Suite aux défaillances relevées, les agences de notation ont été critiquées par la presse, les investisseurs, les régulateurs
Pourtant leur situation financière est solide et leur opinion est demeurée une référence incontournable pour tous, investisseurs, émetteurs, régulateurs
a. Les agences de notation bénéficient d’une situation financière solide et leurs résultats sont en progression En effet, les cours des actions des agences de notations se sont maintenus à des niveaux élevés et elles affichent des performances financières solides. Selon le Rapport du Sénat Français sur les agences de notation (2012), la marge opérationnelle sur la notation atteint 50 % pour Standard and Poor’s. Malgré un contexte économique difficile en 2012, Moody’s avait enregistré un chiffre d’affaires en hausse. Dans un article de Business Wire (2012), intitulé « Moody’s Corporation annonce ses résultats pour le troisième trimestre de 2012 » , Raymond McDaniel, Président et Directeur général de Moody’s avait déclaré, « D’après les résultats du troisième trimestre, nous augmentons nos prévisions en matière de bénéfices par action pour l’ensemble de l’année 2012 à une plage de 2,95 $ à 3,05 $, soit de 2,89 $ à 2,99 $ sans la réduction de taxe traditionnelle.» Ces performances proviennent du nombre important d’émetteurs notés et des honoraires facturés élevés. S&P facture des honoraires significatifs dès le démarrage du processus de notation, sans tenir compte de l’abonnement pour la surveillance de la notation, et d’une commission de près de 0.045% pour chaque transaction. Depuis la propagation du régime capitaliste, le marché obligataire a connu un très fort développement, ce qui a profité aux agences de notation. De plus, la sophistication de la finance et la mise en place des produits structurés ont contribué à l’augmentation de leurs bénéfices. Ce n’est certainement pas l’exactitude et la pertinence de l’analyse des agences de notation qui continuent à faire leur succès mais plutôt leur pouvoir considérable sur les marchés des capitaux mondiaux. En effet, en dépit de leurs dérapages, des conséquences de leurs erreurs de notation et des critiques à leur égard, les agences de notations demeurent très écoutées et sollicitées aussi bien par les investisseurs, que par les régulateurs et les émetteurs.
b. La notation financière demeure une référence incontournable pour les investisseurs Bien que plusieurs investisseurs se soient retrouvés dans une situation de faillite en reposant essentiellement sur les avis des agences de notation, ils ne semblent pas vouloir les voir disparaître ou les remplacer. En effet, les défauts enregistrés ne remettent pas en cause considérablement la confiance des investisseurs. En témoigne l’enquête réalisée par l’IFOP1 auprès des investisseurs professionnels français sur la confiance portée aux agences de notation. Même si 84% des investisseurs2 ont considéré que certaines notes étaient surestimées, l’évaluation de la qualité de notation par les investisseurs sur une échelle de 1 à 5, fait ressortir une même note aux trois agences, soit 2,9 sur 5 (1 correspondant à la plus mauvaise note et 5 à la meilleure). L’échantillon était constitué de 352 investisseurs professionnels, utilisant les notations dans le cadre de leur activité. De plus, l’enquête montre que 56 % des investisseurs professionnels qui l’utilisent, au moins occasionnellement, ont une « assez bonne image » de ces agences, 3 % ont une « très bonne image ».
En outre, 41% des investisseurs estiment qu’elles sont transparentes sur les méthodes employées et seuls 64% d’entre eux souhaiteraient introduire plus de concurrence dans ce secteur. Quant aux mesures permettant d’améliorer le système de notation, 74% des investisseurs approuveraient un financement par les investisseurs plutôt que par les émetteurs. Les investisseurs semblent non seulement vouloir continuer à disposer des notes financières, mais exigent que ces notes proviennent en premier lieu des trois grandes agences de notation de crédit. Selon un article de Bethany McLean (2011), « Difficile de se débarrasser des agences de notation » publié le 08/08/2011, sur le site Slate. Fr, Jules Kroll, fondateur l’agence de notation Kroll Bond Ratings, « les investisseurs exigeaient souvent, avant d’acheter un quelconque titre, d’obtenir des notes, attribuées par Moody’s, Standard & Poor’s, et/ou Fitch ». Ceci semble se confirmer par le PDG de Rapid Ratings, James Gellert « les investisseurs sont très demandeurs de notes des trois agences, mais demeurent toujours preneurs d’un avis complémentaire ». La question qui se pose avec acuité : pourquoi l’attachement à ces notations ? Selon James Gellert, «De nombreux acteurs du marché sont en faveur du statu quo » « ils en bénéficient et les notes ont un attrait qui transcende le fait de fuir une responsabilité. En fait, elles permettent aux investisseurs de jouer avec le système ». Autrement dit, si les investisseurs ne peuvent plus reposer sur les notes de crédit des agences, ils devront réaliser leurs analyses, et seront tenus responsables pour leurs erreurs.
Que pensent les agences de notation ?
a. Les agences affirment que la notation financière est « une opinion » et que les comptes sont audités Les agences de notation estiment que les notations sont assimilées à de simples opinions, que les utilisateurs des notations doivent assumer leurs décisions, et qu’elles ne publient pas de recommandations à l’achat ou à la vente. Les agences de notation se disent protégées par le Premier Amendement de la Constitution américaine qui protège la liberté d’expression. Plusieurs témoignages confirment cette position des agences de notation. Ainsi Standards & Poor’s indique dans ses publications: » Les notes attribuées, bien qu’établies en conscience à partir d’informations vérifiées ou collectées aux sources les plus fiables, ne sauraient engager la responsabilité de l’agence vis-à-vis des émetteurs ou des investisseurs. Elles ne constituent qu’un élément d’information et ne dispensent pas les investisseurs de procéder eux-mêmes à une évaluation critique des créances qu’ils comptent acquérir ».
Une étude du FMI datant de mars 2011, « Sovereign Rating News and Financial Markets Spillovers: Evidence from the European Debt Crisis” avait mis en exergue l’importance des notations des dettes souveraines dans le déclenchement des augmentations des taux d’intérêt. Les agences de notation ont jugé, une fois de plus, qu’elles n’étaient pas responsables des conséquences des décisions prises sur la base de « cette opinion ». Par ailleurs, les agences de notation expliquent que leurs analyses sont basées sur des comptes audités et certifiés par les commissaires aux comptes et qu’elles ne sont pas chargées de vérifier et de valider les comptes. Lors d’un colloque organisé en décembre 2007, intitulé « les agences de notation et le risque de crédit : faux procès et vrais débats », Barbara Ridpath, Executive Managing Directeur, S&P Londres, a déclaré ce qui suit « Je ne suis pas commissaire aux comptes » Elle ajoute « Nous sommes parfaitement conscients en tant qu’agence de notation que nous sommes énormément concernés, parmi les acteurs du marché, par cette crise. Nul chez nous ne voudrait éviter d’engager un débat sur ce que devrait faire pour améliorer notre future performance » Les reproches aux agences de notation ne concernent pas uniquement la mauvaise évaluation de la situation de Lehman Brothers et autres entreprises mais également celles des notations des économies et des dettes des pays, dont la dégradation est, parfois, subite (Grèce, Espagne…).
b. Les agences tiennent à leur indépendance Les agences de notation précisent que leurs travaux donnent lieu uniquement à des opinions. Elles ne veulent surtout pas de démarches règlementaires semblables à celles des cabinets d’audit. Jaquillat et Pastre (2011) expliquent qu’il y a un parallèle à faire entre les industries de l’audit et des agences de notation car leurs modèles présentent des ressemblances notamment en ce qui concerne la gestion du conflit d’intérêt et de la concentration. La principale différence entre les agences de notations et les cabinets d’audit réside dans le fait que l’audit est encadré d’un cadre législatif. En effet, les cabinets d’audit ont des obligations vis-à-vis des entreprises auditées, des actionnaires et du public. Les comptes doivent être certifiés avant d’être publiés, des réserves doivent être émises dans les rapports en cas de risque ou de découverte de malversations. Dans le secteur de l’audit, il a été observé, depuis les années 1990, un accroissement du nombre des procédures juridiques et des dédommagements versés par les cabinets aux clients en raison des erreurs ou de manquements dans leurs travaux de contrôle. A titre d’exemple, le cabinet Arthur Andersen, qui faisait partie des big five, a cessé d’exister après avoir failli à sa mission d’audit des comptes d’Enron. Pour rappel, celui-ci n’avait pas rendu public les manipulations de comptes.
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