Pratiques préconisées en calcul mental

PRATIQUES PRÉCONISÉES EN CALCUL MENTAL

Le constat des approches pédagogiques

« Actuellement, nombreux sont les professeurs des écoles qui se sentent fragiles, voire incompétents en mathématiques. Ils suivent alors une méthode qui les rassure, se raccrochent à des fichiers « emprisonnants » qui les font passer à côté des enjeux de la discipline », constataient Villani et Torossian (2018, p.13) dans leur rapport sur l’enseignement des mathématiques. Ainsi, commençons ce chapitre par ces extraits d’entretien de deux professeures des écoles enseignant le calcul mental au CP, faisant part de leur impuissance à agir, leur sentiment de solitude, leur usure morale et leur manque de satisfaction caractérisant leur pratique professionnelle.

Les dispositifs d’accompagnement du système éducatif

Lié à la démocratisation de l’enseignement et ayant pour origine les études relatives à la différenciation pédagogique initiées en France, en 1970, le traitement des difficultés est pris en charge au niveau politique depuis les années 1980 (Feyfant, 2016). Si la loi d’orientation de 1989 et celle de 2005 encourageaient une aide aux seuls élèves en difficulté, la dernière loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République de 2013 officialise le passage « de l’aide aux seuls élèves en difficulté à l’accompagnement pour tous » en rendant possible « l’accès de chacun en fonction de ses aptitudes et de ses besoins particuliers aux différents types ou niveaux de la formation scolaire » (Cour des comptes, 2015). De manière précise, cette réforme est stipulée dans les textes officiels en les termes suivants : « […] de la maternelle à la fin du collège, les élèves doivent recevoir un accompagnement pédagogique adapté aux besoins de chacun afin de favoriser la réussite de leur scolarité et la validation du socle commun. Lorsque cela s’avère nécessaire, cet accompagnement prend la forme d’aide ». Autrement dit, l’accompagnement des élèves est omniprésent dans les discours institutionnels et doit faire partie du paysage ordinaire du système éducatif.
D’après Martin-Van der Haegen et Torres (2016), « l’enjeu est à la fois, dans une même urgence, quantitatif et qualitatif : il s’agit d’accompagner tous ces élèves, aux profils multiples, vers l’acquisition de compétences diverses. [Ainsi], la massification des publics se conjugue avec un objectif d’excellence pour tous, d’égalisation des conditions éducatives et de généralisation des prises en charge ». Par conséquent, cette innovation imposée suppose une personnalisation des enseignements qui prend notamment la forme de la diversification et de la différenciation en remettant fortement en question les pratiques, les identités et les relations professionnelles au sein des établissements scolaires.
La question soulevée par Pétreault (2016) se pose alors aux enseignants : « Comment faire réussir tous les élèves alors qu’ils sont si différents ? » En effet, il y a « un double objectif pédagogique : enseigner à tous les élèves et s’adapter à chaque cas dans sa singularité pour le faire réussir ». De ce point de vue, nous pouvons comprendre la perplexité des enseignants, car sans formalisation des cases en répondant à des questions du type « compte est bon » (avec des contraintes sur les opérations) ou à des petits problèmes. des pratiques pédagogiques attendues, face à des élèves dont les besoins sont complexes à cerner, sans disposer d’un accompagnement suffisant dans la mise en œuvre de ces dispositifs pédagogiques, certains professeurs peuvent se sentir professionnellement fragilisés. En fait, « les enseignants s’interrogent sur le bien-fondé des mesures qu’on leur demande de mettre en place. Aider, accompagner, personnaliser, individualiser, différencier, tutorer,…À quoi renvoie chacune de ces prescriptions ? Faut-il faire autre chose ou autrement que ce qui se fait en classe ? Quelles modalités de l’aide sont mis en œuvre dans la classe, hors la classe et en dehors de l’établissement scolaire ? » (Félix et al., 2012). De l’avis de Barrère (2013), la prise en compte de l’hétérogénéité des élèves constitue l’une des principales sources de crise du métier d’enseignant. En définitive, nous pouvons légitimement faire l’hypothèse que l’accompagnement pédagogique est selon toute apparence une incertitude au sein de l’organisation scolaire qui doit être levée afin d’éviter tout autre problème multiforme. Néanmoins, d’après Coquin (2019), « au regard du contenu des différents dispositifs proposés par le législateur, et en attente d’une meilleure articulation entre méthodologie et discipline (s), il y a sans doute à co-construire les contours de ce nouvel enseignement à part entière avec l’ensemble des acteurs de la communauté éducative » (p.53). « En fait, qu’ils s’agissent de construction de progressions et de systèmes d’évaluation propres aux objectifs retenus, le positionnement didactique des disciplines mobilisées sont autant de contours à dessiner par les membres de la communauté scolaire » (p.53), conclut le chercheur. Pour plus de précisions, passons en revue les objets et la teneur de l’ensemble des dispositifs pédagogiques préconisés par l’institution, en vue d’aider les élèves les plus fragiles.
À l’école primaire, quatre dispositifs semblent répondre aux problématiques des élèves rencontrant des difficultés en calcul mental. Tout d’abord, nous trouvons « les activités pédagogiques complémentaires (APC) ». Actuellement en place, ce dispositif remplace, depuis 2013, l’aide personnalisée (créée en 2008). Bien qu’elles s’inscrivent dans l’ensemble des mesures contribuant à la maîtrise du socle commun de connaissances, de compétences et de culture et à la réussite de tous les élèves, ces activités « ne relèvent pas du temps d’enseignement obligatoire pour les élèves mais s’ajoutent aux 24 heures hebdomadaires d’enseignement dues à tous et nécessitent l’accord des parents concernés (Eduscol). Toutefois, leur volume horaire annuel ne peut excéder 36 heures. D’autre part, les APC offrent trois types d’aide aux élèves en difficulté. « Les enseignants peuvent ainsi aider les élèves lorsqu’ils rencontrent des difficultés dans leurs apprentissages, les accompagner dans leur travail personnel ou leur proposer une activité prévue dans le cadre du projet d’école, le cas échéant en lien avec le projet éducatif territorial de la commune » (Eduscol). Cependant, depuis 2018, ce dispositif est consacré uniquement à la prise en charge des élèves en lecture.
Au regard de son domaine d’activités, le second dispositif pédagogique, « les stages de remise à niveau (SRAN), concernent les élèves en difficulté, au cours moyen 1 et 2 (depuis 2009) et au cours élémentaire 1 (depuis septembre 2018), présentant des lacunes importantes en mathématiques ou en français, particulièrement repérés lors des évaluations nationales, académiques ou locales. Ces stages gratuits sont proposés, durant cinq jours à raison de 3 heures dans les trois zones pendant la période des vacances scolaires : une semaine au printemps, la première semaine de juillet et la dernière semaine des vacances d’été. Des enseignants volontaires prennent en charge des petits groupes de cinq à six élèves, animent ces stages et en définissent le contenu. En outre, les SRAN « s’inscrivent dans le dispositif général de lutte contre la difficulté scolaire identifiée tout au long de l’année ou au moment des évaluations… » (BO du 6 avril 2008).
Dans la continuité des deux formes d’accompagnements présentées supra, « le programme personnalisé de réussite éducative (PPRE) », apparu en 2005, a pour vocation tout autant de prévenir la difficulté que d’y pallier. Dans cette optique, il est constitué d’une action spécifique d’aide et d’un ensemble d’autres aides coordonnées. Spécifique, intensive et de courte durée pour garantir son efficacité, « sa mise en œuvre est assortie d’un système d’évaluation permettant de dresser un état précis des compétences acquises par l’élève des objectifs à atteindre à la fin du cycle et de les situer au regard des exigences du socle commun » (BO n°31 du 31 août 2006). En corollaire, il s’agit d’un dispositif réfléchi visant une aide ciblée à atteindre dans un temps court.
Il suppose donc de la part de l’enseignant, des capacités à repérer la difficulté et à choisir l’action spécifique à engager, une action dont il faudra mesurer l’efficacité.
Enfin, un quatrième dispositif, « le RASED (Réseau d’aide en difficulté) » est mobilisé immédiatement, dans le cadre de l’équipe pédagogique, dès qu’un élève attire l’attention de l’enseignant à travers son attitude envers l’activité scolaire, sa manière de répondre aux consignes, son mode d’adaptation à la vie collective qui peuvent être révélateurs de difficultés susceptibles de grever son avenir scolaire. « Pour aider ces élèves, les enseignants spécialisés des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté viennent renforcer les équipes pédagogiques en apportant des compétences spécifiques permettant de mieux analyser ces situations particulières et de construire des réponses adaptées » (BO n°31 du 27 août 2009). Quand un élève relève successivement, voire simultanément de l’APC et de l’aide spécialisée, il convient de garantir la complémentarité entre les deux modes d’action qui sont coordonnées et évaluées dans le cadre du PPRE.
Pour conclure sur le recensement des dispositifs de prise en charge des élèves les plus fragiles, nous avons vu qu’ils se sont largement développés depuis les années 2000 en visant concomitamment la prévention et la lutte contre l’échec scolaire. Aujourd’hui, force est de constater que la multiplication des dispositifs généralisée dans le système éducatif « indique un « nouvel âge de l’organisation scolaire » (Barrère 2013) au croisement de problématiques pédagogiques et organisationnelles, et favorisant des pratiques pédagogiques « en rupture avec le face-à-face habituel d’un enseignant et du groupe-classe » (Barrère, 2013). Par conséquent, que les enseignants fassent du soutien scolaire, de la remédiation, de l’aide, de l’accompagnement, de l’étayage ou encore de la différenciation (Feyfant, 2017), ce sont autant de gestes professionnels qui doivent contribuer à donner de l’efficacité à un temps d’accompagnement personnalisé.

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