La marche peut être définie comme l’ensemble des mouvements permettant la progression du corps humain dans la direction souhaitée. Cette activité si triviale chez la plupart d’entre nous peut s’avérer un défi majeur chez plusieurs personnes atteintes de pathologie handicapante telle que l’hémiparésie. Dans la marche dite ‘normale’, la personne est souvent peu attentive aux mouvements successifs qu’elle effectue à partir du moment où elle met son pied en contact avec le sol jusqu’au contact suivant de ce même pied. Ce rythme cyclique est constitué de deux phases successives : la phase d’appui et la phase d’envol. Il existe deux invariances qui décrivent bien le caractère normal de la marche : une invariance temporelle et une invariance cinétique. L’invariance temporelle est caractérisée par la durée de la phase d’appui qui vaut 60% de la durée totale du cycle de marche par rapport à 40% pour la phase d’envol. L’invariance cinétique est caractérisée par le fait que la force de réaction au sol verticale dépasse à deux instants particuliers, durant la phase d’appui, la valeur du poids de la personne pour atteindre 110% du poids du corps à la vitesse confortable.
Dans le cas de la marche pathologique dû à un accident vasculaire cérébral, ces deux concepts d’invariances sont généralement déformés du côté lésé (parétique) par rapport au côté sain dépendamment de la sévérité de la lésion neurologique. On parle alors d’asymétrie à la marche. L’objectif de cette étude est de développer une méthode ambulatoire pour mesurer les asymétries de mise en charge durant la locomotion en dehors du contexte du laboratoire.
Plusieurs outils ont été développés pour analyser le cycle de la marche, que ce soit en recherche ou en clinique, afin d’identifier et de quantifier toute anomalie et ce, dans un contexte contrôlé de laboratoire. Les systèmes optoélectroniques basés sur des caméras vidéo permettent la mesure de la cinématique 3D du mouvement lors de la locomotion. Les plateformes dynamométriques permettent de mesurer l’aspect cinétique du mouvement i.e. les forces de réaction au sol (FRS) durant la marche. Ces deux instruments de laboratoire sont très précis, néanmoins une hypothèse de recherche stipule que la marche adoptée, ainsi que le comportement des personnes en milieu contrôlé diffèrent de ceux suivis en milieu écologique (i.e. hors laboratoire), et que l’analyse tridimensionnelle de la marche dans ce dernier serait plus pertinente et plus significative simplement parce qu’elle permet de mesurer l’activité d’un individu durant de la vie quotidienne. Dans ce projet, nous nous intéressons aux forces de réaction au sol qui représentent des mesures importantes dans l’analyse des asymétries de mise en charge durant la locomotion.
Actuellement, il n’existe aucun appareillage ambulatoire non-encombrant et pratique, qui ne déforme pas le patron de marche naturel tel que le font les semelles instrumentées, permettant de mesurer les forces de réactions au sol en dehors du laboratoire. Les capteurs inertiels représenteraient justement une avenue des plus intéressantes à explorer pour pouvoir réaliser cet objectif.
Biomécanique et systèmes de mesure
Définition du cycle de la marche normale
Afin de pouvoir distinguer une marche dite normale d’une autre dite pathologique, (Whittle, 2007) explique qu’il est essentiel de comprendre ce qu’est la marche saine ou normale en premier lieu. Le terme normal englobe à la fois le sexe de la personne, un large intervalle d’âges et un autre intervalle prenant en compte la géométrie du corps. De cette manière, un standard approprié de marche normale est établi pour le sujet étudié. Dans cette section, les différentes phases du cycle de marche sont abordées avec une attention particulière envers ce qu’on appelle les forces de réaction au sol (FRS).
Selon (Whittle, 2007), on distingue deux phases lors de la marche : la phase d’appui (60% du cycle) durant laquelle l’un ou les deux pieds sont en contact avec le sol et la phase d’oscillation (40% du cycle) où le pied décolle et avance :
1. Phase de mise en charge : double appui initial composé de la période de contact initial suivie de la période de réponse à l’appui permettant au poids du corps de basculer entièrement sur un membre inférieur qui devra absorber le choc et rester stable afin de permettre la mobilité;
a. contact initial : aussi appelé contact talon (CT). La direction du vecteur de la FRS change immédiatement de vers le haut durant le contact talon à vers le haut arrière lors de la réponse à l’appui.
b. réponse à l’appui : c’est la phase de double support se situant entre le contact initial et le décollage des orteils du pied controlatéral. Durant cette période, le pied se rabat plus vers le sol avec une flexion plantaire de la cheville. L’amplitude de la FRS augmente rapidement avec une direction vers le haut arrière;
2. Décollement des orteils du pied controlatéral (ou levée des orteils, LO) : ceci marque la fin de la phase de double support et le début de la phase de milieu d’appui. L’avant-pied qui était rabattu vers le sol observe une flexion dorsale avec le mouvement de la cheville. Ceci marque aussi la fin de la phase d’appui du pied controlatéral et le début de la phase d’oscillation.
3. Milieu d’appui : c’est la période entre le décollement du pied controlatéral et la levée du talon. Le pied oscillant dépasse le pied en appui correspondant à la période de la phase d’oscillation appelée pieds adjacents.
4. Levée du talon : ceci marque la transition de la période de milieu d’appui à la fin d’appui où le talon commence à se détacher du sol. Le moment de cette période arrive à un temps différent d’un individu à l’autre et dépend aussi de la vitesse de marche.
5. Contact initial controlatéral : dans une marche symétrique, cette période arrive vers 50% du cycle. Ceci marque la fin de la période d’appui monopodal et le début de la phase de pré-oscillation et est considérée comme la deuxième période de double appui.
6. Contact terminal : le pied perd contact avec le sol et les orteils se décollent, ceci marque la fin de la phase d’appui et le début de la phase d’oscillation.
7. Pieds adjacents : cette période sépare l’oscillation initiale et le milieu d’oscillation. C’est ici que le pied oscillant dépasse le pied en appui et les deux pieds sont côte à côte.
8. Tibia vertical : le tibia du pied oscillant est en position verticale marquant ainsi la séparation entre le milieu et la fin de la phase l’oscillation.
9. Contact initial suivant : le cycle de la marche prend fin lors du contact avec le sol du même pied.
Les forces de réaction au sol
Dans ce travail, nous nous intéressons à la cinétique, un terme désignant l’étude des forces qui causent le mouvement. Dans son modèle link-segment, (Winter, 2009) considère que les forces de réaction au sol (FRS) appelées Ground Reaction Forces en anglais, sont présentes durant toute la phase d’appui du cycle de la marche et représentent les forces externes agissant sur le pied. Toujours selon (Winter, 2009), ces forces, agissant durant la marche sont distribuées sous la surface du pied mais on considère qu’elles agissent sur un point particulier appelé centre de pression (CoP, de l’anglais Center of Pressure) afin de les représenter sous la forme d’un vecteur . Ce vecteur tridimensionnel est constitué d’une composante verticale, antéro-postérieure et médio-latérale. La quatrième variable à déterminer serait le CoP ou le point d’application de ce vecteur. Les plateformes de forces (PFF) sont l’outil de référence pour nous fournir ces données.
INTRODUCTION |