Afin de contribuer à la lutte contre l’insécurité alimentaire et nutritionnelle, des initiatives de divers ordres ont été développées à Madagascar et de nombreuses directives ont été élaborées dans des documents nationaux. Le Protocole National de Lutte contre les Carences en Micronutriments a opté pour la supplémentation en vitamine A et en fer-acide folique des enfants de 6-59 mois ainsi que des mères dans les 8 semaines qui suivent l’accouchement (INSTAT et ICF Macro, 2010). Les stratégies à long terme consistent à promouvoir la consommation d’aliments riches en vitamine A et en fer (PNAN, 2012). Parmi ces dernières figurent les légumes feuilles qui ont retenu l’attention des chercheurs nationaux ces dernières années. En effet, ils constituent une source intéressante de nutriments comme par exemple, les feuilles de Moringa oleifera (Ramaroson Rakotosamimanana, 2014 ; Harimalala Andriambelo, 2015). Les légumes feuilles contribuent de manière importante à la couverture des besoins en vitamine A des enfants (Randrianatoandro et al., 2010). Ils sont reconnus comme sources de protéines, de provitamine A et de divers micronutriments (Gupta et al., 2005 ; Odhav et al., 2007; Agte et al., 2000). En plus de ces potentialités nutritionnelles, en tant que légumes, ils se sont avérés également riches en antioxydants (Dasgupta et al., 2007 ; Thu et al., 2004 ; Subhasree et al., 2009).
L’intérêt porté aux antioxydants naturels, en relation avec leurs potentialités thérapeutiques a largement augmenté ces dernières années (Huang et al., 2005). Connaître la capacité antioxydante et la composition en antioxydants des aliments est devenu un sujet de recherche d’actualité. Ces derniers sont des molécules qui jouent un rôle dans la prévention des maladies liées au stress oxydatif tels que les problèmes cardio-vasculaires, les cancers, les maladies de dégénérescence liées à l’âge. Les flavonoïdes comme la catéchine et la quercétine font partie des composés phénoliques à activité antioxydante à concentration élevée dans les légumes (Shetty et al., 2013).
Centella asiatica est une plante herbacée qui peut se développer sur une grande variété de sols et dans divers contextes écologiques (Devkota et al., 2009). Elle possède diverses propriétés fonctionnelles grâce à ses composants : les triterpènes, les flavonoïdes et les autres composés phénoliques. Elle est surtout connue pour sa propriété cicatrisante. De plus, elle possède également une potentialité antioxydante, une activité antibactérienne et des effets immunomodulateurs entre autres (Devkota et al., 2012 ; Brinkhaus et al., 2000). Par ailleurs, plusieurs auteurs, surtout en Asie du sud-est, considèrent Centella asiatica comme légumes feuilles et plusieurs ouvrages sont publiés sur ses propriétés nutritionnelles par rapport aux autres légumes feuilles connus (Raju et al., 2007 ; Sheela et al., 2004 ; Vishwakarma et al., 2011).
Régime alimentaire à Madagascar et conséquences
Le riz, aliment de base des malgaches, est consommé sous trois formes, deux à trois fois par jour, et généralement accompagné d’un mets (laoka) souvent à base de légume feuille. Le mets peut comporter ou non des produits d’origine animale et halieutique mais, la consommation de ces derniers est limitée à cause de leur coût qui ne cesse de croître et est donc inaccessible pour les couches pauvres de la population (FAO, 2005 ; PNAN, 2012). Les fruits ne sont consommés que quelques fois. D’après les données disponibles, le riz est suivi de près par les tubercules comme le manioc à Antananarivo et la banane plantain à Antsiranana (Ramaroson Rakotosamimanana, 2014).
Ce régime alimentaire, essentiellement d’origine végétale, est caractérisé par une déficience en protéine, environ 45 g par personne par jour contre 56 g recommandés, également en matière grasse avec 20 g par personne par jour contre 77 g recommandés (FAO, 2005).
Concernant les micronutriments, ce régime est riche en fer non héminique, parfois en phytates et autres facteurs antinutritionnels, ainsi qu’en fibres ce qui réduit la biodisponibilité du fer. En effet, les carences en micronutriments, à savoir l’avitaminose A, l’anémie ferriprive, la carence en calcium constituent la forme de malnutrition la plus préoccupante et accroissent les risques de morbidité et de mortalité infantile et maternelle. La carence en vitamine A touche 42 % des enfants (MOH/USAID & SEECALINE, 2000), l’anémie ferriprive atteint 51 % des enfants de 6-59 mois dont 30 % sous forme légère, 20 % sous forme modérée et 1 % sous forme sévère (INSTAT et l’ORC Macro, 2005).
Plantes et utilisations
Utilisations médicinales des plantes
D’après Singh et al. (2008), l’Ayurveda est le plus ancien système médicinal au monde. Il traite différents domaines : la vieillesse, le rajeunissement, la nutrition, l’immunologie, la génétique, l’amélioration de la mémoire. Les remèdes sont appelés Rasayana et les plus populaires sont Ashwagandha, Brahmi, Mandukaparni et Sankhapuspi. Les plantes utilisées pour ces remèdes sont respectivement : Withania somnifera Dunal, Bacopa monnieri Linn, Centella asiatica Linn, Convolvulus pluricaulis Chois.
Madagascar compte plus de 13 000 espèces de plantes dont 27 % ont une vertu thérapeutique (Juliard et al., 2006). Trois institutions travaillant sur les plantes médicinales sont présentes à Madagascar : HOMEOPHARMA, IMRA (Institut Malgache des Recherches Appliquées) et CNARP (Centre National d’Application des Recherches Pharmaceutiques).
Dans 4 régions de Madagascar (Antsiranana, Mangoro, Haute Matsiatra, Analanjirofo) les plantes les plus utilisées à des fins médicinale et aromatique sont les suivantes (Juliard et al., 2006) :
– plantes collectées dans leurs milieux naturels : radriaka (Lantana camara), talapetraka (Centella asiatica), gingembre sauvage (Hedysarum coronarium)
– plantes cultivées : gingembre (Zingiber officinalis), cannelle (Cinnamomom verum), poivre noir (Piper nigrum), eucalyptus (Eucalyptus globulus et Eucalyptus citrodora), ravintsara (Cinnamomom camphora), curcuma (Curcuma longa)
– espèce considérée comme en danger : katrafay (Cedrelopsis grevei), actuellement cultivée.
Par ailleurs, parmi les 89 espèces de plantes qui ont été recensées comme commercialisées à Antananarivo, 10 sont mentionnées par 60 à 100 % des vendeurs d’après Randriamiharisoa et al. (2015) : Pauridiantha paucinrevis (tamirova), Cedrelopsis grevei (katrafay), Neobeguea mahafaliensis (andy), Cereus triangularis (tsilo), Senna occidentalis (tsotsorinangatra), Ocimum gratissimum (romba), Symphytum orientale (konsody), Cynara cardunculus (artichaut), Distephanus polygalifolus (ninginingina), Urera acuminata (sampivato).
Une grande proportion (73 %) des parties utilisées sont les feuilles comparativement aux autres parties telles les écorces (7 %), les tiges (5 %), les racines (5 %), la plante entière (4 %), les fruits (2 %), les tubercules (2 %), les fleurs (1 %) et autres (1 %). Pour des raisons culturelles et financières, environ 70 % de la population vivant en milieu rural dépendent des plantes, de la médecine traditionnelle pour leur santé. Les maladies les plus citées pouvant être traitées par les plantes médicinales sont : l’hépatite (maladie du foie), les calculs rénaux, l’asthénie (manque de force), la cicatrisation, la toux, l’inflammation de l’estomac (Randriamiharisoa et al., 2015). Boiteau (1979) dans son livre intitulé « Précis de matière médicale malgache » a mentionné plus de 90 utilisations de plantes.
Les plantes dans l’alimentation
Sur les 275 espèces légumières les plus importantes d’Afrique tropicale, 207 sont consommées pour leurs feuilles. Le Tableau I.4 montre les légumes feuilles (LF) les plus couramment cultivés et consommés en Afrique, Asie et Océanie (Kahane et al., 2005). Les feuilles constituent l’expansion latérale de la tige des plantes, caractérisées généralement par une forme aplatie, sièges de la photosynthèse des végétaux supérieurs. Elles jouent un rôle important dans les régimes alimentaires de toutes les populations du monde, particulièrement en Afrique, en Asie et en Océanie où elles assurent la partie essentielle des besoins nutritionnels et médicinaux (Kahane et al., 2005).
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