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Type et stabilité des émulsions de Pickering
Les facteurs expérimentaux influençant le type d’émulsion
Plusieurs facteurs expérimentaux influencent la position des particules à l’interface, et par conséquent la stabilité des émulsions.
La mouillabilité des particules
Les propriétés physico-chimiques de surface des particules déterminent leur mouillabilité par des liquides. En effet, Schulman et Leja ont publié la première étude portant sur une variation de la mouillabilité des particules de sulfate de baryum et l’influence de l’angle de contact sur la stabilisation des émulsions. Ils ont observé que le type d’émulsion obtenu dépend directement de la valeur de l’angle de contact entre solide, phase huileuse et aqueuse (Schulman and Leja, 1954).
Le traitement chimique de surface peut modifier la mouillabilité des particules. Par exemple, dans le cas de particules de silice, le greffage de chaînes hydrocarbonées à la surface les rend hydrophobes. Selon le taux de greffage, il est possible d’obtenir toute une gamme de silices hydrophiles, partiellement hydrophobes ou totalement hydrophobes, ce qui peut être exprimé par la quantité de groupements hydroxyles libres résiduels à la surface. De telles particules, sans être amphiphiles, présentent une affinité pour les interfaces eau / huile (Binks and Lumsdon, 2000b).
De plus la modification de la surface des particules peut avoir lieu in situ. Les oxydes ou les métaux sont modifiés chimiquement par l’adsorption d’acides carboxyliques à chaîne courte ou des amines à leur surface. Il est également possible de transformer certaines particules hydrophobes en particules hydrophiles, ou réciproquement, par changement du pH (Binks and Lumsdon, 2000; Gonzenbach et al., 2007). Binks et Lumsdon ont montré que les mêmes particules de silice peuvent stabiliser des émulsions eau dans huile à pH inférieur à 9 et des émulsions H/E à pH supérieur à 12,5. Cette inversion de phase est due au changement de la distribution des particules de silice entre la phase aqueuse et huileuse. A pH élevé, les groupements silanol SiOH se dissocient en SiO-, ce qui augmente légèrement le mouillage de particules par l’eau et favorise la formation d’émulsions huile dans eau (Binks and Lumsdon, 2000). Dans le cas d’un mélange de particules hydrophobes et hydrophiles stabilisant une émulsion de rapport huile / eau fixé, l’augmentation de la fraction de l’un des types de particules peut conduire à une inversion transitionnelle des phases. Par exemple, dans une émulsion eau dans huile stabilisée par la silice hydrophobe, l’ajout de la silice hydrophile conduit à l’obtention d’une émulsion huile dans eau (Binks and Lumsdon, 2000). Ce phénomène est similaire à celui observé dans le cas des émulsions stabilisées par les tensioactifs où l’ajout d’un co-émulsifiant hydrophobe en présence d’un émulsifiant hydrophile provoque l’inversion de l’émulsion (B. Binks, 2002).
Localisation initiale des particules
Une explication possible de l’influence de la localisation initiale des particules est la différence du caractère hydrophobe pour des particules mouillées par l’eau et par l’huile. Pour des particules qui s’adsorbent à l’interface en entrant du côté de l’eau, l’angle de contact effectif est l’angle de contact au recul (dans l’eau). Au contraire, il s’agit de l’angle à l’avancée (dans l’eau) quand des particules sont adsorbées à partir de l’huile. Puisque les angles au recul sont plus petits que les angles à l’avancée, les mêmes particules se comportent comme si elles étaient plus hydrophiles, donc avec une préférence pour la stabilisation des émulsions de type H/E. La situation inverse est observée pour des particules avec un angle à l’avancée : elles sont plus hydrophobes, donc avec une préférence pour des émulsions E/H. La stabilité optimale peut donc être obtenue par un simple changement de la localisation initiale des particules (Binks and Rodrigues, 2003; Fouilloux, 2011).
Cependant, la valeur de l’angle de contact seule ne détermine pas le type de l’émulsion obtenue, notamment, les particules présentant un angle de contact proche de 90°c peuvent stabiliser les deux types d’émulsion. Les interactions entre les deux phases de l’émulsion et les particules stabilisantes jouent un rôle important lors de l’introduction de la deuxième phase de l’émulsion.
Yan et coll. ont démontré que les particules doivent résider dans la phase externe d’émulsion avant l’émulsification pour stabiliser des émulsions. Si les particules hydrophobes sont dispersées dans l’eau avant l’émulsification, elles ont peu de probabilité de passer la barrière de l’interface et d’entrer dans la phase huileuse. Un apport d’énergie important serait nécessaire pour forcer ces particules à traverser l’interface (Yan et al., 2001) (Kralchevsky and Denkov, 2001).
Les facteurs expérimentaux influençant la stabilité
Taille et forme des particules
La taille des particules détermine leur potentiel à rester en suspension et leur adsorption à l’interface. Expérimentalement, il a été montré qu’une diminution de la taille des particules, au moins jusqu’à un certain point, augmente la stabilité des émulsions car diminue la taille des gouttelettes formées jusqu’à une taille minimale (Kralchevsky and Denkov, 2001; Tambe and Sharma, 1994). A ce jour, il n’y a pas d’étude systématique dans la littérature sur l’influence de la polydispersité des nanoparticules sur la stabilisation des émulsions de Pickering. La forme et la rugosité de la surface des particules ont une influence sur leur mouillabilité. Ces deux valeurs impactent également l’hystérèse de la valeur de l’angle de contact. Afin de simplifier les calculs et l’analyse, les modèles de stabilisation d’émulsions de Pickering considèrent généralement des particules sphériques. Cependant, en pratique, les particules stabilisantes sont souvent anisotropes ou rugueuses. Ainsi, les particules d’argile ont une forme de disque, et les particules de silice pyrogénées largement utilisées pour la formation d’émulsion de Pickering forment des agrégats tridimensionnels stables, composés de particules sphériques (Binks and Lumsdon, 1999; Yan et al., 2001). Il n’y a pour le moment pas d’étude systématique sur le rôle de la forme des particules dans la stabilisation des émulsions de Pickering. C’est sans doute l’un des facteurs les moins bien compris.
Etat de dispersion des particules
Le pouvoir dispersant des particules peut être défini comme leurs propriétés de pouvoir maintenir des particules solides en suspension dans un liquide (Begbeg, 2008). Les particules agrégées s’adsorbent plus fortement à l’interface. Des études ont montré qu’une légère floculation des particules par ajout de sel ou variation du pH conduit à des émulsions stables mais une forte floculation conduit à des résultats négatifs (Prestidge and Simovic, 2006). Pour des émulsions de type huile/eau cette floculation est obtenue par ajout d’électrolytes. L’ajout d’électrolytes comme le NaCl lors de la formulation entraine une diminution du potentiel zêta avec augmentation du pH conduisant à l’agrégation des particules LDH en flocons plus grands. La résistance de la structure des dispersions LDH est renforcée par l’augmentation du pH et la concentration de particules. Une légère variation de l’angle de contact a aussi été observée (Yang et al., 2007). Il est rapporté que les dispersions floculées sont plus efficaces dans la stabilisation des émulsions car les particules qui ne sont pas floculées ont plus de mobilité à l’interface que des particules floculées entrainant facilement la coalescence (Kim et al., 2004; Pickering, 1907).
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE : GÉNÉRALITÉS SUR LES ÉMULSIONS DE PICKERING
I. Concepts de formulation et de stabilisation des émulsions de Pickering
I.1. Définition
I.2. Formulation et caractérisations des émulsions de Pickering
I.2.1. Formulation
I.2.2. Caractérisation
I.2.2.1. Détermination du sens de l’émulsion
I.2.2.2. Granulométrie
I.2.2.3. Viscosité
I.2.2.4. Détermination du pH
I.3. Concept de stabilisation des émulsions de Pickering
I.3.1. Structure et mécanisme de stabilisation de l’interface
I.3.1.1. Structure de l’interface
I.3.1.2. Mécanismes de stabilisation
I.3.2. Mouillage des particules et positionnement à l’interface
I.3.3. Mesure de l’angle de contact
I.3.4. Aspect énergétique
I.3.5. Interactions entre particules à l’interface
II. Type et stabilité des émulsions de Pickering
II.1. Les facteurs expérimentaux influençant le type d’émulsion
II.1.1. La mouillabilité des particules
II.1.2. Localisation initiale des particules
II.2. Les facteurs expérimentaux influençant la stabilité.
II.2.1. Taille et forme des particules
II.2.2. Etat de dispersion des particules
II.2.3. Concentration des particules
II.3. Phénomène d’instabilité
II.3.1. Sédimentation et crémage.
II.3.2. Floculation
II.3.3. Coalescence.
II.3.4. Mûrissement d’Ostwald.
II.3.5. Inversion de phase
II.4. Déstabilisations des émulsions de Pickering
III. Applications
III.1. L’industrie pharmaceutique et cosmétique
III.2. Préparation des matériaux
DEUXIÉME PARTIE : TRAVAIL EXPERIMENTAL
I. Objectifs.
II. Cadre de l’’étude
III. Matériel et méthodes
III.1. Matériel
III.1.1. Appareillage et verreries
III.1.2. Matières premières
III.1.2.1. Phase aqueuse
III.1.2.2. Phase huileuse
III.1.2.3. Particule
III.1.2.4. Vaseline officinale
III.2. Méthode de préparation
III.2.1. Emulsion simple
III.2.2. Emulsion double
III.3. Caractérisations
III.3.1. Examen macroscopique.
III.3.2. Détermination du sens des émulsions par la mesure de la conductivité
III.3.2.1. Principe
III.3.2.2. Technique
III.3.3. Détermination du pH des émulsions
III.3.3.1. Principe
III.3.3.2. Technique
III.3.4. Détermination de la taille des gouttelettes
III.3.4.1. Principe
III.3.4.2. Technique
IV. Résultats
IV.1. Préparation des émulsions simples de Pickering et de la double émulsion
IV.2. Examen macroscopique de l’émulsion simple
IV.3. Examen macroscopique de l’émulsion double
IV.4. Détermination du pH.
IV.4.1. Détermination du pH de l’émulsion simple
IV.4.2. Détermination du pH de l’émulsion double
IV.5. Sens de l’émulsion
IV.5.1. Détermination de la conductivité
IV.5.2. Test au colorant
IV.6. Examen microscopique : Taille des gouttelettes
V. Discussion
CONCLUSION
REFERENCES