Introduction
Depuis 2003, des éléphants de mer sont équipés avec des balises CTD-SRDL à Kerguelen. Ces balises vont enregistrer pendant 2 à 8 mois et transmettre via Argos environ 2 à 4 profils quotidiens de température et de salinité en fonction de la pression (Figure 9). Il faut savoir que la salinité n’est pas enregistrée directement par la balise. C’est la conductivité qui est enregistrée et ensuite en utilisant en plus la température et la pression on obtient la salinité (Poisson 1980). Les profils sont résumés aux points les plus significatifs grâce à la méthode du broken stick (Fedak et al. 2002). Ces profils transmis via Argos sont des profils « basse résolution ».
Avant d’être déployées, les balises sont testées en laboratoire par Valeport, le constructeur des capteurs présents dans les balises dans un bassin où l’environnement est contrôlé. Cet étalonnage permet d’assurer un haut niveau de qualité des données récoltées avec une résolution de 0.001 °C pour la température, de 0.05 dbar pour la pression et de 0.002 mS/cm pour la conductivité, d’après le constructeur. Cependant la comparaison de profils obtenus simultanément entre une balise CTD-SMRU et une CTD de type Seabird utilisée lors des campagnes océanographiques permettent d’identifier différentes sources d’anomalies de mesure sur les balises CTD éléphant de mer (SMRU). Ces différences sont pour l’essentiel liées, d’une part, à des décalages en valeurs absolues des mesures de pression, température et salinité et, d’autre part, à des effets de la pression sur les mesures de conductivité et, dans une moindre mesure, sur la température (Roquet et al. 2014). Pour chaque paramètre (pression, température, salinité) de chaque balise, des coefficients de correction vont devoir être calculés et intégrés dans chacune des balises.
Pour permettre le calcul de ces coefficient de correction, outre les tests effectués en laboratoire de météorologie du SHOM à Brest (Coll. M. LeMenn) je me rends chaque année en mer Méditerranée à bord du bateau de la flotte océanographique côtière française Thétys
II pour effectuer des enregistrements de profils de référence de température et de salinité in situ. Les balises sont accrochées avec un enregistreur CTD référent et immergées à 400 mètres de profondeur pour effectuer des profils T/S. Cela permet de vérifier qu’il n’y a pas une dérive de la mesure des capteurs en fonction de la profondeur et de pouvoir ajuster, le cas échéant, les coefficients de calculs des différents paramètres (Roquet et al. 2011).
Cependant, même si cette étape d’étalonnage est réalisée, une fois installées sur les éléphants de mer, les balises ne se comportent pas toujours de la même façon que dans un environnement contrôlé ou avec des appareils de références. Les balises vont fonctionner pendant plusieurs mois et les capteurs peuvent dériver au cours du temps. Les coefficients de calcul des paramètres du départ ne sont donc plus valables. La salinité étant une résultante de la température et de la conductivité (Lewis 1980), si un de ces deux paramètres connait des erreurs d’enregistrement cela va obligatoirement affecter les valeurs de salinité calculées.
Ces données sont utilisées dans plusieurs programmes de recherche en océanographie ou en écologie. Il faut donc pouvoir justifier d’une précision et d’une erreur standard pour chaque paramètre et cela sur l’ensemble de la période de déploiement sur l’éléphant de mer.
L’objectif du travail conduit à détecter et corriger les erreurs produites par les balises à tous les niveaux de la chaîne de traitement. Que ce soit au moment des tests en environnement contrôlé, mais aussi tout au long de la période de déploiement sur l’éléphant de mer, afin de garantir aux utilisateurs finaux un niveau de précision minimum et de distribuer les données.
En collaboration avec le SMRU, qui est le principal constructeur des balises que nous utilisons, la mission est de créer un système unifié des données océanographiques récoltées grâce à des animaux marins bio-échantillonneurs. Ce projet s’intègre dans le cadre d’une collaboration internationale avec des laboratoires qui utilisent les mêmes technologies que nous. Pour assurer un niveau de précision minimal garanti, nous mettons en œuvre des
procédures de calibration à différents niveaux. Calibration en mode différé
Les balises posées sur les éléphants de mer présentent certains problèmes qui restent aujourd’hui encore d’actualité. La transmission par satellite peut être une première source d’erreur. La couche nuageuse peut entraver une bonne transmission des données et l’on peut obtenir des profils verticaux aberrants (Boehme et al. 2009) (Figure 10). Des erreurs de temps de réponse des capteurs de température et de salinité ont aussi été mises en évidence (Morison et al. 1994). Lorsque les animaux traversent des zones à forte variabilité de température ou de salinité, les profils verticaux sont alors décalés et la température ne correspond pas à la bonne pression.
CTD SRDL basse résolution
La première étape de ce travail a été de corriger les profils basse résolution des balises CTD SRDL. Ces balises sont celles déployées depuis le début du projet éléphant de mer en 2003. Même si elles peuvent enregistrer la fluorescence et l’oxygène, mon travail s’est concentré sur la pression, la température et la salinité.
En se basant sur la méthode développée par (Roquet et al. 2011), le travail consiste à mettre en place la calibration automatique des profils quelle que soit l’année de déploiement. En effet, en fonction de l’année de déploiement, le programme qui enregistre les profils océanographiques change, ce qui implique des changements dans les données. Par exemple, durant les premières années, les balises enregistraient la conductivité et non la salinité, il faut donc pouvoir la recalculer.
La procédure de traitement comprend plusieurs étapes pour assurer la meilleure qualité possible des données :
– Visualisation balise par balise pour supprimer les profils aberrants, que cela concerne la localisation ou les données environnementales comme pour l’exemple de la Figure 10.
– Ajustement de la salinité (Figure 11). Ces corrections sont basées sur des comparaisons avec des profils CTD historiques et des données Argo (flotteurs, gliders, drifters…). On recherche des coefficients de calibration d’un polynôme de degré un à appliquer pour chaque CTD afin que les profils correspondent aux profils de références.
– Ajustement de la température quand c’est possible. En pratique, c’est uniquement possible dans le cas où les éléphants de mer se dirigeraient vers des eaux avec présence de glace de mer, ce qui permet d’utiliser la température de congélation comme référence.
– Contrôle qualité des données ajustées (Figure 12): en utilisant 1) l’anomalie de hauteur d’eau de 20 à 500 dbar, 2) la localisation spatiale et temporelle des profils « éléphants de mer » et 3) la World Ocean Database pour la période allant 2000 à 2013 (Roquet et al. 2014).
CTD SRDL haute résolution
Les balises évoluent avec la technologie. Ainsi, le stockage des données au sein de chaque appareil est de plus en plus grand. Par exemple, au début du programme chaque profil « basse résolution » était résumé en douze points. Aujourd’hui il en compte seize à vingt-cinq.
Depuis 2011, le Sea Mammals Research Unit a mis en place les balises CTD SRDL haute résolution. En plus de transmettre les profils via Argos, la balise enregistre la totalité des données récoltées. Il devient possible de télécharger tous les profils enregistrés si la balise est récupérée. On passe de 8 profils par jour résumé en seize points à soixante profils échantillonnés à la seconde, ce qui fait environ 1200 points par plongée (Figure 13).
Les TDR
Depuis 2008, notre équipe déploie les Time Depth Recording (MK9, MK10 fast-loc, accéléromètre et magnétomètre) durant la période post-reproduction sur les femelles éléphants de mer. Comme présenté dans le chapitre précédent, ces balises enregistrent la température et la lumière pendant environ deux mois à chaque seconde du trajet de l’animal et sont souvent associées à des balises CTD-SRDL. La précision des capteurs de ces balises étant moindre par rapport aux CTD-SRDL, nous avons décidé d’utiliser les données de cette dernière comme références pour corriger ceux des TDR. Il faut donc associer les profils des deux balises et faire des comparaisons pour trouver des coefficients de calibration de correction pour la profondeur (Figure 15).
Résultats
Calibration
La première étape de cette étude a été, en partant du jeu de données CTD-SRDL sur les éléphants de mer, de mettre en place un système de calibration des données de température et de salinité. L’idée est d’utiliser les connaissances océanographiques (Park et al. 2008; Meredith et al. 2011) et les procédures de validation existantes (Durand et Reverdin 2005; Charrassin et al. 2010; Guinet et al. 2013) pour créer un outil fonctionnel de calibration, de correction et de mise en forme des données collectées par ces animaux marins.
La référence pour la création des scripts a été les données basse résolution des CTDSRDL. Par la suite, il a fallu adapter les scripts pour qu’ils fonctionnent, quel que soit le type de balise et l’année de déploiement. L’objectif étant d’avoir un processus centralisé. L’ensemble des données comprend les profils de température, de salinité, de fluorescence, d’oxygène et de lumière en fonction de la pression. Chaque profil est localisé dans l’espace et le temps. Chaque balise déployée sur un individu a été éditée et corrigée séparément, carelles ont chacune leurs spécificités en termes d’exactitude et de qualité.