La monnaie possède des fonctions économiques traditionnelles bien connues : étalon de mesure de valeur et moyen de paiement. Très tôt dans l’histoire, le droit de battre monnaie, les jura cudendae monetae a été monopolisé par le souverain. La monnaie apparaît comme le produit de la volonté de l’État. Elle constitue le type même d’une institution purement nationale. Son aire de circulation se limite strictement au territoire de l’État émetteur : à l’intérieur, elle possède pleine validité et pouvoir libératoire ; à l’extérieur elle ne constitue qu’une marchandise comme une autre. La monnaie est bien une expression essentielle de la souveraineté de l’État. Mais les relations économiques internationales modernes font que la politique monétaire d’un État a des incidences qui dépassent les limites de ses frontières.
L’évolution du droit international en la matière, allait de pair avec celle de l’économie internationale. La souveraineté monétaire de l’État n’est plus le principe coutumier absolu d’antan. Elle a, en effet, été progressivement bousculée par un puissant mouvement de fond du droit international contemporain qui a reconnu que la monnaie était devenue une « matière d’intérêt international » majeur. La question monétaire est devenue un nouvel exemple de la prodigieuse extension ratione materiae du droit international actuel.
Précisions sur le système monétaire de Bretton Woods
Essai de définition
Le système monétaire a été créé par et pour les États et ne s’appliquent qu’à eux seuls. Il a deux missions distinctes et précises : prévenir les crises et y remédier. Il présente des caractéristiques que l’on peut retrouver dans le Droit International général : il est institutionnalisé mais peut contenir des accords informels (gentlemen’s agreements) ; il y a aussi la présence d’un système de contrôle. L’institution qui découle de ce système dispose d’un pouvoir de sanction, certes rarement utilisé.
Concernant le système monétaire de Bretton Woods proprement dit, l’expression « système monétaire international » ne fait l’objet d’aucune définition précise dans les manuels. Mais nous pouvons constater dans le statut du FMI une affirmation quant à son essence : « le but essentiel du système monétaire international est de fournir un cadre qui facilite les échanges des biens, des services et de capitaux entre nations et qui favorise une croissance économique saine… » .
Historique
Après les deux grandes Guerres Mondiales et la crise de 1929, les grandes puissances ont décidé de créer un nouveau système monétaire international en vue de reconstruire les pays victimes de ces fléaux. Dès 1942 commencèrent des discussions entre américains et anglais afin de définir les principales caractéristiques de l’organisation monétaire internationale. Les deux plans les plus célèbres qui devaient former l’essentiel des futurs statuts du FMI allaient voir le jour, l’un portait la signature d’Harry White et l’autre de John Maynard Keynes. Les traits généraux du nouveau système étaient communs pour les deux plans, celle d’un système de changes fixes beaucoup plus organisé et mieux contrôlé que ne l’était le système d’étalon-or de l’entre-deux-guerres. Mais plusieurs points divergeaient tels que la libéralisation du commerce, les paiements internationaux et la stabilité du taux de change pour White, croissance plein emploi et conformité de la valeur extérieure d’une monnaie à sa valeur intérieure pour Keynes. En 1943, les anglais se rendirent aux États-Unis pour essayer de concilier les deux plans. Un compromis fut trouvé et on le nomma: « Joint statement by experts on the establishment of an international monetary Fund of the united and associated Nations. » On y retrouvera l’essentiel du statut du FMI.
Le 1er juillet 1944, à Bretton Woods, 44 États signèrent les « accords de Bretton Woods » portant statut de deux nouvelles institutions internationales : le Fonds Monétaire International et la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement.
Le 27 décembre 1945, les conditions d’entrée en vigueur de l’accord relatif au FMI étaient réunies ; le 1er Mars 1947, le Fonds Monétaire devenait opérationnel.
Ce nouveau système reposait sur les principes suivants :
– Adoption d’un régime de changes fixes
– Adoption d’une nouvelle monnaie internationale : le dollar
– Bannissement des tarifs douaniers protecteurs provisoirement
– Création d’une institution de contrôle et de régulation : le Fonds Monétaire International (FMI)
– Création de la Banque Mondiale (BM) .
Pendant près d’un quart de siècle le système de Bretton Woods a connu une réussite exemplaire, il a assuré la stabilité monétaire dans les États européens. Mais la spéculation sur les marchés des changes contre le dollar au profit du mark allemand et l’inflation du dollar due à la guerre du ViêtNam créent une déstabilisation du système monétaire international. Le président Richard Nixon provoque l’effondrement du système de Bretton Woods en suspendant officiellement le 15 août 1971 la convertibilité en or du dollar et autorisant le flottement de ce dernier. Il est important de remarquer que c’est le régime de la parité qui a disparu mais les autres dispositions du code de bonne conduite ont continué à être respectées et les mécanismes d’aide n’ont cessé d’être développés et réformées.
Les obligations des pays membres : Le code de bonne conduite
Le régime de droit commun
Le FMI a plusieurs objectifs tels que mentionnés dans ses statuts : « promouvoir l’expansion et l’accroissement du commerce international… », «Contribuer à l’instauration et au maintien de niveaux élevés d’emploi et de revenu», ces objectifs sont d’ordre national et international. Pour la mise œuvre effective de ses ambitions, le FMI a institué un régime e de droit commun mais aussi un régime d’exception : ces régimes peuvent permettre aux membres d’atteindre leurs objectifs et faire face aux aléas.
Les États doivent respecter sept obligations selon l’un des principes généraux du droit international qui est le « Pacta sunt servanda ». Nous allons les énumérer ci-après. Il est à noter que certaines ont été remaniées avec le deuxième amendement aux statuts en 1978 :
– Le maintien de taux de change ordonnés : aucune dévaluation compétitive ; taux de change stable et unique pour les États. Une évolution a été introduite en 1978 quant au maintien du taux de change stable. Il a été changé en taux de change flottant.
– Le régime juridique international de l’or : de 1945 à 1978, l’or était au centre du système de Bretton Woods mais en 1978 avec le deuxième amendement a été adopté la démonétisation de l’or.
– L’obligation de convertibilité monétaire : les statuts du FMI ont instauré un régime de convertibilité de droit commun puisqu’il est stipulé dans l’article I iv que l’objectif du Fonds est « de favoriser l’établissement d’un système multilatéral de règlement des transactions courantes entre les Etats membres »
– L’élimination progressive des restrictions de change : c’est une obligation qui pèse sur tous les États membres du Fonds. Cela permet « l’élimination des restrictions de change qui entravent le développement du commerce mondial »
– L’obligation de respect mutuel des règlementations nationales des changes conformes aux statuts du FMI : pour permettre une large protection internationale aux règlementations des changes des pays membres dans la mesure où elles ne seraient pas illicites.
– L’obligation de communication d’informations : tous les membres doivent communiquer tout renseignement nécessaire au fonctionnement du FMI.
– L’obligation générale de collaborer avec le Fonds : cela en vue de promouvoir la stabilité des changes. Cette dernière obligation démontre l’autorité du Fonds.
Les régimes d’exception
Pour permettre aux pays de s’adapter à cette institution nouvellement créée une période d’adaptation a été nécessaire. Mais aussi afin de faire face aux crises qui peuvent surgir des pouvoirs spéciaux ont été accordés au FMI soit à ses membres. Pour la période transitoire, les accords de Bretton Woods prévoyaient un régime d’exception pour les États qui sont la plupart des pays en voie de développement : c’était la possibilité d’être soumis à un régime monétaire moins strict et mieux adapté à leur situation. Cette période transitoire ne devait pas dépasser cinq ans.
Le régime de monnaie rare est aussi l’un des régimes d’exception : le Fonds peut formellement déclarer la rareté d’une monnaie d’un de ses membres s’il ne lui est plus possible de s’en procurer normalement. Ce régime n’a été utilisé que très rarement même pour le cas de la Suisse. Quelques dérogations et exceptions spécifiques sont prévues dans les statuts du Fonds, cela dans le but de faire face à des crises graves sans pour autant adopter des solutions extrêmes comme la liquidation du Fonds ou l’expulsion d’un pays membre pour violation de l’une des règles de bonne conduite. Mais le FMI a le pouvoir de décider d’une suspension temporaire de certaines de ses dispositions . Les États membres ont droit de recourir à de restrictions sur les paiements internationaux mais sous contrôle du Fonds afin d’éviter les abus hypothétiques.
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