Préférences alimentaires chez la chèvre

L’arène de test

Le dispositif qui a été utilisé pour étudier les préférences alimentaires chez la chèvre consistait en une arène de test faite de contreplaqué (Figure 13). Lorsque les chèvres pénétraient dans l’arène, le mur leur faisant face présentait deux mangeoires qui pouvaient être ouvertes ou fermées indépendamment l’une de l’autre.
Deux expérimentations ont été réalisées. Dans l’expérimentation 1, les chèvres pouvaient avoir accès simultanément à une mangeoire où l’aliment se trouvait au niveau du sol, « floorlevel feeder » en anglais, et à une mangeoire en hauteur, dite « elevated feeder ». Ainsi la position que la chèvre adoptait pour se nourrir dans la mangeoire au niveau du sol mimait une position de pâturage, le museau orienté vers le sol (Figure 14A, B), tandis que la mangeoire en hauteur permettait à la chèvre de prélever l’aliment en ayant le museau orienté vers le haut, comme lorsqu’elle doit attraper des feuilles dans un arbre (Figure 14C, D). Pour que les chèvres puissent accéder à la mangeoire en hauteur, une marche permettant de poser les deux pattes avant a été ajoutée (Figure 14C). Deux tailles de marche permettaient à toutes les chèvres d’avoir un accès optimal à la mangeoire en hauteur. Ainsi, les chèvres qui mesuraient entre 77,5 et 86 cm du pied à l’épaule disposaient d’une marche de 30 cm de haut tandis que les chèvres mesurant de 87,5 à 91,5 cm disposaient d’une marche de 25 cm de haut.
Lors de l’expérimentation 2, seule la mangeoire au niveau du sol était utilisée. Néanmoins, une des deux mangeoires proposées était positionnée plus en hauteur, et l’accès y était possible en montant sur une plateforme pouvant accueillir les quatre pattes de l’animal, cette mangeoire était appelée « platform-level feeder » en anglais (Figure 15A, B). Ainsi la chèvre pouvait manger en mimant une posture de pâturage mais en étant complétement surélevée par rapport au niveau du sol.

Les animaux utilisés

Le troupeau néozélandais était composé de 26 chèvres, croisées Saanen, qui ne faisaient pas partie d’un système d’élevage commercial, mais étaient uniquement utilisées pour les expérimentations. Ces chèvres n’étaient ni gestantes ni en lactation. Elles étaient écornées et âgées de 4 à 6 ans.
Cinq chèvres pilotes ont été utilisées afin de tester le bon fonctionnement du dispositif (mangeoires et portes qui s’ouvrent et se ferment correctement par exemple), pour établir la hauteur des marches utilisées pour avoir accès à la mangeoire en hauteur ainsi que pour déterminer les quantités d’aliments à fournir pour s’assurer d’être ad libitum. Sur ce dernier point, nous avons estimé que 1,5 kg pour les feuilles et 2 kg pour l’herbe par chèvre permettait un accès ad libitum. Les feuilles prenant plus de place dans la mangeoire que l’herbe, la quantité d’herbe a été augmentée par rapport à la quantité nécessaire pour l’ad libitum afin d’éviter un effet visuel qui aurait pu influencer les chèvres. Seize autres chèvres ont ensuite été utilisées pour les tests.
Hors expérimentation, le troupeau était constamment au pâturage et avait accès à un abri. Pendant nos expérimentations, peu d’herbe était disponible dans les pâtures à cause d’un été très sec, le troupeau était donc parqué la nuit dans un enclos comportant un abri, de l’eau ad libitum et une balle de foin. Pendant les tests, les chèvres utilisées étaient conduites toutes en même temps dans des enclos adjacents à l’arène de test. Ces enclos pouvaient accueillir quatre chèvres (Figure 16) et disposaient d’eau ad libitum et de foin afin d’éviter qu’elles aient faim, ce qui aurait impacté les tests. À la fin de leur test, les chèvres utilisées rejoignaient le reste du troupeau au pâturage pour la fin de la journée.

Dispositifs expérimentaux Articles 2 et 3 – Variabilité inter- et intraindividuelle – Capacités d’adaptation et flexibilité du comportement alimentaire

Le dispositif de mesure du comportement alimentaire individuel

Le dispositif utilisé dans les études présentées dans les chapitres 3 et 4, est un dispositif innovant permettant de mesurer le comportement alimentaire individuel pour des animaux hébergés en groupe. Il consiste en un ensemble d’enclos de tailles modulables suivant la réglementation sur l’expérimentation animale (Directive 2010/63/UE du Parlement Européen et du Conseil, 2010) pouvant accueillir 16 chèvres en case individuelle et jusqu’à 32 chèvres au total en groupe. Dans le cadre de nos expérimentations, il était divisé en enclos pouvant accueillir quatre chèvres chacun. Chaque enclos est composé d’un sol en caillebotis en bois, d’accès à l’eau ad libitum grâce à deux abreuvoirs, et de quatre stations d’alimentation (Figure 17). Une station d’alimentation correspond à un système comprenant une antenne réceptrice (conçue par Gabard, Argentonnay, France) qui reçoit le signal provenant d’une boucle d’identification électronique portée à l’oreille par les chèvres, d’un cornadis qui ouvre ou ferme l’accès à la mangeoire et qui est débloqué grâce à l’identification électronique, ainsi qu’une mangeoire constituée d’un bac posé sur une balance (conçue par Baléa, Saint-Mathieu de Tréviers, France) qui permet de peser le contenu toutes les deux secondes avec une précision de 5 grammes (Figure 18). Nous avons attribué à chaque chèvre une station d’alimentation, chaque station n’étant accessible qu’à une seule chèvre.

Les animaux utilisés

Le troupeau français est constitué d’environ 120 chèvres laitières, d’un âge moyen de 3,7 ans en 2019, des deux races les plus répandues dans les cheptels français : les alpines et les Saanen (cf. partie 2.1.2 du chapitre 1). La chèvrerie expérimentale de Grignon (France) est un élevage hors-sol. Les chèvres sont donc élevées dans un environnement d’élevage laitier classique avec une conduite d’élevage qui consiste à séparer les chevreaux de leur mère à la naissance, à les élever en allaitement artificiel puis à les conduire en lots avec un taux de renouvellement de 35% (en 2019). Pendant la phase lactée, le comportement alimentaire de tous les jeunes est mesuré grâce à un distributeur automatique de lait (DAL) associé à une reconnaissance RFID (cf. partie suivante pour plus de détails sur la caractérisation du comportement pré-sevrage). La mise à la reproduction est synchronisée grâce à la pose d’éponges et la reproduction s’effectue par monte en main ou par insémination artificielle. Cette synchronisation permet de gérer l’alimentation en lots en suivant les tables de recommandation d’INRA (INRA, 2018). La mise à la reproduction a lieu début août pour les multipares et début septembre pour les primipares pour une mise-bas en janvier et février respectivement. Les chèvres en lactation sont traites deux fois par jour, à 7h et 15h (sauf si une expérimentation impose la monotraite), et sont taries à la minovembre. La production laitière moyenne est de 1 007 kg par chèvre avec un taux butyreux de 33,1 g/kg et un taux protéique de 32,2 g/kg (Contrôle laitier, 2019).
Les deux cohortes françaises de chèvres utilisées durant ma thèse comprennent des animaux dont le comportement alimentaire a été phénotypé à l’âge adulte plusieurs fois.
Les animaux utilisés dans l’article du chapitre 4 portant sur la variabilité inter- et intraindividuelle ont été caractérisés sur trois périodes et comprenaient alors durant la période 1) 32 chèvres nées en 2017 (20 alpines et 12 Saanen), caractérisées en milieu de leur première lactation ; durant la période 2) 24 chèvres nées en 2017 (12 alpines et 12 Saanen), dont 21 avaient déjà participé à la période 1, caractérisées ici à la fin de leur première lactation et milieu de seconde gestation ; et durant la période 3) 16 chèvres nées en 2018 (8 alpines et 8 Saanen) caractérisées en milieu de leur première gestation (Figure 19).
Les chèvres utilisées dans l’article du chapitre 5 portant sur la flexibilité du comportement alimentaire et les capacités d’adaptation des animaux, étaient les mêmes animaux que ceux utilisés dans la période 2 précédemment citée, c’est-à-dire 24 chèvres nées en 2017.

Composition des groupes d’individus

Les différentes expérimentations réalisées dans les chapitres 4 et 5 avaient un dispositif expérimental similaire. Il était toujours divisé en enclos accueillant des groupes de quatre individus, comprenant une à deux Saanen par groupe. Afin de déterminer la composition des groupes, nous avons utilisé la caractérisation du comportement alimentaire pré-sevrage, en plus de l’homogénéisation intra-groupe sur de nombreux critères (cf. partiesuivante). En effet, comme tous les individus étaient phénotypés grâce à un distributeur  automatique de lait (DAL) avec reconnaissance individuelle, nous avons pu définir les profils alimentaires des individus pré-sevrage. Dans ce but, le DAL était composé de deux cases, chacune comportant deux tétines qui donnaient un accès ad libitum à l’aliment d’allaitement. Une antenne placée au niveau de chaque tétine permettait l’identification des individus au moment de la prise alimentaire. Les chevrettes étaient hébergées en groupes d’une quinzaine d’individus, races mélangées. Le DAL permettait alors d’enregistrer la quantité d’aliment d’allaitement bue à chaque visite et le nombre de visites réalisées par chaque chevrette, par jour, grâce à une identification RFID. Les chevrettes présentaient une large variabilité inter-individuelle du comportement alimentaire basé sur le nombre moyen de visites réalisées par jour et la quantité moyenne bue à chaque visite. Un continuum allant d’individus présentant de hautes fréquences de visites et de faibles quantités bues par visite à des individus présentant de faibles fréquences de visites associées à de fortes quantités bues par visite a ainsi été mis en évidence. Plus de détails sur cette caractérisation présevrage sont présentés en annexe 1 car elle a fait l’objet de trois communications (cf liste des publications).
L’objectif initial de la thèse étant de relier le comportement alimentaire pré-sevrage au comportement alimentaire post-sevrage, les groupes de quatre individus utilisés dans le dispositif de caractérisation alimentaire post-sevrage ont été composés à partir des profils alimentaires déterminés pré-sevrage (soit des profils similaires dans un groupe de quatre, soit des profils différents). Étant donné que les résultats préliminaires ne semblent pas montrer de lien entre le comportement alimentaire pré- et post-sevrage, nous avons fait le choix de ne pas prendre en compte le comportement alimentaire pré-sevrage dans les analyses du comportement alimentaire à l’âge adulte et de ne pas présenter le comportement alimentaire pré-sevrage plus en détail dans ce manuscrit.

Facteurs contrôlés pouvant influencer le comportement alimentaire dans nos études

Bien conscients que de très nombreux facteurs pouvaient influencer le comportement alimentaire, nous avons cherché à contrôler leurs effets lors des études présentées aux chapitres 3 à 5. Cette partie met en évidence les choix réalisés dans le contrôle de ces facteurs.

Parité

Dans le cadre de nos expérimentations sur des chèvres adultes, plutôt que l’âge en termes de semaines, la parité est un facteur plus important à prendre en compte. Dans l’expérimentation sur les préférences alimentaires (chapitre 3), les chèvres étaient toutes nullipares. Ce paramètre n’a donc pas été pris en compte dans les analyses. Dans les expérimentations sur le phénotypage du comportement alimentaire des adultes (chapitres 4 et 5), au sein de chaque cohorte les individus étaient de même parité : primipares pour les chèvres des périodes 1 et 3, et multipares pour les chèvres de la période 2. Dans le chapitre 4, des comparaisons entre les cohortes ont été réalisées pour étudier les effets des stades physiologiques et de lactation. Dans ce cadre, la parité était corrélée aux stades physiologiques, qui était alors inclus dans les modèles d’analyse.

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