Préférences trophiques et taux d’anthropophilie des vecteurs du paludisme (Diptera : Culicidae)
Position systématique des vecteurs du paludisme
Le Genre Anopheles appartient au règne Animal, à la série des Métazoaires, à l’Embranchement des Arthropodes, à la Classe des insectes, à l’Ordre des Diptères au Sousordre des Nématocères, à la Famille des Culicidés et à la Sous-famille des Anophélinés. I-2. Rappels sur les vecteurs Les insectes représentent le groupe le plus important du règne animal au point de vue nombre d’individus. Le moustique présente un corps fusiforme en trois parties: une tête qui porte les palpes, les antennes, les yeux et l’appareil buccal (piqueur-suceur chez les diptères), un thorax sur lequel sont insérées deux paires d’ailes dont une paire fonctionnelle (la seconde est réduite en balanciers ou haltères chez les diptères) et trois paires de pattes grêles et un abdomen. Sur 400 espèces d’anophèles répandues dans le monde, seule une soixantaine sont des vecteurs de plasmodium humains dont une vingtaine, à elles seules sont à l’origine de la plupart des cas de paludisme (MOUCHET & CARNEVALE, 1991). Ces vecteurs sévissent principalement en Afrique subsaharienne, en Asie et dans la région néo-tropicale. De nombreuses autres espèces d’anophèles jouent un rôle majeur dans la transmission d’autres parasites comme Wuchereria bancrofti et Brugia malayi les agents de la filariose lymphatique. En Afrique, les principaux vecteurs pour l’homme sont : An. gambiae s.s., An. arabiensis (espèce indifférenciables morphologiquement), An. funestus, An. nili et An. moucheti. Cependant en Afrique tropicale, les complexes Anopheles gambiae et Anopheles funestus assurent l’essentiel de la transmission anophélienne, Anopheles nili et Anopheles moucheti ne jouent un rôle important que dans des régions limitées (FONTENILLE et al., 2003). Au Sénégal les vecteurs majeurs du paludisme sont An. gambiae.s.s., An. arabiensis, et An. funestus. Comme tous les moustiques les anophèles passent par quatre stades dans leur cycle de vie : le stade œuf, le stade larvaire, le stade nymphal et en fin le stade adulte. Les trois premiers stades se déroulent en milieu aquatique et durent en tout entre 7 jours et 5 semaines selon l’espèce et, surtout la température ambiante. Le stade adulte se déroule en milieu aérien et dure environ une semaine pour le mâle et jusqu’à 2 mois pour la femelle. D’autres espèces peuvent avoir un rôle de vecteur secondaire dans les régions où elles abondent même si le rôle majeur est assuré par les espèces précitées. Compte tenu du rôle 5 exclusif joué par les espèces du complexe An. gambiae dans notre zone d’étude, nous présentons ici quelques notes sur ce complexe.
Le complexe Anopheles gambiae
Les différentes espèces du complexe An. gambiae ont en commun une morphologie très semblable, voire identique. Elles constituent des espèces jumelles. Les déterminations à l’intérieur du complexe gambiae se fondent essentiellement sur 3 critères (MOUCHET & CARNEVALE, 1991) : des critères de reproduction en insectarium, des critères cytogénétiques, et des critères moléculaires Sept espèces sont actuellement dénombrées dans le complexe An. gambiae (MOUCHET & CARNEVALE, 1991) : An. gambiae s. s. (qui comprend actuellement deux formes moléculaires dénommées forme M et S), An. arabiensis, An. quadriannulatus A, An. quadriannulatus B, An. bwambae, An. melas et An. merus. An. gambiae s.s. et An. arabiensis présentent les plus vastes aires de répartition. Ces deux espèces ont une grande capacité d’adaptation. D’une manière générale, Anopheles gambiae s.s. domine en zone de foret et de savane humide tandis qu’Anopheles arabiensis est plus adapté aux savanes sèches , les steppes et parfois les villes. Les gites larvaires sont des collections d’eau peu profondes et ensoleillées : empreintes de pas, de sabot, flaques, petites mares, marécages aménagés, rizières (GILLIES & DE MEILLON, 1968). Les deux espèces sont largement anthropophiles, sauf s’il y a une abondance du bétail (mouton, bœufs) surtout à proximité des habitations favorisant la zoophagie (MOUCHET & GARIOU, 1957; ROBERT & CARNEVALE, 1984). Elles sont nocturnes et piquent essentiellement la nuit. Elles concentrent l’essentiel de leur activité entre 20h et 03h (MOUCHET & CARNEVALE, 1991). Elles sont endophiles car aiment séjourner à l’intérieur des cases, ce qui les met en étroit contact avec l’homme. La densité des populations varie selon la saison en fonction de la pluviométrie. Elle s’accroît rapidement dés les premières pluies et la densité, maximale dans la seconde moitié de la saison pluvieuse, décroît ensuite (GILLIES & DE MEILLON, 1968). Les autres espèces (An. merus, An. melas, An. bwambae, An. quadriannulatus A et B) sont rencontrées dans d’autres zones avec des aires de répartition très localisées. An. melas et An. merus sont des espèces d’eau saumâtres respectivement des côtes occidentales et orientales d’Afrique. An. quadriannulatus et An. bwambae ne sont pas anthropophiles. Au Sénégal, seuls An. gambiae s.s., An. arabiensis et An. melas pour le complexe sont impliqués 6 dans la transmission (FAYE, 1987; DIA et al., 2003; LEMASSON et al., 1997; PETRARCA et al., 1987; DIOP et al., 2002). Figure 1 : Cycle biologique des anophèles Pour réaliser son cycle biologique, l’anophèle doit après les différentes phases aquatiques, prendre un repas sanguin chez l’homme ou chez les animaux selon la disponibilité, l’accessibilité et les préférences vis-à-vis des hôtes vertébrés mais également selon l’aire géographique étudiée (BRENGUES & COZ, 1973) afin de pouvoir mûrir ses œufs. Une étude du comportement trophique selon une localité bioclimatique est ainsi nécessaire pour une bonne connaissance et une bonne maîtrise de la transmission du paludisme. 7 1.4. Importance de l’identification des repas sanguins des vecteurs du paludisme pour l’étude des contacts trophiques Pour que la transmission puisse se réaliser, il y a une nécessité d’une corrélation entre contact avec une population susceptible et observation chez les anophèles vecteurs d’un indice proportionnel élevé de sang humain. Les premières études réalisées dans ce contexte ont ainsi montré que les espèces anophéliennes désignées comme vecteurs (présence prouvées de sporozoites dans les glandes salivaires) avaient une prédilection très prononcée pour le sang humain (OMS, 1959). Cependant, il n’a pas toujours été évident de trouver une corrélation entre l’orientation trophique du moustique et l’importance vectorielle de l’espèce. C’est le cas notamment d’An. gambiae en Afrique tropicale chez qui une prédilection marquée pour l’homme même quand celui-ci co-existait avec le bétail au Mozambique, au Kenya et en Ouganda. Sur un autre plan, MUIRHEAD-THOMSON (1948) montra que des spécimens appartenant à la même espèce peuvent s’alimenter indifféremment sur l’homme, les caprins, les porcins et les ovins et que les proportions de repas pris sur ces hôtes dépendent de la fréquence effective de ces derniers et dans une certaine mesure de leur présence à l’intérieur des habitations. Des observations similaires ont été faites au Tchad et au Nigeria (BRUCE-CHWATT, 1950). Il est donc ainsi important de prendre en compte les facteurs suivants dans l’interprétation des résultats issus des tests d’identification des repas sanguins des vecteurs : la présence d’un hôte principal ou d’un hôte de remplacement à proximité immédiate du vecteur, le comportement caractéristique de la population anophélienne, la saison de l’année, les conditions climatiques et le moment de la collecte et les conditions du lieu de collecte et son microclimat.
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