Les premières expériences d’enseignement en autonomie sont autant de possibilités d’apprendre, de découvrir et de chercher sa place dans la classe. C’est aussi l’occasion de constater la complexité de la profession d’enseignant, avec tout ce que cela peut engendrer : stress, surcharge de travail, mais aussi joie et développement professionnel. C’est ce dernier point que nous voulons aborder, et plus précisément les pratiques en gestion de classe d’étudiants en fin de formation à la Haute Ecole Pédagogique du Valais (HEP-VS) d’une part, et d’enseignants entrés dans la profession il y a deux ans ou moins, d’autre part. En effet, nous souhaitons questionner l’évolution des pratiques en gestion de classe durant la formation, puis durant les premières expériences professionnelles. Nous voulons mettre ces changements en relation avec l’identité professionnelle, qui joue un rôle important dans le développement professionnel et personnel des enseignants.
Afin de cibler plus précisément la question qui nous intéresse, soit les pratiques des enseignants débutants en gestion de classe, et de comprendre ses enjeux, nous souhaitons faire un état des lieux des connaissances actuelles sur le sujet. Un article nous a paru adapté et très intéressant pour notre recherche : Enseignants débutants et pratiques de gestion de classe (Chouinard, 1999). Dans la littérature francophone, il s’agit de la principale méta-recherche sur le sujet. L’auteur y effectue « une revue de la documentation scientifique qui traite du rôle des représentations et des connaissances procédurales dans les pratiques en gestion de classe des enseignants débutants » (p. 497). Cette collecte de données nous semble très complète et devrait nous fournit bon nombre d’éléments particulièrement intéressants pour notre travail. Nous solliciterons également d’autres ouvrages produits depuis 1999 afin d’élaborer notre problématique.
Avant cela, précisons que le terme « débutant » est utilisé par Chouinard (1999) autant pour parler des étudiants en formation que des enseignants en début de carrière. Cidessous, nous utiliserons donc ce terme pour désigner ces deux groupes de personnes.
Une gestion difficile
La recherche montre que la gestion de la classe est un point central de l’enseignement. En effet, Fijalkow et Nault (2002) relèvent que « plusieurs recherches portant sur les difficultés des enseignants montrent que la gestion de classe se retrouve parmi les difficultés qui apparaissent le plus souvent » (p. 234). Ces conclusions confirment celles de Chouinard (1999). En effet, ce dernier souligne que les différentes études qui traitent de ce sujet démontrent l’importance de la gestion de classe, qui influence grandement la réussite scolaire et les apprentissages. Si l’on s’intéresse plus spécifiquement aux enseignants débutants, on constate que les difficultés rencontrées quant à la gestion de la classe ont encore plus d’importance : « La gestion de classe représente la préoccupation majeure des enseignants en début de carrière ainsi que leur principale source de difficultés » (Chouinard, 1999, p. 498). L’auteur ajoute même que ces difficultés provoqueraient quant à elles une perte de contrôle des enseignants, des problèmes de discipline et une perte de temps dédié aux apprentissages. Mais comment expliquer ces difficultés en gestion de classe ?
Les causes possibles
Comme dit précédemment, la gestion de classe est un aspect primordial de l’enseignement, en particulier chez les enseignants débutants. De plus, nous avons remarqué que les enseignants rencontraient souvent des difficultés liées à cet aspect. Dans cette partie, les causes éventuelles de ces difficultés sont esquissées, selon la catégorisation proposée par Chouinard (1999) notamment : représentations et connaissances procédurales.
Les représentations
En premier lieu, les représentations qu’ont les enseignants débutants des élèves et de l’enseignement seraient une cause possible de difficultés rencontrées en gestion de classe. Avant d’aborder l’effet de ces représentations sur les pratiques en gestion de classe, il nous semble nécessaire de définir ce concept. D’après Legendre (1993), « les représentations cognitives forment un mode intellectuel de conceptualiser sa pensée propre à chaque personne » (cité par Chouinard, 1999, p. 498). Toujours selon ce même auteur, elles peuvent prendre des formes diverses : images, perceptions, impressions ou encore opinions préconçues ou préjugés. Pour leur part, Morissette et Voynaud (2002) assimilent les représentations à des « constructions circonstancielles faites dans un contexte particulier et à des fins spécifiques » (p. 18). Ces constructions sont déterminées par la tâche et les décisions à prendre. En effet, ces mêmes auteures définissent une représentation comme « une image mentale d’une situation, que l’on élabore en vue de mieux la connaître et d’agir sur elle » (p. 18), Au niveau de l’enseignement, les représentations exercent une influence sur plusieurs dimensions de la profession. En effet, « l’importance accordée au contenu, à l’organisation de la classe et à la conception de l’apprentissage et de l’enseignement » (Chouinard, 1999, p. 498) semble varier en fonction des représentations des enseignants. Dans un même ordre d’idées, ces dernières influent également sur les décisions prises par l’enseignant ainsi que sur toutes les interactions entre enseignant et élèves. En lien avec les représentations, Archambault et Chouinard (1996) précisent l’importance de connaître ses attentes vis-à-vis des élèves et de les transmettre : « Plus l’enseignant saura clairement ce qu’il attend de ses élèves, plus il sera en mesure d’établir un fonctionnement dans la classe qui soit conforme à ses attentes et à sa façon de voir l’enseignement et l’apprentissage » (p. 7). On constate donc l’importance des attentes qu’a l’enseignant envers ses élèves et de sa vision de l’enseignement.
Les connaissances procédurales
Pour expliquer les difficultés des enseignants débutants en gestion de classe, d’autres chercheurs mettent plutôt l’accent sur leur manque de connaissances procédurales. Selon Tardif (1992), ces connaissances « correspondent au comment de l’action, aux étapes pour réaliser une action, à la procédure permettant la réalisation d’une action » (p. 50). D’après Chouinard (1999), des différences importantes apparaissent entre les enseignants experts et les débutants. Certains aspects de la gestion de classe sont particulièrement concernés par ce manque de connaissances procédurales : « le maintien de l’ordre, la résolution des problèmes, l’engagement et le maintien des élèves dans les tâches et l’automatisation des modèles d’action » (p. 501).
Evolution des représentations, acquisition de connaissances et ajustement des pratiques
Selon Chouinard (1999), les enseignants débutants, après des débuts difficiles en gestion de classe, connaissent des transformations importantes : modification de leurs représentations sur les élèves et l’enseignement, acquisition de nouvelles connaissances et ajustement des pratiques en classe. Pour résoudre les difficultés au niveau de la gestion de classe, plusieurs auteurs ont en effet émis l’hypothèse qu’il faut passer par « la transformation de ces représentations et par l’acquisition de connaissances permettant la prévention et la résolution des problèmes qui surviennent en classe » (Chouinard, 1999, p. 511). Les enseignants semblent remarquer l’importance d’être constant au niveau de la gestion de classe, tout comme l’importance de mettre en œuvre des règles et des procédures efficaces. Notons qu’il s’agit plutôt d’une prise de conscience et d’un approfondissement des idées reçues en formation.
1. Introduction |