Préconception et dimensionnement d’un réseau matriciel conformable

Modélisation de sources au contact

Pour la réalisation d’une extension du TCI à un réseau matriciel, on doit pouvoir modéliser le rayonnement ultrasonore d’un tel dispositif. Nous cherchons ainsi à calculer le champ des déplacements émis par une source ultrasonore au contact direct avec un milieu de propagation solide sur une surface libre, c’est-à-dire sans contrainte mécanique.
Nous ferons donc un état de l’art des méthodes de description de sources au contact de milieux solides semi-infinis. La seconde section traitera de la méthode utilisée par Champ Sons, qu’on pourra comparer à des résultats issus de modèles décrits dans la littérature.

Étude bibliographique

Le problème théorique du calcul du champ de déplacements engendré par une source ponctuelle et harmonique de force normale est connu dans la littérature comme le problème de Lamb, qui fut le premier à en proposer une solution [10]. Contrairement au cas de l’émission dans les fluides la solution ponctuelle proposée est donnée sous forme intégrale, la rendant difficile à traiter dans un code de calcul. Nous décrivons dans ce qui suit quelques méthodes permettant de décrire le champ rayonné par un traducteur étendu.

Équation de propagation

Dans le cas d’un solide isotrope, on peut exprimer le tenseur des coefficients élastiques en fonction des deux coefficients de Lamé. En considérant le champ vectoriel de déplacement ~u, l’équation de propagation s’écrit :

Méthodes exactes

La méthode de résolution exacte proposée par Eason [12] permet de calculer le champ rayonné par un traducteur étendu au contact, considéré comme une source de force normale et uniforme sur l’ouverture en régime transitoire. Les calculs numériques à réaliser sont très lourds mais permettent l’interprétation du phénomène physique mettant en évidence quatre types d’ondes. La figure 2.1 illustre les différents types d’ondes générées par un traducteur fonctionnant en mode « piston », c’est-à-dire un traducteur à ondes longitudinales, au contact d’un solide :
– Les ondes longitudinales géométriques (notées LG) générées dans l’ombre du traducteur ont un large front de même géométrie que la surface émettrice. Ce type d’ondes constitue en fait la majeure partie du front d’ondes émis par un tel traducteur.
– Les ondes longitudinales et transversales de bord (notées LB et TB) sont des ondes générées par diffraction depuis les bords du traducteur ; formant des fronts cylindriques pour un bord droit, toriques pour un bord circulaire.
– Les ondes de tête (ou head waves notées H) sont rayonnées dans le matériau pour des angles supérieurs à l’angle critique2 ce qui rend leur présence limitée dans l’espace. De plus leur décroissance est très rapide, de l’ordre de 1/r2 en amplitude, au lieu de 1/r pour les autres ondes de volume (r étant la distance séparant le point source au point d’observation). Donc si on est assez loin de la source, on peut les négliger par rapport aux ondes de volume.
– Les ondes de surface (dites de Rayleigh notées R), peuvent aussi être négligées si le point d’observation est à quelques longueurs d’onde de la surface de la pièce inspectée. En effet, les ondes de Rayleigh ne sont présentes qu’aux environs du bord du solide au niveau des interfaces libres.
Gakenheimer et Miklowitz [13] ont résolu le problème transitoire pour une source ponctuelle de contrainte normale parcourant la surface du solide à une certaine vitesse. La solution du problème de Lamb est alors déduite du cas limite, où la vitesse de la source est nulle et constitue la fonction de Green donnée sous forme intégrale.
La résolution du problème passe par une technique de transformation due à Cagniard [14, 15] et simplifiée par De Hoop [16]. Il s’agit en fait d’une astuce mathématique qui s’applique à la représentation de la solution d’un problème d’élastodynamique sous la forme de transformées de Laplace et de Fourier successives. Développée au départ pour décrire les phénomènes de propagation séismique, cette méthode est souvent utilisée pour des calculs de champ dans le CND [17], ou d’autres applications médicales comme l’élastographie [18]. Cependant, ce type de calcul reste fastidieux car les solutions de sources ponctuelles ne sont pas données sous forme analytique mais sous forme intégrale.

Solutions Asymptotiques

Le calcul du champ rayonné par des traducteurs dans le domaine du CND utilise souvent des méthodes aux solutions convergeantes en champ lointain. Miller et Pursey [19] ont proposé une résolution du problème de Lamb pour le cas d’une source monochromatique de contrainte normale. La solution proposée est dite asymptotique, à savoir qu’elle décrit la tendance du champ des déplacements à l’infini. Largement cité dans la littérature comme une bonne approximation en champ lointain [20, 21], ce modèle ne décrit pas les ondes de tête ni les ondes de Rayleigh. L’approche monofréquentielle permet de traiter les équations d’élasticité par des transformées de Fourier. Pour la résolution du problème spatial, si l’ouverture de la source est de forme linéaire, de longueur finie et de largeur infinie (géométrie cylindrique 2D), on peut utiliser les transformées spatiales de Fourier. Dans le cas de sources circulaires de rayon fini, on traite les équations par des transformées spatiales de Hankel3 . Ce modèle fournit une description analytique simple pouvant être utilisée pour valider d’autres modèles traitant le même cas en champ lointain. On décrit les principaux résultats de ces travaux concernant le rayonnement d’une source circulaire dans l’annexe A.
La recherche des solutions de ce problème en transitoire (i.e. en fonction du temps) peut aussi être traitée grâce à des transformées de Fourier. Cette technique a été utilisée par Kawashima [22] pour calculer de manière quantitative le champ rayonné par un traducteur EMAT et par un traducteur piézoélectrique. Les calculs sont réalisés avec la description analytique issue de la méthode de Miller et Pursey donc en monochromatique. En connaissant les formes d’ondes des signaux produits par les deux types d’émetteurs, on déduit le champ rayonné en transitoire en sommant les composantes spectrales discrétisées de 0 à 20MHz. Ces calculs sont comparés à des mesures sur une cale hémisphérique réalisées par un traducteur EMAT à ondes L, mesurant le champ des déplacements radiaux, puis par un traducteur EMAT à ondes T, mesurant le champ des déplacements tangentiels. Les mesures réalisées sont en accord avec les calculs, en particulier pour la comparaison des signaux temporels et constitue une validation expérimentale pour cette solution.

Méthodes semi-analytiques

Dans le souci de réaliser des calculs de diffraction impulsionnelle dans des délais raisonnables, beaucoup d’auteurs donnent des solutions semi-analytiques, moyennant quelques approximations. Gendreu [23] exprime deux formulations pour le calcul de la réponse impulsionnelle qu’il obtient en intégrant les fonctions de Green proposées par Gakenheimer et Miklowitz [13]. Dans un premier temps, le modèle est valable dans l’approximation des fronts d’onde, en tenant compte du couplage entre le mode L et T, matérialisé par le phénomène d’ondes de tête. Une seconde formulation propose une description du champ où les modes L et T sont découplés, en négligeant les ondes de tête. Valable en champ lointain, cette seconde formulation fait apparaître les directivités d’une source ponctuelle de force normale qui correspondent en fait aux fonctions B(θ) et C(θ) calculées par Miller et Pursey, illustrées dans l’annexe A figure A.2. En développant une solution plus approchée pour les directivités des ondes L et T, Lhémery effectue un tel calcul pour les forces normales [24] ou tangentielles [25]. Pour calculer le champ rayonné par une source étendue de géométrie quelconque, on intègre ces deux fonctions sur la surface émettrice en utilisant par exemple la méthode de Stepanishen [26].

Modélisation de sources au contact

Une autre technique peut permettre de s’affranchir du calcul de la réponse impulsionnelle en utilisant une solution asymptotique dite haute fréquence. Ce modèle s’inspire des descriptions des différents fronts d’onde émis par un traducteur à ondes L, c’est-à-dire une source de contrainte normale (voir figure 2.1). On peut ainsi déduire le champ rayonné par un traducteur circulaire [27] ou rectangulaire [28] de l’expansion des fronts d’onde L géométrique et des ondes L et T de bord. Prenant en compte les comportements géométriques de ces ondes au contact avec une interface plane, ce modèle n’est pas adapté au cas de la génération ultrasonore dans une pièce avec une interface complexe, comme il en sera question pour la simulation du traducteur conformable. Avec la méthode de Gendreu décrite ci-dessus, il s’agirait d’une des seules méthodes « rapides » qui permettent le calcul des ondes de tête dans ce contexte [29].
Le modèle développé au CEA permet de calculer le champ ultrasonore rayonné par des sources directement au contact d’un solide pour des traducteurs EMAT, des traducteurs L0° ou T0°. Le champ des déplacements est calculé en tout point d’un solide par une source ponctuelle de contrainte de direction quelconque. Ce modèle a été implémenté au logiciel de simulation ultrasonore Champ Sons par Chatillon [8] pour des sources de contrainte normale uniquement. En utilisant le théorème de réciprocité, les coefficients de réflexion sur une interface solide-vide sont utilisés dans le calcul des fonctions de Green, qui s’avèrent strictement équivalentes à celles calculées par Gendreu4 . D’une manière analogue l’équivalence entre le théorème de réciprocité et l’intégration utilisée par Miller et Pursey a été démontrée par Lord dans le cas de la source de force normale et tangentielle [20]. Le modèle implémenté permet aussi de calculer le champ à travers des pièces de géométrie complexe rayonné par des traducteurs multiéléments comme le TCI, grâce à la technique des pinceaux [30].

Modèle de rayonnement pour une source de force normale

CIVA est un logiciel développé au CEA pour le traitement de données issues de contrôles ultrasonores ainsi que pour la simulation [31]. Il s’agit d’une plateforme comprenant divers logiciels de simulation ultrasonore comme Champ Sons, pour le calcul du champ rayonné par un traducteur dans une pièce solide à travers un couplant considéré comme fluide [32]. Les travaux de Chatillon [8] ont permis l’implémentation d’un modèle calculant le champ rayonné par une source de contrainte normale à la surface de la pièce inspectée au contact direct avec celle-ci. Dans ce qui suit on revient sur le formalisme de ce modèle en le comparant aux résultats avec un modèle analytique.

Validation du modèle

Nous sommes donc en mesure de calculer le champ rayonné par une source d’étendue quelconque dans un espace semi-infini. On choisit une source de type circulaire pour comparer ce modèle aux résultats des travaux de Miller et Pursey [19], résumés dans l’annexe A.
On utilise les expressions (A.1) et (A.2) sur des points de calcul situés sur un profil linéaire à z=10mm de la source. On calcule le module du déplacement rayonné par des sources de diamètres 0.5, 1 et 4mm pour une fréquence d’émission de 2MHz en régime monochromatique. Les échodynamiques de ces résultats (calculs Champ Sons et calcul par méthode asymptotique) sont illustrés par la figure 2.7. Nous remarquons une différence entre les deux calculs, tout à fait minime pour une source quasiment ponctuelle comme c’est le cas pour une source de 0.5mm de diamètre à 2MHz dans l’acier. Si on réalise les calculs avec des diamètres plus étendus, en particulier pour 4mm à 2MHz, nous avons des résultats un peu plus différents en ondes T. Cette différence provient du fait de l’approximation de l’effet de diffraction d’une source circulaire par un terme utilisant la fonction de Bessel (voir équation (A.1) page 158) qui n’est valable qu’en champ lointain.

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