PREPARATION ET CARACTERISATION DES SURFACES D’EBULLITION
Géométrie des échantillons d’essai
Le phénomène d’ébullition nucléée est étudié sur des échantillons ayant une base géométrique similaire mais des états de surface différents. Il s’agit de disques de diamètre 80 mm et d’épaisseur 5 mm (Figure 2.1 a). Une géométrie circulaire a été choisie pour des raisons de symétrie et les dimensions sont contraintes par les techniques de réalisation des surfaces. La zone d’étude, comportant les différents états de surface étudiés, est un disque de 25,4 mm situé au centre de l’échantillon sur sa face avant. L’échantillon est chauffé sur sa face arrière par une résistance électrique de même diamètre. Dans les échantillons utilisés habituellement pour l’étude de l’ébullition, les premières bulles apparaissent généralement à la périphérie des échantillons. La présence d’interstices à la jonction de la surface métallique avec le matériau isolant environnant et la faible mouillabilité des fluides avec les isolants utilisés (Téflon, Nylon, colles pour combler les interstices, etc.) constituent des facteurs très favorables à l’apparition des bulles à la périphérie de la zone d’étude. C’est pourquoi, afin éviter la formation de ces bulles parasites, une rainure annulaire a été réalisée en face arrière de l’échantillon dont le diamètre interne correspond au diamètre de la zone d’étude (25,4 mm). La profondeur de cette rainure est de l’ordre de 4,8 mm et sa largeur de 5 mm ou 10 mm en fonction des échantillons. Cette rainure permet de limiter les transferts de chaleur vers la périphérie de l’échantillon et donc l’activation de bulles parasites. Les deux épaisseurs différentes des rainures sont dues aux spécificités des deux bancs d’essais du projet NUCLEI, l’un en conditions cryogéniques et l’autre en conditions ambiantes. L’épaisseur de métal d’environ 0,2 mm séparant la zone d’étude de la périphérie de l’échantillon a été choisie de manière à conserver la résistance mécanique de l’échantillon tout en limitant au maximum les pertes thermiques vers la périphérie et maintenir celle-ci à une température proche de la température de saturation, donc à une surchauffe insuffisante pour générer des bulles. Enfin, chaque échantillon comporte une micro-rainure linéaire (longueur : 25,4 mm, largeur 300 µm et profondeur 500 µm) traversant la zone centrale en face arrière afin d’insérer un thermocouple de type K pour la mesure de température de l’échantillon sous la zone d’études (Figure 2.1 a).
Polissage des échantillons
Afin d’évaluer la répartition de la température à la surface de l’échantillon, un modèle numérique axisymétrique a été développé sous COMSOL Mutiphysics 5. Les conditions aux limites introduites sont conformes aux conditions expérimentales. Sur la face inférieure, un flux thermique est imposé dans la zone centrale (10 W/cm²), la périphérie de la face inférieure étant isolée. Sur la face supérieure, un coefficient d’échange par convection naturelle de 500 W/m²K est imposé sur la périphérie du système et un coefficient d’échange par ébullition de 1500 W/m²K au centre de l’échantillon avec une température de saturation du fluide de 60 °C. Ces valeurs sont estimées à partir de valeurs expérimentales pour des conditions d’ébullition peu développée. La figure 2.1(b) présente le résultat obtenu pour un flux thermique de 10 W/cm². La température de la partie centrale est homogène, elle décroît très rapidement vers la température de saturation du fluide après la rainure en direction de la périphérie de l’échantillon, ce qui permet d’éviter la formation de bulles parasites. La différence de température entre la partie centrale et celle de la partie latérale est d’environ 30 K, ce qui permet d’éviter le phénomène d’ébullition en dehors de la zone centrale de l’échantillon.
Polissage des échantillons
Tous les échantillons sont polis mécaniquement à l’aide d’une polisseuse de type Lamplan MM 8400 présentée sur la figure 2.2. Le plateau de rodage NEW LAM® est utilisé avec différents abrasifs à base de diamant ou de silice. Dès la mise en rotation du plateau, sous l’effet combiné du poids de la pièce et de la charge des vérins, les grains se déplacent en produisant une action abrasive.Les surfaces les plus lisses sont obtenues à l’aide de la polisseuse, en respectant une procédure bien précise. Tout d’abord, la surface doit être dégrossie. Cela est réalisé à l’aide d’un fluide abrasif chargé de particules de diamant de 15 µm (Bio DIAMANT de NEOLAP®). La durée de cette première étape dépend de l’état initial de la surface (minimum 5 min, maximum 1 heure). La deuxième étape, consiste à supprimer les rayures. Pour cela un support de polissage constitué d’un tissu de fibres naturelles tissées en satin extra fin est collé sur le plateau rotatif de la polisseuse. Des liquides abrasifs de type Bio DIAMAND de NEOLAP®, chargés respectivement de grains de diamant de 6 m, puis de 3 m sont utilisés. Pour chaque taille de grain un nouveau tissu vierge est utilisé. La durée de cette étape varie entre 5 min et 10 min selon l’état de la surface. Au cours de cette étape des contrôles visuels permettent de vérifier l’état de la surface. Lorsque l’état de la surface apparaît satisfaisant (aspect miroir, sans rayures visibles) la dernière étape est abordée. A cette fin, une solution aqueuse contenant une suspension de grains de silice nanométriques, non agglomérés par stabilisation en milieu alcalin est réalisée. Ce liquide est utilisé avec un support de polissage adapté (Fibres en viscose longues flockées tendres) afin d’obtenir les polissages de meilleure finition obtenus au cours de cette thèse (rugosités de l’ordre de quelques dizaines de nanomètres). Pour obtenir des surfaces de qualité intermédiaire, la dernière étape est supprimée et remplacée par un polissage à base de grains de diamants de différents diamètres (2 µm, 1 µm ou 0,75 µm) suivant le niveau de rugosité désiré. Après le polissage, les surfaces sont nettoyées avec de l’acétone dans un bain à ultrasons pendant 15 min. Un contrôle final de l’état de surface est réalisé à l’aide d’un examen méticuleux au microscope confocal, ce qui permet aussi de caractériser la surface. Si l’état de surface n’est pas satisfaisant, la procédure de polissage est renouvelée à partir de la dernière étape.
Chimie de surface des échantillons et fluide
Les échantillons de base sont réalisés en aluminium de type Au4G, qui est le matériau utilisé pour réaliser les échangeurs d’Air liquide. La nature de l’échantillon est donc également une contrainte liée au projet NUCLEI puisque les mêmes échantillons doivent être testés également dans les conditions de l’application. Cette contrainte limite également le choix du fluide de travail, puisque peu de fluides sont compatibles chimiquement avec l’aluminium. Le fluide le plus adapté pour cette étude en conditions ambiantes est l’acétone qui au-delà de sa compatibilité chimique avec l’aluminium présente une température de saturation basse à la pression de 1 bar (~56 °C) ce qui facilite grandement l’étude expérimentale. Par ailleurs, il possède l’avantage, par rapport à l’eau, de ne pas dissoudre de grandes quantités d’air, ce qui est un avantage majeur pour l’étude du déclenchement de l’ébullition. En effet, il ne faut pas que les germes d’air dissout amorcent la nucléation. D’autre part, l’acétone est stable chimiquement et disponible dans le commerce en très grande pureté (> 99,98 %). Certaines surfaces ont été recouvertes par une couche mince, soit d’aluminium ultra pur (entre 300 nm et 500 nm d’épaisseur), soit d’oxyde de cérium CeO2 (300 nm), soit d’hydrocarbure amorphe aCH (680 nm), soit de carbure de silicium amorphe aSiCH (540 nm). Ces revêtements ont été réalisés par le partenaire IREIS (groupe HEF) du projet NUCLEI dans le but d’étudier l’influence de la mouillabilité de la surface sur le phénomène d’ébullition. Deux techniques ont été utilisées pour obtenir les revêtements : la procédure de dépôt en phase vapeur (appelée méthode PVD) et la procédure de dépôt chimique en phase vapeur assisté par plasma (appelée méthode PECVD ou PACVD). La méthode PVD a été utilisée pour réaliser les couches d’aluminium pur et les couches de CeO2. Les couches minces d’aluminium ont été déposées par pulvérisation d’une cible d’aluminium 1050 sous argon et polarisation sous une tension continue de 50 Volts. L’échantillon relié à la masse constituant l’anode et la cible d’aluminium portée à un potentiel de – 50 volts, constituant la cathode. Les couches minces d’oxyde de cérium ont été obtenues par pulvérisation cathodique magnétron Haute Fréquence (RF ou Radio-Frequency) sous oxygène d’une cible de Cérium. Il n’y a pas eu de polarisation des échantillons pour ces dépôts. La méthode PVD a été utilisée pour réaliser les couches d’hydrocarbure amorphe aCH et de carbure de silicium amorphe aSiCH (a = amorphe). La couche aSiCH a été élaborée à partir d’un précurseur TMS (Tetra Methyl Silane, Si(CH3)4) et la couche aCH a été élaborée à partir d’un précurseur acétylène (C2H2). Dans les deux cas, les substrats (les échantillons Au4G) étaient polarisés par une tension DC pulsée à 250 kHz de 35 Volt. Pour déterminer le caractère mouillant ou non du fluide, l’angle de contact d’une goutte posée sur la surface est mesuré (méthode de la goutte sessile). Pour cela une goutte de fluide (eau déminéralisée ou acétone pur) est déposée sur la surface à l’aide d’une seringue. L’angle de contact solide/liquide est mesuré à l’aide des images prise par une caméra rapide. Le milieu environnant est l’air ambiant. Dans le cas de l’acétone, l’évaporation est rapide : la mesure doit donc être réalisée durant les premières millisecondes, après que la goutte versée par la seringue se soit stabilisée sur la surface. Le tableau 2.1 présente l’angle de contact pour les différents revêtements avec l’acétone et l’eau.