Pour une histoire des pratiques du montage
THE TIME MACHINE à certains moments ressemble à un road movie qui suit les pas de son réalisateur en personne. Delpeut se m et lui-même en scène dans des entretiens tout au long des six épisodes. Il nous dévoile ses réflexions à travers la voix-off et son choix des archives recyclées. La série a comme fil conducteur des variations de la figure du phantomride (en train, en voiture, en tram, à bord d’un vaisseau spatial). Delpeut interroge également la figure de l’écran : du moniteur d’ordinateur utilisé par lui-même au Musée Albert Kahn, à la table de montage classique manipulée par Eisenberg, au moniteur de télévi sion dont se sert Farocki, à la salle de montage numérique utilisée par Forgàcs, à l’iconographie du 16 ème siècle jusqu’à l’ultrasono graphie du fœtus analysées par Duden. L’histoire de l’im age démontre que le regard varie en fonction des supports et conditions de visionnage. Chaque épisode se sert de transitions pour nous déplacer dans un autre horizon spatial (géographique) comme temporel à base des archives mises en raccord avec témoignages de notre temps. THE TIME MACHINE est ainsi une histoire implicite des pratiques du montage, tracées par Delpeut à travers ces outils (écrans), supp orts (dessin, photographie, film, télévision, numérique), sujets (con servateurs, chercheurs, cinéastes), techniques ( caméra, projecteur). Les images fonctionnent comme un ‘tunnel’ qui met en place une sorte de ‘transport’ différé dans le temps et l’espace’, substitution de l’ expérience du ‘voyage’. L e compilateur met en place ce ‘tu nnel’ à trav ers son rem ploi des archives du passé associées aux prises de vues récemment tournées dans le même espace géographique notamment à Chicago, à Berlin et à Budapest.
THE TIME MACHINE ne fait pas un usage exclusif de films muets. Delpeut n’est plus au service de mettre en valeur seulement des collections du NF M, même s’il fait encore appel aux archives d’autres cinémathèques collègues comm e les Arch ives de la Planète, mais aussi aux fil ms complets comme DISPLACED PERSONNE. Toutefois, on constate qu e ces réflexions philosophiques sont le résultat de ses expéri ences de valorisation du ciném a muet au NFM. Il reprend les copies des collections Desmet et la Mutoscope & Biograph mises en valeur au même titre que les prises de vues Lumière. Il interroge film s et personnalités de la scène docum entaire du indirecte de la tradition des archives Filmliga déposées via la salle d’art et d’essai Uitkijk. Delpeut recycle tou tes ces arch ives de m anière à m ettre en rétrospective le Centen aire vu à travers le cinéma muet, et à travers certains film s-clés de la scène docu mentaire, ainsi que de la programmation à la télévision. THE TIME MACHINE contribue à la v isibilité des cinéastes du found footage, de plus en plus importante dans les cinémathèques comme dans certains circuits des festivals de cinéma internationaux (notamment Rotterdam, Pesaro). Les films de Gianikian et Ricci Luchi entrent aussi comme ceux de Forgàcs dans les circu its des historiens et archivistes. L’œuvre du c ouple a une forte présence au NF M comme au Museo N azionale del Cinema-Torino (1992), au Gi ornate de Cinema Muto (1995) et à la Galerie Jeu de Paum e (Paris, 1995).988 Cette scène documentaire entre alors en résonance avec un certain rés eau des études du ciném a muet. L’effort de Delpeut pour intéresser le téléspectateur néerlandais à cette tendance est emblém atique. Il contribu e ainsi à sauvegarder la m émoire d’autres pratiques de remontage en dehors du Musée. De son côté, le NFM poursuit sa dynam ique de valorisation passée l’am biance effervescente A partir de 1997, loin des déclarations offici elles, on trouve peu à pe u des bilans critiques de la communauté archivistique et des historiens sur les effets des événem ents du Centenaire du cinéma. De sa part la FIAF notamment étab lit les p riorités à régler parm i ses mem bres, questionnés en tenant compte des résultats de l’étude appliquée par Michelle Aubert en 1995 (Archives du Film Bois d’Arcy, CNC) qui affirme: « Un travail pionnier a été entrepris par toutes les institutions concernées malgré les obstacles de tout ordre : financier, technique, personnel, juridique, etc…(…)° A l’heure de la valorisation économique du patrimoine filmique devient un enjeu, il est important de rappeler que sans le travail et l’apport de ces cinémathèques et archives qui travaillent dans un contexte non commercial, il n’y aurait ni mémoire ni valorisation culturelle de milliers et de milliers de films dans le monde. Il nous faut insister sur le fait que des problèmes importants persistent dans de nombreuses institutions. Ils concernent principalement les questions techniques de la conservation des collections, de la duplication des films nitrate et leur restauration et le catalogage des collections films qui doit être terminé pour maintenir la conservation des collections de façon adéquate. (…)° L’importance des problèmes juridiques exprimés nous a surpris. Mais il est vrai que les récents développements de l’édition vidéo et la programmation croissante des films à la télévision ont totalement changé les enjeux juridiques et financiers des films patrimoniaux. Les archives et cinémathèques qui ont entrepris des programmes de restauration sont de plus en plus sollicités pour ces programmations et confrontées à la question.