correctement les spreads à partir des données du marché. La question est de savoir quel est le véritable contenu des spreads et quelle est la part réelle de risque de défaut contenu dans ces spreads.

Analyse des processus de changement de notes (matrice de transition).

Dans la nouvelle génération des modèles de risque de crédit, les notes attribuées par les agences de notation ou d’autres institutions financières sont le reflet à une date donnée de la qualité de crédit d’un emprunteur qu’il soit une entreprise ou un pays souverain. Ces modèles de prédiction de la migration des notes peuvent être utilisés dans une analyse de la valeur à risque, pour l’évaluation des prêts ou des dérivés de crédit. Mesurer le risque des obligations non liquides ou non commercialisés peut s’avérer très difficile. Selon les approches de JP Morgan (1997) et Credit Suisse Financial Products (1997) le risque peut être mesuré en examinant la probabilité jointe de transition des notes pour les prêts et emprunts qui composent le portefeuille d’intérêt. La matrice de transition représente alors un élément important pour le calcul de ces probabilités.
Une approche commune pour prédire les futures évaluations consiste à supposer que la matrice de transition des notes suit un processus de Markov. L’hypothèse de Markov, signifie que, pour anticiper la note future, il suffit de considérer l’avant dernière note pour évaluer la probabilité de la note suivante. En effet, cette probabilité conditionelle ne dépend pas de tout l’historique de notation. En d’autres termes, les évaluations futures d’une entreprise dépendent seulement de sa note actuelle.
L’appréciation de la note quant à la qualité de crédit peut varier dans le temps. Rappelons que les matrices de transition renseignent sur l’évolution à horizon d’une ou plusieurs années de la qualité de crédit d’un emprunteur et cela à travers une estimation de la probabilité de migration d’un rating vers un autre. Elles permettent aussi d’estimer la probabilité de défaut de l’emprunteur. Nous constatons empiriquement que les matrices de transition des firmes notées AAA par exemple restent AAA après une année avec une forte probabilité. Leur taux de défaut, c’est-à-dire la probabilité que ces firmes fassent défaut, est nul. Par ailleurs, alors que le taux de défaut d’une contrepartie AAA est nul à l’horizon d’une année, nous constatons qu’il ne l’est pas à deux ans. En supposant que la matrice de transition ne varie pas d’une année à une autre, la probabilité de transition s’écrit :

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